Commentaire comparé du 25 octobre : proposition de correction. Carpentier, p. 233-235, de « je compris pourquoi celle […] » à « […] le livre où on la décrivait pour la première fois. » Segalen, p. 58-60, de « Aussitôt, les veilleurs de la montagne […] » à « […] de longs appels de bienvenue »
Publié le 03/01/2023
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UE LM00101 S1 L1 Lettres modernes
Les formes romanesques du voyage
Commentaire comparé du 25 octobre : proposition de correction.
Carpentier, p.
233-235, de « je compris pourquoi celle […] » à « […] le livre où on la décrivait pour la première fois.
»
Segalen, p.
58-60, de « Aussitôt, les veilleurs de la montagne […] » à « […] de longs appels de bienvenue ».
Introduction
A partir du moment où l’homme européen a fait l’expérience de ce « choc exotique » - pour
reprendre une expression chère à Segalen - qu’a constitué la découverte des Amériques, il s’est
interrogé, avec peut-être encore plus d’acuité qu’auparavant, sur la question de l’unité et de la
diversité du genre humain.
Les intellectuels et les religieux de cette époque, et notamment de
la péninsule ibérique – pensons aux prémisses de la controverse de Valladolid -, se sont en effet
emparés de cette question : où situer les Indiens sur le spectre du genre humain ? quelle relation
entretiennent-ils (et, dans la perspective de Sepulveda et Las Casas : doivent-ils entretenir) avec
les Européens1 ?
Les deux extraits donnés ici à étudier nous semblent traiter - certes en d’autres termes, en
d’autres lieux et en d’autres temps - rien moins que des mêmes questions.
Comment de fait
concilier la diversité culturelle des sociétés humaines et leur appartenance à un même genre ?
Comment penser ensemble pluralité et unité ? Ce « monde révolu » dans lequel le Narrateur du
Partage des eaux est immergé, ces communautés d’autochtones qu’il rencontre au fil de son
voyage en Amazonie ne sont en rien inférieurs à la société occidentale qu’il fuit et qu’il
désavoue : les étiquettes de ‘sauvage’ et de ‘primitif’ qu’une tradition occidentale, littéraire et
scientifique, romanesque et ethnographique, leur a accolées ne correspondent en rien à la réalité
qu’il observe lui, de ses propres yeux.
Comme la société occidentale, la culture des Indiens
entretient un lien nécessaire avec leur milieu, leur quotidien, leurs habitudes2.
Le Narrateur
remet donc en question, dans un passage à la fois argumentatif et didactique, les préjugés qu’il
a fini par intérioriser : dans une double posture d’humilité et d’admiration vis-à-vis de la culture
étrangère qui lui fait face, le Narrateur contemple autour de lui les Indiens qui vaquent à leurs
occupations et il finit par faire sa propre palinodie3.
Ce moment intervient juste avant la
découverte des instruments primitifs, le but avoué de sa mission et de son voyage : rien d’anodin
1
Pour le détail sur la controverse de Valladolid, je laisse votre curiosité vous renseigner : pensez aux ressources
internet auxquelles vous avez accès en tant qu’étudiant.
Allez sur l’Encyclopaedia universalis notamment.
2
Pour rappel, la nécessite se définit comme ce qui ne peut pas ne pas être.
3
Changement d’attitude, revirement, volte-face d’un individu qui revient sur ses propos, ses actions, les
reconnaît comme fausses ou mauvaises et qui prend la tangente inverse.
1
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Les formes romanesques du voyage
a priori puisque intégrée à ce large mouvement argumentatif et à cette réflexion hautement
introspective, la description des instruments de musique laisse alors entrevoir, en même temps
qu’elle étaye la thèse initiale du Narrateur, le regard nouveau qu’il porte sur la culture indienne.
Reconnaître la fonction et la beauté intrinsèque des instruments de musique des autochtones
revient en fait à accepter la spécificité et l’intégrité de la culture autochtone : la musique, ce
trait culturel que les Occidents, fourvoyés par une forme d’ethnocentrisme, ont longtemps
considéré comme l’expression du parachèvement artistique de leur culture, et dont ils ont
souvent pensé que l’Occident détenait le monopole, existe en réalité dans des communautés
d’êtres humains éloignés d’apparentes préoccupations artistiques, sous une forme fonctionnelle
sinon artistique : voilà la forte conclusion du Narrateur.
L’extrait des Immémoriaux pose, à bien
des égards, des questions similaires.
A Tahiti, la saison des pluies se termine et viennent les
beaux jours : pour célébrer ce changement de saison et vénérer Oro le Fécondateur, un
« annonciateur » a été envoyé pour faire courir le mot : le temps de la fête est arrivé.
De la
Polynésie et au-delà arrivent donc de nombreuses communautés du peuple maori : elles sont,
dans ce passage, tour à tour décrites par un narrateur certes élogieux mais très taquin.
L’accent
y est mis sur leurs différences culturelles, vestimentaires, rituelles, gestuelles : la différence est,
dans un premier mouvement du texte, montrée et exacerbée.
Moment fédérateur par excellence,
cette fête n’empêche ainsi pas l’émergence de certaines tensions et gentilles frictions entre les
participants mais peut-être ne faut-il y voir qu’une forme de taquinerie fraternelle entre eux…
En effet c’est bien l’unité qui est de circonstance dans cette fête rituelle et ce passage, dans un
second mouvement, finit précisément par montrer que leurs différences se rejoignent au fond
dans leur pratique commune de la langue maori.
Ces deux extraits mettent donc tous les deux en scène un narrateur impliqué qui, face à une
diversité culturelle donnée, cherche à rendre compte autant des différences que de l’unité des
communautés humaines : l’Indien amazonien, maître de son milieu, n’est pas si différent du
New-Yorkais qu’est le Narrateur, les Polynésiens restent « frères » au-delà de leurs différences.
Seulement, cette unité ne provient pas d’une prétendue essence commune de tous les êtres
humains qui seraient, par nature, du fait de leur appartenance à une espèce commune,
semblables : bien au contraire, l’unité se construit par la culture, non par la nature, semblent
supposer ces deux extraits.
Dans les Immémoriaux, c’est la langue maori qui unit l’ensemble
des Polynésiens ; dans Le Partage des eaux, c’est l’aptitude de l’Indien à se doter d’une
technique – d’outils, d’instruments, de pratiques, bref, d’une culture – qui le rapproche, qui le
2
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Les formes romanesques du voyage
rend pour ainsi dire le lointain frère du Narrateur4.
Ce mouvement élargissant, totalisant, propre
à ces deux extraits, qui part donc du particulier – l’individu – au général – le peuple ou le genre
humain – se rapproche beaucoup de celui du discours anthropologique, qui partage avec lui le
même but : rendre compte de ce qui fonde l’unité du genre humain au-delà des différences
culturelles.
Malgré....
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