Commentaire composé du poème XVI du recueil Eloges de Saint-John PERSE
Publié le 27/02/2023
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Commentaire composé du poème XVI du
recueil Eloges de Saint-John PERSE
Le mot Poésie vient du latin poesis, lui-même issu
du grec ancien poîésis qui signifie l’action de faire et de créer.
Le poète est donc créateur, il crée un nouveau langage et à
travers ce langage il crée un nouveau monde.
Le monde des
poètes est par définition un monde à part car il représente une
conception autre que celle connue par le commun des mortels.
Que le poème soit épique (l’épopée), lyrique (l’élégie), satirique
ou didactique, il est souvent le miroir de son auteur et la
représentation que celui-ci se fait du monde et de lui-même.
Le
XIX ème siècle, est par excellence le siècle de la poésie,
plusieurs courants ont vu le jour (romantisme, symbolisme et
parnasse) et surtout un siècle ou l’on a renversé les codes et
les règles de cette poésie que ça soit sur le plan structural (la
forme) ou poétique (le fond : les sujets traités).
Ceci aura un
impact énorme sur les créations poétiques du siècle suivant.
En
effet, au début du XX eme siècle, une panoplie de poètes se
manifestera pour poser chacun sa touche personnelle et
contribuer à faire de cet art, un art à part entière.
Saint-John
Perse est l’un de ces poètes qui ont marqué la littérature du XX
ème siècle.
Il écrit Eloges, un recueil de poésie, entre l’âge de
17 et 21 ans.
Très jeune alors, il fait preuve d’une sensibilité
exceptionnelle et d’une imagination sans borne et offre au
lecteur des poèmes dont la lecture enchante l’oreille mais
intrigue l’esprit.
Bon nombre de critiques confirment le
caractère hermétique de sa poésie et la nécessité de faire
preuve d’un esprit critique et averti pour en décoder le sens et
percer le secret.
Le recueil Eloges raconte une partie de la vie
du poète, celle de son enfance passée en Guadeloupe.
On
l’appelle le « cycle antillais » et « l’Eden tropical » grâce aux
images magnifiées qu’on retrouve tout au long de ce recueil et
le monde sublime qui y est chanté.
Nous allons dans ce sens
commenter le poème XVI du recueil Eloges dans lequel Perse se
remémore son enfance et décrit la scène du réveil sur son île.
Adulte, il jette un regard d'enfant sur les différentes
composantes de sa vie antérieure et en ressort avec un texte
digne d'un conte de fée ou la réalité et la sublimation se
confondent.
Il est donc question de voir dans quelle mesure la
poésie de Perse transforme un simple moment de la journée en
une ekphrasis dans laquelle l'espace îlien devient celui des
correspondances et de l'enchantement?
Pour répondre à cette problématique, nous allons en premier
lieu étudier la position du poète entre l'immanence et la
transcendance dans un espace faussement fermé.
En deuxième
lieu, nous allons traiter la poétique du langage persien.
Et en
dernier lieu nous allons relever les éléments qui transforme la
réalité palpable d'une scène vécue en une toile qui reflète une
espèce d'osmose entre réalité et imagination.
I: L'immanence et la transcendance dans un espace insulaire.
I.1 L'île sans frontière.
Notre poème s'ouvre avec trois points de suspension parce qu'il
s'agit tout simplement de la suite du poème précédent dans
lequel Perse décrit comment se passaient les soirées de son
enfance.
Il continue donc son voyage dans le temps et passe à
la description du matin.
L'espace insulaire constitue le cadre
dans lequel toute l'action se passe.
On relève dans le poème
16, la répétition du substantif "île".
Je cite " verset 5, verset 11
et verset 26).
Rappelons d'abord la symbolique de l'île
(dictionnaire des symboles): il s'agit d'un refuge, d'un centre
spirituel, d'un lieu d'élection de paix loin de l'agitation du
monde.
Elle est par définition un espace isolé, et clos, or, ce
qu'on constate dans ce poème, c'est qu'elle s'ouvre sur
l'immensité du monde "pousser le volet et regarder le ciel, la
mer...".
Perse, en choisissant cet espace, laisse croire qu'il
cherche à retrouver ce refuge et cette spiritualité d'antan, qui
lui ouvre l'esprit et le libère.
La notion de liberté nous la
retrouvons en analysons les versets 14 et 15 "Des enfants
courent aux rivages! des chevaux courent aux rivages! Un
parallélisme parfait jusqu'à la ponctuation, accentué par une
épiphore.
Cette structure stylistique illustre le rapprochement
que fait Perse entre enfants et chevaux pour renforcer cet état
de liberté dont jouissent les enfants.
Qu'on retrouve aussi chez
les plantes "s'affolent sur les toits" chez le vent qui déferle
"jusqu'à ces cayes" et chez la mer qui "entre les iles, est rose
de luxure".
Chaque élément semble tirer sa beauté et sa force
de l'île.
On peut dire autant du poète qui transforme son île en
un espace paradisiaque ou tout est lié.
I.2 Transcendance et immanence
La lecture de ce poème laisse paraitre un rapport
"géométrique": un vertical: une sorte de transcendance et un
autre horizontal, on parle alors d'immanence.
Qu'en est-il de la
transcendance? On remarque que la première des choses que
les vieux font une fois levés, c'est regarder le ciel.
Cet acte est
la manifestation de la reconnaissance de la transcendance et de
la sacralité du ciel.
Un espace infini et inaccessible mais qui
dans un rapport de réciprocité, communique avec les vieux
puisque l'aube les renseigne sur la météo de la journée.
le
champs lexical de l'élévation renforce cette idée de rapport
transcendantale avec l'espace: "se lève, les toits, remonte...".
La deuxième strophe, fait ressortir de façon beaucoup plus
significative ce déplacement continuel entre le haut et le bas: le
poète dit "Aussitôt c'est le jour! et la tôle des toits s'allume
dans la transe, et la rade est livrée au malaise, et le ciel à la
verve, et le conteur s'élance dans la veille!".
Perse commence
sa description par les toits, descend vers la rade remonte au
ciel et enfin se pose sur terre à côté du conteur.
Cet espace
semble exercer sur le poète une force surnaturelle.
Concernant l'immanence ou le rapport horizontal constaté, on
peut le relever à travers tous les verbes d'action qu'on retrouve
avec abondance dans ce poème.
Le contact est permanent avec
les rivages, le vent, l'eau, les maisons etc.
Il s'agit d'une
atmosphère très active et très vivante selon le souvenir du
poète.
Tout ceci vient renforcer l'idée que le poète se positionne
au centre de ce décor et s'en inspire pour créer des connections
continuelles.
En gros, l'espace décrit par le poète reflète son esprit créateur
qui se laisse exulter par son souvenir et transmet au lecteur un
monde d'une poétique déconcertante car pas très vite sentie.
C'est donc pour cela nous allons dans cette deuxième partie de
ce travail, faire le tour du langage poétique de perse et essayer
de lever le voile sur son caractère hermétique.
II- La poétique persienne.
II.
1.
L'immensité intime.
En revenant à cette partie de sa vie, le poète met le lecteur
face à un dilemme: est ce l'enfant qui parle ou c'est plutôt
l'adulte? Ce que nous pouvons affirmer, c'est qu'il s'agit d'une
vision d'enfant méditée par un adulte.
Perse a intériorisé cet
épisode de sa vie et le fait de l'extérioriser ou plus simplement
le verbaliser, il a ouvert en quelque sorte le monde dans un
dépassement du monde vu tel qu'il était.
Il a en conséquence
reconstruit pièce par pièce son monde d'enfance qui est le
miroir du poète lui-même.
Le langage ne se suffit pas d'être
verbal mais devient un état d'âme que l'espace (pourvu d'une
âme comme on va le voir un peu plus tard) partage et exerce.
L'avènement du jour ou du petit matin se transforme chez
Perse en une sorte de rituel auquel participe la tôle, la mer, le
ciel et la rade.
Il utilise des substantifs qui relèvent du jargon
psychanalytique (la transe, le malaise, la verve) qui prennent
ici les sens suivants (agitation, exaltation et fantaisie dans la
parole pour le troisième).
Plus encore, ces éléments remplacent
le conteur qui lui se met en veille.
La mission peut être menée
par l'un ou par l'autre.
Il transfuse son imaginaire dans les
éléments naturels objet de sa méditation.
Le monde que Perse
conçoit dans ce poème est un monde infini comme les
différentes interprétations que nous pouvons assigner au
nageur par exemple qui "a une jambe en eau tiède mais l'autre
pèse dans un courant frais".
Il y a ici une antithèse renforcée
par la conjonction d'opposition "mais" qui peut facilement être
remplacer par une simple conjonction de coordination "et" on
aura obtenu le même résultat.
Est-ce pour mettre l'accent sur
la diversité des sensations qu'offre la mer? ou peut être pour
inviter le lecteur à faire preuve de plus de clairvoyance pour
mieux se représenter cet univers? Je dirais les deux.
Tous ces
éléments viennent pour insister sur l'immensité de l'intimité du
poète.
Un autre élément vient s'ajouter à cette fresque c'est le
caractère exotique, d'abord de l'espace à travers le champ....
»
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