Devoir de Philosophie

Commentaire composé: Guy DE MAUPASSANT, Le Horla - Amour

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

 

J'aime l'eau d'une passion désordonnée : la mer, bien que trop grande, trop remuante, impossible à posséder, les rivières si jolies mais qui passent, qui fuient, qui s'en vont, et les marais surtout où palpite toute l'existence inconnue des bêtes aquatiques. Le marais c'est un monde entier sur la terre, monde différent, qui a sa vie propre, ses habitants sédentaires, et ses voyageurs de passage, ses voix, ses bruits et son mystère surtout. Rien n'est plus troublant, plus inquiétant, plus effrayant, parfois, qu'un marécage. Pourquoi cette peur qui plane sur ces plaines basses couvertes d'eau? Sont-ce les vagues rumeurs des roseaux, les étranges feux follets, le silence profond qui les enveloppe dans les nuits calmes, ou bien les brumes bizarres, qui traînent sur les joncs comme des robes de mortes, ou bien encore l'imperceptible clapotement, si léger, si doux, et plus terrifiant parfois que le canon des hommes ou que le tonnerre du ciel, qui fait ressembler les marais à des pays de rêve, à des pays redoutables, cachant un secret inconnaissable et dangereux.
Non. Autre chose s'en dégage, un autre mystère, plus profond, plus grave, flotte dans les brouillards épais, le mystère même de la création peut-être! Car n'est-ce pas dans l'eau stagnante et fangeuse, dans la lourde humidité des terres mouillées sous la chaleur du soleil, que remua, que vibra, que s'ouvrit au jour le premier germe de vie?
Guy DE MAUPASSANT, Le Horla.


Vous présenterez un commentaire composé de cette page de Guy de Maupassant.


Vous pourrez, par exemple, étudier le thème de la vie et de la mort et montrer à quoi tient le charme étrange qu'exerce l'eau sur l'auteur.

 

La nouvelle Amour, dont est extrait ce texte, appartient au recueil Le Horla, publié en 1887. Maupassant, le bon vivant, a vieilli; il est hanté par la mort et sombre dans la démence.
 Le ton est le même dans tout le recueil, les préoccupations et les thèmes sont semblables, et se présentent comme une vaste dissertation sur le vivant, l'identité de l'être et son ambiguïté. Le passage que nous étudions ne fait pas exception : il campe le décor funeste d'une histoire de chasse, lourde de conséquences pour le narrateur, amoureux de la nature et grand chasseur.
  

« observer l'eau pour qu'elle nous livre ses secrets.

La passion désordonnée du début devient peu à peu réflexion, lemouvement, dans lequel le narrateur était pris, ralentit, comme le montre le rythme ternaire des répétitions qui vontdecrescendo, jusqu'au mot marais.

Nous allons du plus grand au plus petit, les sonorités deviennent de plus en plussourdes : la mer..., les rivières...

passent, fuient, s'en vont.Le marécage fascine par son ambiguïté et parce qu'il est la vie et la mort en même temps, comme la mer ou lesrivières qu'on ne pouvait cependant observer, trop grande ou trop remuantes.

Le marais est présenté comme unmicrocosme reproduisant, dans un espace réduit, le monde entier, et permettant de comprendre le sens de celui-ci.La vie y est discrète, secrète; elle s'oppose au mouvement effréné et à l'activité de la mer et des fleuves.

Tout ypalpite, vibre sans excès.

, Tout y murmure doucement : ses voix, ses bruits...

vagues rumeurs...

imperceptibleclapotement.

La vie semble y couver, y être constamment en lutte avec la mort.

Le marais, qui symbolise plutôt lafin de l'existence puisque l'eau y stagne, est perçu ici comme le lieu où tout naît (que s'ouvrit au jour le premiergerme de vie).

Il est le lieu étrange où se côtoient vie et mort.

Le narrateur l'observe, comme s'il allait y trouver lesréponses aux questions qu'il se pose.

C'est pourquoi les deux thèmes, celui de la vie et celui de la mort, sont siétroitement liés dans ce passage.

Maupassant ne les oppose pas, au contraire; il parvient à réduire les oppositionset les contradictions pour de savantes juxtapositions où ils se confondent, où la joie et l'amour sont mêlés àl'angoisse : si léger, si doux, et plus terrifiant...

pays de rêves, pays redoutables.En privilégiant le rythme ternaire, l'écrivain donne l'impression d'une continuité, entre la naissance, la vie, la mort.Ainsi, il n'y a plus aucune contradiction chez le narrateur qui aime la vie et craint la mort, l'amour de la premièrejustifiant cette angoisse que provoque la seconde.Dans le marais, dans ce milieu où apparaît la vie, la mort est omniprésente, associée au thème du silence : le silenceprofond qui les enveloppe, comme des robes de morts, ...

nuits calmes.

Le silence du marais est ainsi plusredoutable que le bruit de la guerre ou du tonnerre, de la colère divine, plus angoissant que le canon des hommes ouque le tonnerre du ciel.Le mouvement de la mer et des fleuves inquiétaient le narrateur et c'est maintenant le silence et l'inertie qui letroublent.

Aucun spectacle ne peut rassurer cet homme que la peur de la mort obsède.

Sur le marais, la peur plane,visible, matérielle.

Elle grandit et finit par l'épouvanter : plus troublant, plus inquiétant, plus effrayant.Si seulement l'homme comprenait le sens de la vie, le secret inconnaissable du marécage.

Si seulement ce lieu, quil'attire et l'inquiète en même temps, lui était moins hostile et plus familier.

Mais, de cette description, ne ressortqu'une impression d'étrangeté.

Ce sont les vagues rumeurs incompréhensibles, les étranges feux follets, les brumesbizarres cachant un secret inconnaissable, le brouillard épais qui masque le marais, qui empêche l'observateur devoir clairement ce qui se passe dans ce monde aquatique, comparable au monde souterrain : dans la lourde humiditédes terres mouillées sous la chaleur du Soleil.Tout est mystère autour de l'homme, — le mot est répété trois fois dans le passage —, et il mourra sans l'élucider.Le secret du marais, bien gardé par les brouillards épais, le narrateur l'assimile peu à peu au mystère de la création :Autre chose s'en dégage, un autre mystère, plus profond, plus grave, flotte dans les brouillards épais, le mystèremême de la création peut-être!C'est dans la profondeur de l'être (profond, grave au sens étymologique), et dans les profondeurs du marais qu'ilfaut chercher la réponse aux questions que se pose le narrateur, ici.Celui-ci ne comprend pas son attirance étrange pour la mer, les rivières et surtout les marécages, mais, nouslecteurs, nous parvenons à comprendre cette passion désordonnée, grâce à la description très évocatrice qui nousest faite.Le marécage n'est-il pas, métaphoriquement, notre inconscient; ne représente-t-il pas ce que nous sommes au plusprofond de nous-mêmes, cet ensemble de pulsions contradictoires qui nous anime? Le marécage est, comme levivant, un lieu où se côtoient sans s'opposer vraiment la vie et la mort.

Il est aussi changeant que l'Homme etpourtant, il sait conserver un juste équilibre, équilibre entre espoir et angoisse, équilibre entre naissances etdisparitions.

Maupassant nous offre un spectacle à la fois très rassurant et très -inquiétant de ce marais, grouillantet sur lequel plane la mort, de cette eau qui rappelle l'existence avant la naissance, le milieu « aquatique » danslequel le foetus évolue.Dans ce passage, nous le voyons, Maupassant n'est pas seulement l'habile conteur que nous connaissons.

Il saitdonner au décor qu'il décrit ici, une valeur symbolique particulièrement intéressante, grâce à laquelle il entame uneréflexion sur le sens de la vie, et sur les fantasmes de l'Homme, annonçant déjà les concepts de la psychanalyse etla démarche de Freud.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles