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Commentaire Composé Sur Dracula De Bram Stoker

Publié le 17/01/2022

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En 1897, l’écrivain irlandais Bram Stoker publie son roman Dracula dans lequel il met en scène plusieurs personnages et dont l’intrigue se noue autour de l’un d’entre eux devenu aujourd’hui mythique : le comte Dracula, créature d’épouvante, aux pouvoirs surnaturels et dont l’œuvre vampirique nourrit l’imaginaire populaire des Carpates.  Ces deux chapitres confrontent, autour d’un évènement- l’arrivée de Dracula à Withby – la perception du personnage principal et du lecteur à l’incompréhension, à l’inacceptable, à l’inquiétude et à la peur, apportant assez d’étrange et d’insolite pour créer un climat lourd d’angoisse.  En amont du texte, le lecteur peut légitimement s’interroger sur les motivations et la nature même du personnage de Dracula. L’auteur jongle en effet entre l’existence réelle du comte au début du livre et sa présence évanescente dans ce passage, au point de nous faire douter, lecteurs, du bien fondé de son existence.

 

« d'une lettre de Jonathan envoyée du château de Dracula et remise par un certain Mr Hawkins, Sollicitor à Withby etqui n'est autre que l'employeur de Jonathan- l'article du Dailygraf et le journal de bord du Déméter, quand à eux nepermettent aucune certitude quant à l'existence réelle ou supposée de Dracula dans ce passage.

Le personnage deDracula est en effet suggéré et représenté sous différentes formes, l'auteur ne nous laisse que le soupçon de saprésence, aucune certitude, mais une existence supposée en clair-obscur sous la forme d'un énorme chiensurgissant de la cale et disparaissant à toute vitesse vers le cimetière (p.151).

Puis l'évocation d'une silhouette çaressemblait à un homme grand et mince, affreusement pâle (p.159), mais on ne peut-être sûr de rien puisqu'on nepeut vraiment le définir autrement que par le démonstratif ça, marqué familièrement comme pour exagérer encorel'aspect indicible de ce qu'ils croient discerner.

Personnage réel ? Produit de l'imagination ? Les différentesincarnations du personnage de Dracula laissent le lecteur perplexe et renvoient aux impressions percevantes del'imperceptible de Nathalie Prince que nous évoquions plus haut.Au-delà de la nature même du personnage de Dracula, on peut légitimement s'interroger dans cet extrait sur sesmotivations.

En amont du texte en effet, B.Stoker le définit comme un homme mystérieux, secret, aux mœursétranges pour un regard occidental peu rompu aux usages orientaux.

Dracula fait d'ailleurs remarquer à Jonathan :nous sommes en Transylvanie […] il y aura bien des choses qui vous paraîtront insolites (p.62), ajoutant ainsi aumystère de sa personnalité énigmatique s'il était encore besoin de le faire.

Ses intentions sont claires : il souhaiteacquérir un domaine en Angleterre, à Carfax dans la Périphérie de Londres et connaît en détail la topologie des lieux.Hormis son caractère étrange, rien ne laisse deviner ses calculs si ce n'est simplement d'habiter cette partie del'Europe Occidentale qu'il affectionne particulièrement.Dans cet extrait, B.Stoker opère un tournant décisif dans le récit : au mystère des précédents chapitres supplée unclimat d'inquiétude et d'effroi et l'auteur nous livre, en impression, les motivations profondes qui animent Draculacomme pour insister sur les preuves physiques de son existence.

Il fait livrer des caisses pleines de terreau partantde Varna à Withby (p.151).

Un ensemble de phénomènes étranges et inexpliqués accompagnent son arrivée dans leport : le chien d'un marchand de charbon est retrouvé mort la gorge déchirée et le ventre ouvert : visiblement, ils'était battu contre un adversaire puissant et cruel (p.154), l'adverbe visiblement, mis en apposition comme pourtémoigner de la vérité des faits révélés.

L'équipage du Déméter est décimé.

Sept disparitions inexpliquées et unsuicide : l'homme se jette par- dessus bord, les yeux égarés et le visage convulsé par la terreur (p.160).

Lecapitaine du Déméter est retrouvé mort attaché à la roue du gouvernail, un crucifix dans la main, l'homme avait dûse lier lui-même les mains, serrant les nœuds à l'aide de ses dents (p.152) révélant tout le désespoir auquel lecapitaine est confronté à l'instant de sa mort, ainsi que Mr Swales, le cou tranché avec une expression d'horreur surle visage : car l'horreur était encore marquée sur son visage (p.163). Cependant si le récit du Déméter en relatant des scènes d'épouvante, instaure une cassure dans le rythme del'histoire jusqu'ici soumis aux incessants questionnements de Mina et du journaliste, il ne lève pas pour autant levoile sur le mystère, excepté pour le second, maintenant je connais le secret et le capitaine, Je suppose que moiaussi, maintenant, je connais le secret (p.160) et laisse le lecteur indécis.

Cette indécision tient pour partie à lamise en scène énigmatique de l'arrivée de Dracula à Withby.

B.Stoker décrit ici une scène tout en contraste qui apour effet de susciter une hésitation perpétuelle chez le lecteur.C'est une arrivée contrastée en effet, qui, par des témoignages rapportés dans des formes narratives différentes –un journal intime, un article de journal, un journal de bord – impose au lecteur des allers retours incessants etaccentue son incompréhension : de quoi parle-t-on ? Parmi ces témoignages lequel est le plus fiable ?Ce contraste est manifeste dans la description du temps : Tout est gris, absolument tout sauf l'herbe qui est d'unvert émeraude, dans le journal de Mina (p142), le déclin du soleil accompagné d'un scintillement multicolore […]pourpre, rose, violet, vert et toutes les nuances de l'or dans l'article du Dailygraf, (p147), et de l'atmosphère, tantôtélectrique tantôt calme : une goélette se dirige vers l'ouest dont l'effet d'immobilité est accentué par l'empruntd'une expression de Coleridge Aussi paisible qu'une embarcation peinte sur un océan peint (Dailygraf, p147) enopposition à la tempête menaçante que des peintres, souligne l'auteur, pourraient éterniser sur des toiles intituléesPrélude à la grande tempête (p.147).

Les lieux ensuite sont des espaces clos, fermés au regard, le cimetière, lebateau, baignant dans l'obscurité et le brouillard où tout peut arriver, où tout se devine sans jamais se révélercomme cette silhouette qui apparaît sur le pont et disparaît aussi vite Il avait aperçu un homme grand et mince(P.156) en contraste avec la luminosité des jours d'été sur le port où, exposés aux regards, les passants se livrent àune douce farniente Bien que le soleil brillât de tout son éclat et que le temps fût clair et frais (Mina, p162).

Lespersonnages enfin par la jeunesse des deux femmes que l'auteur souligne en évoquant Lucy, (p142) Elle est un peuplus forte et ses joues sont roses, ou la fraicheur de Mina qui tranche avec la vieillesse de cette main qu'elle prendJe pris sa vieille main toute ridée dans la mienne (p 143).Tous ces contrastes participent de la volonté claire de l'auteur de peindre cette hésitation évoquée plus hautrendant toute tentative d'élucidation impossible : on piétine, on s'interroge, on doute, on fait des détours, ons'égare, rien ne permet le confort d'hypothèses irréfutables.

Le doute persiste et l'angoisse semble gagner un peuplus le lecteur.

Et déjà, comme une légère appréhension, la perspective d'une fin imminente se profile, quandj'arriverai au port ! Arriverai- je jamais au port ? (p.160).Une scène apparaît peu à peu sous nos yeux qui laisse deviner toute l'horreur d'une œuvre monstrueuse commisepar un être monstrueux, innommable La chose est ici (p 159), Ce démon, Ce monstre (p161).

Il fait irruption danscet univers, il sème la terreur Un brusque cri d'épouvante (p160), et le doute sur la validité des témoignages desmembres de l'équipage Il est fou, il divague (p159).

Dans ce passage le rythme des évènements s'accélère etB.Stoker nous fait pénétrer dans une atmosphère inquiétante qui ne laisse aucun soupçon sur la présence d'une âmemaléfique, spectre ? Esprit ? Hallucination ? Ce climat délétère et angoissant est souligné par l'emploi d'unvocabulaire qui maintient toute l'ambiguïté de cette scène et impose un rythme crescendo dans les émotionsressenties : le lexique de l'incertitude tout d'abord J'ai l'impression ; il me vient un doute ; je ne comprends pas… del'inquiétude, je suis inquiète ; cela me tranquilliserait ; je voudrais être rassurée…de l'étrange, il y a maintenant. »

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