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Commentaire de Beams (1) - Verlaine, Romances sans paroles.

Publié le 24/03/2011

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verlaine

Nous sommes en avril 1873. Verlaine connaît à Londres des jours difficiles. Il a quitté son fils et Mathilde, sa femme, pour vivre avec Rimbaud une expérience de libération. Mais Rimbaud se fait lointain, Verlaine tombe malade. Il décide de gagner la Belgique, pays plus sûr que l'Angleterre pour un ancien communard. Verlaine s'embarque à Douvres sur la « Comtesse-de-Flandre«. Obsession de la femme perdue ? Rencontre sur le bateau ? Allégorie du navire ? En tout cas, dans l'euphorie de la traversée naît ce poème. Elle voulut aller sur les flots de la mer, Et comme un vent bénin soufflait une embellie (2), Nous nous prêtâmes tous à sa belle folie, Et nous voilà marchant par le chemin amer. Le soleil luisait haut dans le ciel calme et lisse, Et dans ses cheveux blonds c'étaient des rayons d'or, Si bien que nous suivions son pas plus calme encor Que le déroulement des vagues, ô délice ! Des oiseaux blancs volaient alentour mollement Et des voiles au loin s'inclinaient toutes blanches. Parfois de grands varechs filaient en longues branches, Nos pieds glissaient d'un pur et large mouvement. Elle se retourna, doucement inquiète De ne nous croire pas pleinement rassurés, Mais nous voyant joyeux d'être ses préférés, Elle reprit sa route et portait haut la tête. Verlaine, Romances sans paroles. (1) Beams : Verlaine donne alors souvent à ses poèmes des titres anglais. Le mot suggère ici les rayons lumineux. (2) Embellie : éclaircie dans une période de mauvais temps.  

Sans dissocier la forme et le fond vous ferez un commentaire composé de ce texte. Vous pourrez par exemple étudier par quels procédés de composition, de style, de versification, Verlaine parvient à transformer la réalité d'un voyage maritime en une scène de rêve, et comment la vie corrigée s'y métamorphose en beauté, pureté, espoir.   

Cette peinture d'une femme dans un paysage marin se rapproche de la poésie symboliste par toutes les idées et tous les sentiments qu'elle suggère. On ne peut s'empêcher de penser, en lisant ce poème, à la Vénus sortant des Ondes de Botticelli : Verlaine peint un rêve de femme, dont le caractère surnaturel ne peut pas faire oublier qu'elle domine l'homme par son pouvoir, mais qu'elle ne donne ni ne reçoit d'amour.

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« et les assonances en L qu'on entend dans dérouLement, déLire, bLancs, voLaient, aLentour, moLLement, et en rdans or, rassurés, donnent de la fluidité et de la douceur au tableau. Ce paysage est animé par une femme, peut-être une sirène, qui transforme cette vision en rêve. Cette femme est mystérieuse, d'abord par son apparence : nous ne savons rien sur elle sinon qu'elle a des «cheveux blonds ».

Son action est tout aussi étrange : elle marche sur les flots, comme Jésus marchait sur les eaux :c'est un spectacle surnaturel, c'est la représentation d'une femme magique, sans doute issue d'un souvenir religieux.Verlaine précise qu'elle marche « la tête haute » : est-elle fière ? Estelle heureuse ? Son caractère est seulementesquissé : elle fait preuve ici de bonté, de générosité en faisant attention aux autres, ou bien est-elle plutôt unefemme séductrice qui veut garder ses admirateurs : le poème ne permet pas de déterminer avec certitude lesraisons pour lesquelles elle se soucie tant des réactions de ceux qui la suivent. Les êtres qui la suivent sont tout aussi mystérieux : on peut tout au moins supposer que ce sont des hommes, et ilsentourent le poète.

Ils la suivent par un acte irrationnel : « Nous nous prêtâmes » souligne leur attitude passive, la « belle folie » montre que leur poursuite est contraire à laraison, et « elle voulut aller » confirme que c'est elle qui les entraîne, ce n'est pas leur propre volonté. Ils la suivent dans le calme ; elle-même marche de « son pas calme », et ils adoptent son rythme ; elle-même veutd'ailleurs leur apporter cette sérénité, en veillant à ce qu'ils soient « pleinement rassurés », et « doucement »souligne cette paix et cette harmonie.

La douceur et le calme sont accentués par la régularité des vers, par lesalexandrins sans enjambement.

Enfin, ces hommes sont fiers d'avoir été choisis, ils paraissent « joyeux d'être sespréférés » et constituent une cour d'admirateurs comblés. Qui est donc cette femme? Peut-être une vision, une hallucination : Verlaine est malade, et le spectacle de la merpeut le troubler.

Peut-être un rêve, un souvenir : il peut songer à la femme idéale, ou à sa femme Mathilde qu'il alaissée à Paris.

Peut-être une femme rencontrée sur le bateau ; peut-être enfin l'image du bateau qui marche sur leseaux : le bateau lié à la femme et à l'amour est un thème qu'Éluard a souvent chanté.

Elle peut être plus simplementle symbole de la femme aimée qui nous ensorcelle, nous entraîne, puis nous échappe : c'est la dangereuse sirène del'Antiquité avec ses chants tentateurs; elle est sans doute aussi le symbole de la beauté avec ses « cheveux blonds», de la pureté, suggérée par la blancheur, de la sainteté, évoquée par le miracle de la marche sur les eaux, et enfinde l'espoir : elle montre que tout est possible quand on veut aimer une femme. Cette peinture d'une femme dans un paysage marin se rapproche de la poésie symboliste par toutes les idées ettous les sentiments qu'elle suggère.

On ne peut s'empêcher de penser, en lisant ce poème, à la Vénus sortant desOndes de Botticelli : Verlaine peint un rêve de femme, dont le caractère surnaturel ne peut pas faire oublier qu'elledomine l'homme par son pouvoir, mais qu'elle ne donne ni ne reçoit d'amour.. »

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