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Commentaire de Texte - EXTRAIT L'Histoire comique de Francion de Sorel

Publié le 05/10/2016

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histoire
Commentaire Littéraire Le Texte : Comme Raymond vit qu’ils commençoient à se piquer, il les mit sur un autre propos, et demanda à Hortensius s’il n’y avoit pas moyen que, pour leur faire passer doucement le temps, il leur montrât quelqu’un de ses ouvrages qui se moquoient de tout ce que les anciens avoient fait  ; à quoi Francion joignit aussi ses prières, tellement que, n’y pouvant résister, il leur dit  : Messieurs, de vous montrer de petites pièces, comme des lettres ou des sonnets, c’est ce que je ne veux pas faire maintenant  : je veux parler d’un roman qui est meilleur que les histoires, car mes rêveries valent mieux que les méditations des philosophes. Je veux faire ce qui n’est jamais entré dans la pensée d’un mortel. Vous sçavez que quelques sages ont tenu qu’il y avoit plusieurs mondes : les uns en mettent dedans les planètes, les autres dans les étoiles ?xes ; et moi, je crois qu’il y en a un dans la lune. Ces taches que l’on voit en sa face quand elle est pleine, je crois, pour moi, que c’est la terre, et qu’il y a des cavernes, des forêts, des îles et d’autres choses qui ne peuvent pas éclater ; mais que les lieux qui sont resplendissans, c’est où est la mer, qui, étant claire, reçoit la lumière du soleil comme la glace d’un miroir. Eh  ! que pensez-vous  ? il en est de même de cette terre où nous sommes  : il faut croire qu’elle sert de lune à cet autre monde. Or ce qui parle des choses qui se sont faites ici est trop vulgaire ; je veux décrire des choses qui soient arrivées dans la lune : je dépeindrai les villes qui y sont et les mœurs de leurs habitans ; il s’y fera des enchantemens horribles : il y aura là un prince ambitieux comme Alexandre, qui voudra venir dompter ce monde-ci. Il fera provision d’engins pour y descendre ou pour y monter ; car, à vrai dire, je ne sçais encore si nous sommes en haut ou en bas. Il aura un Archimède, qui lui fera des machines par le moyen desquelles il ira dans l’épicycle de la lune excentriquement à notre terre ; et ce sera là qu’il trouvera encore quelque lieu habitable, où il y aura des peuples inconnus qu’il surmontera. De là, il se transportera dedans le grand orbe déférent ou porte épicycle, où il ne verra rien que des vastes campagnes qui n’auront pour peuple que des monstres ; et, poursuivant ses aventures, il fera courir la bague à ses chevaliers le long de la ligne écliptique. Après, il visitera les deux colures et le cercle méridional, où se feront de belles métamorphoses ; mais, s’approchant trop près du soleil, lui et tous ses gens gagneront une maladie pour qui Dieu n’a point fait de remèdes que le poison et les précipices. Il leur prendra une ?èvre chaude si cruelle, que, si les anciens tyrans l’eussent eue en usage, ils en eussent puni les martyrs, au lieu de se servir des morsures des bêtes. Voilà la ?n que je mettrai à cet œuvre, qui doit durer autant que la nature, malgré les marauds qui le blâmeront. Considérez si ce ne sont pas là des choses hautes. Toute la compagnie fut surprise d’étonnement d’entendre des extravagances si grandes, et, pour tirer davantage de plaisir de ce brave Hortensius, Raymond, faisant semblant de l’admirer, lui dit : Certes, je n’ouïs jamais chose si divine que ce que vous venez de nous raconter. Plût à Dieu qu’au lieu que vous ne nous en avez qu’ébauché de simples traits il vous plût nous réciter un jour tout le reste de point en point ! C’est assez pour ce coup, lui dit-il, je vous veux dépêcher matière : il faut que vous entendiez encore d’autres desseins que j’ai. Sçachez que, si le monde nous semble grand, notre corps ne le semble pas moins à un pou ou à un ciron : il y trouve ses régions et ses cités. Or il n’y a si petit corps qui ne puisse être divisé en des parties innombrables ; tellement qu’il se peut faire que, dedans ou dessus un ciron, il y ait encore d’autres animaux plus petits, qui vivent là comme dans un bien spacieux monde  ; et ce sont, possible, de petits hommes, auxquels il arrive de belles choses. Ainsi il n’y a partie en l’univers où l’on ne se puisse imaginer qu’il y a de petits mondes. Il y en a dedans les plantes, dedans les petits cailloux et dedans les fourmis. Je veux faire des romans des aventures de leurs peuples. Je chanterai leurs amours, leurs guerres et les révolutions de leurs empires  ; et principalement je m’arrêterai à représenter l’état où peuvent être les peuples qui habitent le corps de l’homme, et je montrerai que ce n’est pas sans sujet qu’on l’a appelé microcosme. Je ferai quelque autre discours séparé, où toutes les parties corporelles auront beaucoup de choses à démêler ensemble. Les bras et les mains feront la guerre aux pieds, aux jambes et aux cuisses ; et les yeux feront...

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