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Commentaire : Le rat qui s’est retiré du monde, Jean de la Fontaine.

Publié le 15/09/2013

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fontaine

 

Les Fables de la Fontaine, au nombre de 243, sont regroupées en trois recueils écrits entre 1668 et 1694. La plupart d’entre elles proposent une morale au début ou à la fin du texte, explicite ou implicite, et met en scène des animaux anthropomorphes, tels que le lion, le renard ou encore le rat. L’une d’entre elle s’intitule ainsi Le rat qui s’est retiré du monde. De quelle manière Jean de la Fontaine adresse t- il sa critique du clergé et de certains vices de son époque ? Nous verrons donc dans un premier temps que cette fable s’apparente à un conte, avant d’essayer de décrypter la satire qu’elle renferme.

 

          En effet, dans cette fable, nous retrouvons les caractéristiques du conte. Celles-ci sont tout d’abord spatiales : le cadre est exotique comme en témoigne le terme de « levantin « qui se ramène à l’endroit où le soleil se lève, c’est-à-dire au Moyen-Orient. La Fontaine a donc visiblement souhaité délocaliser son récit vers ces contrées lointaines. Ces indications spatiales sont multiples : l’auteur parle aussi de la « Hollande «, et emploie le néologisme de « Ratopolis « - la ville des rats- dont l’étymologie (« polis « vient du grec « cité «) renvoie à la Grèce antique. De plus, la Fontaine semble brouiller ces indications géographiques quand il mélange les moines et les dervis musulmans à la fin de la fable. Ainsi, la cadre spatial devient flou et imprécis. 

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« PELLETIER Adrien Première S1 lecteur.

Cette fable s’ apparente donc aussi au c onte car elle a pour ossature un schéma narratif construit et instaure une sorte de dialogue entre l’auteur et ses lecteurs.

Mais si la Fontaine a visiblement voulu se rapprocher de ce genre littéraire, c’est pour mieux adresser sa critique.

En effet, la lecture de la fable laisse facilement entrevoir une écriture ironique.

Elle se retrouve dès les premières lignes avec les motivations du rat pour devenir ermite : elles ne sont pas religieuses, celui -ci désire simplement gagner en tranquillit é (« Se retira loin du tracas » vers 4).

Par ailleurs, la nourriture du rat n’est pas spirituelle comme elle devrait l’être, mais purement matérielle, puisqu’il se délecte de fromage.

Ce rongeur n’a pas été choisi au hasard parmi les autres animaux qu’aurait pu mettre en scène l’auteur : il est ici symbole d’avarice et d’égoïsme.

L’ironie du narrateur se note aussi dans l’emploi récurent des points d’interrogation : « que faut -il d’avantage » vers 10, ou encore « Un moine ? » vers 34.

Les nombreuses antiphr ases introduisent aussi cette ironie, comme dans le discours du rat « Mes amis » vers 24 ou la fin de la fable « Je suppose qu’un moine est toujours charitable » vers 35.

Pour la renforcer, la Fontaine use aussi de références au Tartuffe de Molière à travers le rythme binaire « gros, et gras » vers 11 – réplique de Dorine- ou encore le qualificatif « dévot personnage » vers 13 qui se rapporte à la supposée fonction de Tartuffe.

Enfin, l’auteur fait également preuve d’humour en utilisant les expressions « S’é tendant partout à la ronde » vers 6 –en référence à la forme des fromages de Hollande- et « de pieds et de dents » vers 8, déformation de la véritable formule « faire des pieds et des mains ».

La Fontaine use donc d’ironie teintée d’humour dans cette fable, qui nous met sur la piste d’une satire .

Effectivement, s ’il le fait, c’est pour renforcer sa critique faite au clergé.

L’auteur dénonce tout d’abord l’hypocrisie religieuse.

Pour lui les moines ne se retirent du monde que pour mieux profiter des plaisirs de la vie.

Contrairement à ce qu’ils laissent entendre, leur finalité n’est pas religieuse mais purement matérielle, à l’image de ce rat qui se délecte d’ un fromage.

Cet aspect est ici renforcé par la redondance « gros et gras » vers 11.

De plus, ce rat renonce à la charité supposée des moines, puisque, sous prétexte que « les choses d’ici -bas ne [le] regardent plus » vers 25, il refuse de porter secours à son propre peuple.

Face à leur situation, le rat n’éprouve aucune pitié comme pourrait le faire penser l’expression « Mes amis » au vers 24.

Cette expression nous révèle en fait toute l’hypocrisie de son discours, reflet de son individualisme et de son égoïsme.

La délégation du peuple rat s’exprime par le biais d’un discours indirect libre, contrairement au supposé ermite qui le fait au discours direct, ce qui souligne son arrogance.

A travers ce rat, c’est l’ensemble du clergé régulier que la Fontaine critique.

L’implantation du cadre spatial en Hollande lui permet de dénoncer la position prise par l’église au cours du conflit ayant opposé les actuels Pays Bas à la France, durant lequel le clergé avait refusé de financer l’Etat aux caisses vides.

Il souligne ainsi l’égoïsme avaricieux du clergé de l’époque.

Le vers « Je suppose qu’un moine est t oujours charitable » qui vient clore la fable, précise cependant les véritables sujets de cette critique : ce sont les moines, dont la Fontaine dénonce l’avarice, la gourmandise et l’hypocrisie.

Le rat qui s’est retiré du monde est donc une fable à deux objectifs.

A la manière d’un conte, elle doit divertir le lecteur, ce qui conduit la Fontaine à se rapprocher de ce genre par la mise en place d’un récit imaginaire, d’interpellations destinées au lecteur et d’une structure lexicale bien bâtie.

Cependant, le conte doit aussi instruire, et, grâce à la délocalisation de son récit, le fabuliste peut faire passer une critique.

Par le biais d’un registre ironique teinté d’humour, l’auteur fait la satire d’un clergé qui refuse d’aider l’état, et de monastiques individualistes et égoïstes.

B ien avant la Fontaine, Rabelais avait également adressé une critique virulente aux hommes religieux de son époque dans Gargantua, en utilisant aussi la fiction comme support de la satire.. »

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