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Commentaire litteraire : La mort des amants

Publié le 06/02/2012

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Commentaire    Ce sonnet, paru le 9 avril 1851 dans ‘’Le messager de l’Assemblée’’, ouvrit la cinquième section des ‘’Fleurs du mal'’, qui est consacrée à la mort. Paradoxalement positive, elle s'impose alors, au terme du parcours désespéré suivi précédememnt dans le recueil. Le poète, las des obstacles de l'existence après avoir épuisé le champ des consolations illusoires, voit en la mort la seule issue possible, le dernier espoir de remédier à son mal-être, d’obtenir ce que le monde n'a pu lui offrir, l’apaisement, et d'accéder à l'infini.  Dans "La mort des amants", Baudelaire, qui a connu l'infidélité, la séparation et l'éloignement de la femme aimée, envisage la mort comme condition indispensable pour connaître une union intense, définitive et absolue, car elle supprime tout ce qui peut menacer l’amour : le temps, l'espace, bref la réalité elle-même. La mort serait la consécration de l’union pourtant étroite de deux amants qui veulent accéder à un amour épuré de toute sensualité, spiritualisé par une fusion totale des cœurs et des esprits. Le poème présente donc à la fois une conception idéale de l'amour, et une conception heureuse de la mort.  On y retrouve donc le thème de ces histoires de couples célèbres de la littérature, comme ceux de Tristan et Iseult, de Roméo et Juliette, dont seule la mort put empêcher la séparation, en les réunissant à jamais. Ç’avait été aussi la conception de l'amour que s’était faite le romantisme.

« Mais l’accord sensuel, l'union charnelle, sont doublés de l’accord mental, de la communion spirituelle des amants, cequi fait des «deux esprits» des «miroirs jumeaux», qui laissent l'impression d'une dématérialisation du couple. Dans cette strophe aussi, des signes inquiétants se manifestent : les «chaleurs dernières» qui sont aussi bienextrêmes qu'ultimes ; les «flambeaux» qui désignent aussi les cierges qui entourent les morts. Au tableau que donnent les quatrains de la vie idéale du couple des amants va succéder, dans les tercets, lasurvenue de la mort, et l’évocation de ce qui la suit. Premier tercet : L’union parfaite des amants sera réalisée, à un moment choisi mais indéterminé («un soir»), dans une ambiancemarquée de la mièvre suavité du «rose» de la tendresse et du «bleu mystique», couleurs qui sont, dans l'imageriereligieuse traditionnelle, celles des vêtements de la Vierge et des anges ; elles peuvent aussi être un souvenir deBanville qui avait écrit dans ‘’Les stalactites’’ : «L’air se teint de rose et de bleu». L’union parfaite des amants sera réalisée par une mort qu’ils atteindront ensemble, qui sera comme un orgasmesimultané, l’apothéose des «chaleurs» et des «doubles lumières» se manifestant dans «un éclair unique» (qui, par unvéritable paradoxe, est échangé), ce qui fait que la souffrance, étant ouatée et presque voluptueuse, ne possèdepas ici l'acuité et la violence d'une douleur véritable.

En effet, le «long sanglot» (le mot «sanglot» est une quasionomatopée qui rend le spasme de la respiration dans un état ciritique, et le premier hémistiche du vers 11 prendune résonance suave grâce au voilement sensuel des voyelles nasales [«on», «an»] associé à la fluidité des liquides[«l»]) est à la fois celui de la jouissance et celui de la douleur.

Seul le dernier hémistiche indique vraiment le deuil, latristesse «d’adieux». Second tercet : Une fois les amants morts (mais le mot «mort» n'apparaît que dans le titre et dans le dernier vers), leur valeur étantreconnue par la puissance supérieure, leur mémoire sera célébrée par un médiateur entre le ciel et la Terre, entreDieu et les êtres humains, «un Ange», si mince, si léger, si évanescent, qu’il n’aura besoin que d’entrouvrir «lesportes» (celles du paradis? celles de l’alcôve?).

Cet ange pourrait avoir été inspiré à Baudelaire par ce passage de‘’Wanda’’ où Vigny disait : «L’Ange de mort viendra nous prendre dans ses ailes, Pour nous porter ensemble aux chaleurs du ciel bleu.» L’ange ranimera (restituera l'âme [«anima» en latin], ce qui pourrait être une suggestion de l’idée chrétienne de larésurrection des morts) à la fois «les miroirs», qui représentent les «deux esprits» des amants, et les «flammes», quireprésentent leur sensualité.

Ils sont réunis dans le dernier vers qui, en contraste avec la légéreté du premier vers,est alourdi par les allitérations en «t» et en «m», présentes en particulier dans le mot annoncé par le titre et enfinprononcé dans le poème : «mortes». Conclusion : La réussite de ce poème repose sur l’habileté avec laquelle le poète parvint à unir, tout au long, les deuxperceptions idéalisées de l'amour et de la mort, deux forces dont la réconciliation était l'aboutissement de la quêtede l’idéal.

Baudelaire procéda à un glissement progressif du sensuel au spirituel, à une sublimation de l'amour, àl’atteinte d’une sérénité qui permet aux amants d'attendre la mort avec la conviction qu’elle renforcera le lien qui lesunit plutôt que de le détruire.

Cette véritable dédramatisation de la mort apparaît comme l’aboutissement du couple; et elle ne serait plus une fin mais un moyen d'accéder à une plénitude de l’amour, à l'amour parfait, absolu, qui estimpossible sur terre.

En faisant échapper le couple à l'amour passion, destructeur et toujours condamné, enannihilant le corps, en métamorphosant l'expérience charnelle en vie spirituelle, la mort délivre l'amour de la matièreet du péché, le rend éternel en le libérant du temps, réalise la fusion définitive du couple sur un mode apaisé.

Dansla dialectique de «la double postulation» vers le ciel et vers l'enfer, qui traverse ‘’Les fleurs du mal", "La mort desamants" représente une postulation vers le ciel. C’est évidemment une rêverie qui comble toutes les aspirations du poète, une utopie onirique, comme le montrentbien les sensations ambiguës, l'atmosphère d'irréalité, la dimension temporelle extrêmement vague, dans lesquellesévoluent les deux amants.

Ils s'unissent dans une sorte de hors-temps proche de I’éternité.

Mais on peut y voiraussi un écho de la conception platonicienne, selon laquelle on ne voit à travers le prisme de la vie que l’ombre de. »

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