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Commentaire littéraire : Tirso de Molina, L'Abuseur de Séville, Acte I tableau 5

Publié le 27/05/2012

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Tirso de Molina, né en 1580 et mort en 1648, est le dramaturge Espagnol à l'origine du mythe de Don Juan avec son œuvre théâtrale baroque, L'Abuseur de Séville, publiée en 1630. Cette pièce, contant les aventures d'un libertin de mœurs, est l'intertexte qui a été repris dans de nombreux genres, notamment au théâtre par Molière, à la poésie par Charles Baudelaire, à l'opéra par Mozart, ou encore au cinéma par Jacques Weber. L'Abuseur de Séville appartient au genre de la comedia, et comme toute pièce baroque, est divisée en trois actes, eux même subdivisés en tableaux. Nous allons ici étudier le cinquième tableau de l'acte I, « La plage de Tarragone «. En quoi cet extrait est-il typiquement baroque et représentatif du mythique caractère libertin de Don Juan ? Dans un premier temps nous verrons quels éléments baroques sont présents, puis, dans un second temps, nous nous attacherons à la nature du personnage de Don Juan.

 

 

 

Le genre de la comedia fit son apparition en Espagne, au début du XVIIe siècle. Ce genre est traité dans le cadre du théâtre baroque et se différencie au théâtre classique par son refus du respect des règles, jugées trop nombreuse et trop strictes. Nous allons voir que cet extrait de pièce témoigne une identité baroque, tant au niveau de sa structure, que du jeu théâtral, ou encore du traitement des registres.

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« bergers, de l’eau, de l’eau ! Amour, clémence ! Mon cœur est embrasé ! » qui apparaît comme un refrain emplit de répétitions, ajoutant unetouche de musicalité, propre au lyrisme, accentuant l’expression de la détresse de la pêcheuse, notamment par ses courtes et abondantesexclamations.

Toujours dans le registre tragique, la scène s’achève de manière très théâtrale, voir mélodramatique.

Thisbé, sous la violence desa douleur et de sa désillusion décide de se jeter à la mer afin d’éteindre le feu qui la consume, tout en criant une dernière fois son tristerefrain : « Au feu, au feu, bergers, de l’eau, de l’eau ! Amour, clémence ! Mon cœur est embrasé ! ».

Ce qui pour Don Juan n’était que farce,plaisanterie, est pour elle un brisement. En plus des registres comique et tragique, nous pouvons noter un style poétique, musical, avec l’intervention des chœurs qui viennentcommenter l’action « Pour pêcher s’en fut la fillette.

Voici qu’elle tend ses filets.

Mais au lieu de petits poissons, elle capture les cœurs.

».

Ces chœurs, repris du théâtre antique par le théâtre baroque, apportent une fois de plus, un décalage, une confusion des styles et autres registresdans la pièce. Don Juan est le héros type du théâtre baroque : insouciant, rusé, agissant selon ses propres convictions, et surtout, libertin.

C’est ce dernier pointqui l’a rendu célèbre, et qui sera repris dans maintes réécritures.

Nous allons voir que cet extrait donne une ample vision de la mythique figure denotre personnage baroque, tant au niveau de son caractère, que de son intelligence, ou encore par son non-respect des traditions. Tout d’abord, dans cet extrait, ce qui semble caractériser Don Juan est son goût pour le libertinage.

En effet, lui-même se définit comme un adepteà la tromperie « Si l’abus est ma vieille habitude, que me demandes tu, sachant mon caractère ? », cette question rhétorique adressé à Catherinon explicite non seulement les intentions de Don Juan, « jouir de la chair de Thisbé », mais révèle aussi une connivence entre les deuxpersonnages.

Par ailleurs, Catherinon est un véritable allié au libertin, sans lui, il ne pourrait abuser les femmes avec tant d’aisance : pendant queDon Juan dupe Thisbé, Catherinon prépare la fuite « Don Juan : (…), toi, apprête les juments : je ne fie notre tromperie qu’aux ailes de leurs sabots. » ; « notre tromperie » montre l’implication de Catherinon dans la « farce », que ce dernier le veuille, ou non.

Aussi, nous trouvons dans le monologue de Thisbé, alors que Don Juan et son valet sont déjà loin, le thème de l'honneur salit, de l’injure dont elle a été victime « de masouillure et de mon infamie », « outrage », « hôte indigne qui abandonne une femme dont tu volas l’honneur ! », « il a joui de ma chair », « ils’enfuit », ce thème de l’honneur est propre au libertinage, et spécifiquement au personnage de Don Juan qui se donne pour mission de volerl’honneur du plus grand nombre de femmes possible. Par ailleurs, Don Juan est insouciant, il vit au jour le jour et ne se préoccupe ni de Dieu, ni de la mort.

Chaque fois qu’un personnage tente, parquelques croyances, de lui rappeler que ses mauvaises actions pourraient le rattraper « la mort vous le fera payer », « considère, mon bien, qu’il y a Dieu et qu’il y a la mort », « que Dieu te punisse », il répond invariablement « Bien lointaine est votre échéance ! ».

Don Juan est détaché de toutes ces préoccupations et préfère profiter de chaque instant, de chaque jouissance.

Cependant, ses actes ne seront pas sans répercutions.

Eneffet, après avoir abusé Thisbé, celle-ci réclame vengeance « poursuivez-le ! Mais peu importe qu’il s’en aille : devant la personne du roi, j’irai pour demander vengeance ! », Et Corydon, Bélise et Amphryse, le pêcheur amoureux de Thisbé, désirent, eux aussi, punir cet abject personnage « Corydon : Poursuivez le vil cavalier ! », « Amphryse : (…) De cette ingrate il faut que sur lui je me venge ! ».

Ainsi se termine la scène, dans l’attente des représailles de la pêcheuse et de ses alliés. Ensuite, le libertin étant un séducteur, il doit user de ruse et d’intelligence pour atteindre son but : jouir de la chair de ses dames.

Pour cela, DonJuan n’hésite pas à user de subterfuges, mensonges et autres hypocrisies, comme c’est le cas avec Thisbé.

Pour tenter de convaincre cette jeunepêcheuse amoureuse de lui livrer son corps, Don Juan tente dans un premier temps de la faire culpabiliser, prétendant que l’amour qu’elle ditéprouver pour lui ne doit pas être aussi fort qu’elle l’affirme, si elle lui refuse sa requête « si tu m’aimais, tes faveurs comblerait mon cœur. ». Cependant, Thisbé celle qui, jusqu’à la rencontre de cet ensorcelant étranger, était une femme indépendante, orgueilleuse et qui n’a jamaisconsidéré ni l’amour, ni les hommes, reste encore méfiante et doute de la réciprocité de ses sentiments « Je pense que l’amour en toi m’a réservé son châtiment. », « Je ne suis pas ton égale.

», « Je suis bien tentée de te croire, mais vous les hommes, vous êtes si perfides .

».

Face à cette réticence, Don Juan opte pour une nouvelle stratégie, la séduire.

Notre héros va donc user un discours tendre, accompagné d’apostrophescaressantes telles que « ma dame », « mon bien », qu’il utilise à quatre reprises, ou encore, la plus aguichante, « beaux yeux qui d’un regardm’assassinez ».

Don Juan est un enjôleur, il n’hésite pas à faire croire à Thisbé qu’il l’aime dans de mélodieuses phrases dont il ne pense pas unmot « Amour est roi qui de sa juste loi rend la bure égale à la soie.

».

Enfin, le séducteur est prêt à mentir en formulant de fausses promesses.

Il promet d’abord le mariage, « à n’importe quoi je m’engage », « et je te promets d’être ton époux », « je vous jure que je serai votre mari », puis, en dernier lieu, lui donne sa foi, jurant de l’épouser sur le ciel, ce qui ne fait pas véritablement parti de ses projets « Voici ma main, voici ma foi. ».

Et c’est ainsi qu’il parvient à avoir ce qu’il désirait, au grand déboire de Thisbé « Un cavalier m’abusa en me donnant sa foi et sa parole de mari, et il a profané ma couche et ma vertu. ». Enfin, Don Juan, en tant que libertin de mœurs, agis selon ses propres convictions et ne se donne aucune limite morale en reniant toute formetradition, lois sociales comprises.

Les convictions de Don Juan sont que les femmes sont des êtres infidèles et orgueilleux qui méritent d’êtrepunis avant de faire souffrir les hommes.

C’est d’ailleurs cette raison par laquelle il légitime habituellement ses actes et pour laquelle Catherinon. »

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