Commentaire-Texte Cléopâtre captive
Publié le 25/09/2022
Extrait du document
«
Au milieu du XVIème siècle les écrivains et poètes du groupe de la Pléiade rompent avec
la poésie médiévale et se tournent vers l'imitation.
À cette époque, les œuvres étaient le plus
souvent anonymes relevant du théâtre religieux, avec les miracles et les mystères joués sur les
parvis des églises.
Il y avait aussi un théâtre profane avec les soties et les farces qui mettent en
scène des personnages caricaturaux.
« En même temps qu’il invite les poètes à laisser toutes les «
vieilles poésies françaises » pour reprendre les genres antiques ou italiens — élégies, odes, épîtres,
sonnets — Du Bellay préconise aussi le retour à la tragédie et à la comédie, telles que les Anciens
les ont conçues (Défense et Illustration de la langue française, II, 4) »1.
Ainsi Jodelle, qui n'avait
que vingt ans, crée un genre nouveau de tragédie avec Cléopâtre captive, représentée en même
temps que L'Eugène en 1553.
C'est un drame en vers en cinq actes inspiré par la Vie d'Antoine de
Plutarque.
La pièce remporte un tel succès qu’elle est jouée deux fois, d'abord à l'hôtel de Reims,
devant Henri II et sa cour pour célébrer la victoire de Metz, puis au collège de Boncourt.
Jodelle y
décrit les derniers jours de Cléopâtre seule et effondrée par la mort de Marc Antoine et la défaite de
son armée.
Cléopâtre est désormais prisonnière d'Octavien qui veut l'emmener à Rome pour défiler
durant son triomphe.
Mais elle prévoit de se suicider afin de sauver son honneur de reine.
Dans cet
extrat de l'acte III, Cléopâtre se dit « esclave » et tente de se justifier auprès d’Octavien en rejetant
la faute sur son amour pour Antoine.
La tonalité du texte est plutôt pathétique car il s'agit d'une
plainte douloureuse de Cléopâtre qui inspire la pitié.
Mais la dimension tragique n'est pas absente
chez le personnage de Cléopâtre.
Enfin on peut découper le texte selon le modèle de la rhétorique
judiciaire qui structure le discours des personnages.
Dans un premier mouvement (v.
1-9) Octavien
accuse Cléopâtre d'être responsable de la guerre et de la trahison d’Antoine.
Dans un second
mouvement (v.
10-31), Cléopâtre tente de se défendre et affirme être victime de sa passion.
Et dans
un dernier mouvement, Octavien livre son jugement final qui révélera sa grandeur d'âme et son
attachement aux valeurs stoïciennes.
On peut alors se demander en quoi la structure rhétorique de ce
dialogue fait ressortir l’expression tragique de Cléopâtre et les vertus politiques d’Octavien.
La scène s'ouvre in medias res par une tirade d'Octavien qui accuse Cléopâtre d'avoir
déclenché la guerre entre Rome et l’Égypte, et d'avoir fait de Marc-Antoine son ennemi le plus
acharné.
Celui-ci s'exprime dans un style oratoire et élégant, soutenu par une suite de questions
rhétoriques, qui, loin d'être une banale ornementation, impose sa parole comme une vérité.
Il utilise
par ailleurs l'hyperbate pour traduire d'une façon descriptive saisissante, l'hostilité de Cléopâtre
1
La comédie classique en France de Jodelle à Beaumarchais, Roger Guichemerre, « Que sais-je? » Puf, p.
10
envers lui.
La guerre est assimilée par métaphore à « une horrible tempête » qui éclate sur la tête
même d'Octavien.
C'est en outre une métaphore récurrente des littératures grecque et latine qui
assimilent la guerre à une tempête ou à une tourmente obscurcissant le ciel.
Octavien reproche
vivement à Cléopâtre d'avoir poussé Antoine à trahir sa patrie et à faire voler en éclats une grande
amitié.
La trahison de Marc Antoine envers Rome provoque en lui des sentiments mêlés et
personnels, rendus sensibles notamment par l'emploi de l'antithèse en fin de vers (« ami » / «
ennemi », v.
5,6).
On peut aussi remarquer que la rime interne au vers 3 (« clair » et « faire ») rime
avec une rime de fin (« faire » et « adversaire ») comme si Octavien avait voulu montrer qu'il était
en position de force et n'était pas enclin à se laisser piéger une seconde fois.
Ici, il expose
clairement les intentions de Cléopâtre, froides et meurtrières.
Mais on remarque alors qu’Octavien vouvoie Cléopâtre quand il s'adresse à la reine
vaincue, contrairement à elle, ce qui signifie que le personnage de Cléopâtre malgré tout conserve
une certaine noblesse de par son charme et sa prise du pouvoir en Égypte.
Celle-ci refuse
d'abandonner et se lance dans une tirade faisant écho à la question que vient de poser Octavien : «
Qu’en dites-vous ? » / « Las, que dirais-je… ».
Celle-ci ne veut pas répondre à des attaques qui lui
semblent « piteuses » et injustes.
Elle avoue franchement sa faute et la rejette en partie sur sa folle
passion pour Marc Antoine.
Cela se remarque notamment par l'interjection « Las » qui marque le
regret, la plainte au début des vers 10, 17 et 29 (synonyme de hélas).
Parallèlement on observe la
présence du registre pathétique à travers le champ lexical de l'émotion qui est très présent : « la
puissance d'un traître amour », « mon faible courage », « l’amoureuse rage ».
Il y a aussi les
apostrophes « Ô », « Aa aa Cesar, aa ! » et l'emploi de la 1ère personne du singulier : « je » (v.10), «
mes » (v.
15), « me » (v.
18), « mon » (v.
21) qui est typique du registre lyrique.
À la fin, le style
hyperbolique de Cléopâtre est souligné par ses mimiques quand elle commence à balbutier et
s'évanouit lentement réalisant qu'elle est séparée à jamais de Marc Antoine.
Effectivement Cléopâtre
essaie d'attirer la pitié et la clémence d'Octavien, en se montrant faible et victime de sa passion
démesurée.
Dans cet extrait, elle utilise la feinte et la ruse pour tenter de tromper Octavien sur ses
intentions.
Elle veut lui faire croire qu'elle s'accroche encore à la vie, alors qu'elle envisage de se
suicider pour échapper au défilé du triomphe d'Octavien à Rome.
Ainsi elle dispose
symétriquement, sur deux vers successifs en regard, les mots « pitié » et « César » (v.
12,13 et v.
18,19), ce qui témoigne de l'agitation de Cléopâtre qui, dans une tentative désespérée cherche à
implorer la pitié d'Octavien, afin d'obtenir sa liberté.
Cléopâtre se qualifie elle-même comme «
esclave désolée » de l'Amour et de la volonté du futur empereur Auguste.
Mais l'adjectif « désolée »
est à prendre chez elle dans les deux sens du terme, puisqu'elle est autant effondrée par la mort de
Marc Antoine que contrariée par sa défaite à Actium.
On remarque également l'enjambement du
vers 19 à 20 : « Songe combien peut la puissance d'un traître amour ».
Par ce rejet au niveau du
substantif « puissance », l'aspect destructeur de l'amour est mis en valeur à travers le triste destin de
Cléopâtre.
Un autre enjambement remarquable au vers 10 insiste sur la personnification des larmes
qui parlent mieux que les mots et les discours : le verbe « parlent » est habilement retardé (« déjà
pour moi mes larmes parlent assez »), les larmes traduisant avec pudeur et justesse la douleur de
Cléopâtre.
Notons également qu'au vers 31, le changement de réplique ne coïncide pas avec la
césure....
»
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