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Comparaison de textes: Montaigne, Descartes

Publié le 13/02/2012

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montaigne

 

 

Comparer les deux textes suivants, l'un de Montaigne, l'autre de Descartes, et rechercher, en y étudiant la structure de la phrase et le mouvement général du style, dans quelle mesure La Bruyère et Fénelon ont eu raison de regretter le vieux langage.

1. - « De vrai le soin et la dépense de nos pères ne visent qu'à meubler la tête de sciences; du jugement et de la vertu, peu de nouvelles. Crier d'un passant à notre peuple : « Oh! le savant homme! « et d'un autre : « Oh ! le bon homme ! «, il ne faudra pas (manquera pas) à détourner les yeux et son respect sur le premier.

Il y faudrait (serait besoin) d'un tiers criant : « Oh les lourdes têtes!« - Nous nous enquerrons volontiers : « Sait-il du grec et du latin? « et non s'il est devenu meilleur et plus avisé. C'était le principal et c'est ce qui demeure derrière.« (Montaigne. - Essais.)

II. - « Le monde n'est quasi composé que de deux sortes d'esprits, auxquels il ne convient pas de se défaire des opinions qu'on a cru auparavant, à savoir : de ceux qui, se croyant plus habiles qu'ils ne sont, ne se peuvent empêcher de précipiter leurs jugements ni avoir assez de patience pour conduire par ordre toutes leurs pensées, d'où vient que s'ils avaient une fois pris la liberté de douter des principes qu'ils ont reçus et de s'écarter du commun chemin, jamais ils ne pourraient tenir le chemin qu'il faut prendre pour aller plus droit, et demeureraient égarés toute leur vie; puis de ceux qui, ayant assez de raison et de modestie pour juger qu'ils sont moins capables de distinguer le vrai d'avec le faux que quelques autres par lesquels il doivent être instruits, doivent bien plutôt se contenter de suivre les opinions de ces autres qu'en chercher eux-mêmes de meilleures. « (Descartes - Discours de la Méthode.)

 

montaigne

« rences philologiques.

Et pourtant! Ce style pittoresque et un peu fantaisiste des vieux auteurs n'a-t-il pour lui que le charme du souvenir? Les sentiments ne me semblent -ils, plus delicats et plus frais que parce que les mots sont moins familiers? Est-ce donc pure affaire de caprice, ou bien le mouvement de la phrase, chez mes chers « antiques v, leur style et leurs expressions ont-ils un merite propre qui les recommande? Les mots du vocabulaire du xvie siècle sent concrets; ils font image.

Tandis que le terme abstrait du xvire siècle evade l'idee, les fawns de parler d'un Montaigne frappent l'imagination tant elles sont vivantes et animees.

Ainsi, qui nous rendra les bons vieux mots chevrel et agnel, autrement gracieux et legers que les lourds vocables chevreau et agneau? repentance et compatis- sance, mal remplaces par repentir et compassion? devaler et bailer, qui font image, tandis que descendre et danser ne me disent rien? Et pourquoi aren- telle, qui evoquait l'idee toute aerienne de ce « vent tisse v dont paHe un latin, a-t-il ete change en toile d'araignee? Le xvi' siècle disait j'ai le pied pret au branle; nous disons - mais a propos, comment dirions-nous? rat le pied...

qui remue? qui s'apprete a...? Decidement nous n'avons plus rien! J'ouvre Montaigne et je lis : «De vrai, le soin et la depense de nos peres...» (Voir le texte.) Voila qui est parler! Dans la premiere proposition, de vrai, place en vedette, exprime naivement la certitude de Montaigne.

Il affirme son opinion, le bonhomme, et n'admet guere qu'on en doute.

Et d'ailleurs ne disons-nous pas aussi, mais avec moins de force : « Certes, vela est...

Sans doute, it viendra? Dans le second membre de la premiere phrase, du jugement, pea de nouvelles, constitue une...

simplification ou un oubli de syntaxe a effrayer les plus decides de nos modernes reformateurs; et cependant combien e'est vif! Nous n'oserions plus ecrire aujourd'hui : crier d'un passant a notre peuple; et pourtant la position relative des trois termes crier, passant et peuple ne laisse aucune equivoque.

Cette construction rompue est natu- relle : je vois un passant dont la mine me frappe, et je crie aux gens qui m'entourent mon opinion sur lui; les mots gardent l'ordre des faits suc- eessifs.

«Nous nous enquerrons : Sait-il du grec? > deviendrait en 1936: nous nous enquerrons s'il sait du grec; mais comme ce sait-il? avec sa forme interrogative, marque mieux l'impatiente curiosite! La forme directe est ici plus rapide; selon un mot de Montaigne, elle nous « fiert d'une plus vive secousse Dans cette premiere phrase, ce sont done les inversions, les construc- tions rompues, l'absence meme de syntaxe qui ont permis a Montaigne de mettre en relief sa pensee telle quelle.

Telle quelle, oui; comme elle lui est venue a l'esprit.

Aussi la phrase n'est-elle pas composee avec l'art savant des litteratures a leur apogee; elle est comme fremissante encore du mou- vement meme des idees qui ont surgi un peu au hasard des impressions. Apres avoir pense que le souci de nos peres ne vise qu'a nimbler la tete, l'idee qui est venue a Montaigne est qu'ils ne songeaient guere a la vertu. Il l'ecrit, et comme entre ces deux idees le lien est sensible encore que latent, it ne l'exprime pas; it juxtapose les phrases.

Aussitot son imagination lui suggere que le peuple, lui aussi, n'aime que la science et que la preuve en serait facile a etablir.

Et voila la scene qui se presente : un savant marche avec gravite, et un malicieux, qui Neut tenter la petite experience, se met a crier de ce passant : Oh! le savant homme!... ' renees philologiques.

Et pourtant! Ce style pittoresque et un peu fantaisiste des vieux auteurs n'a-t-il pour lui que le charme du souvenir? Les sentiments ne me semblent-ils.

plus délicats et plus frais que parce que les mots sont moins familiers? Est-ce donc pure affaire de caprice, ou bien le mouvement de la phrase, chez mes chers « antiques », léur style et leurs expressions ont-ils un mérite propre qui les recommande? Les mots du vocabulaire du XVI" siècle sont concrets; ils font image.

Tandis flue le terme abstrait du xvu• siècle éveille l'idée, les façons de parler d'un Montaigne frappent l'imagination tant elles sont vivantes et animées.

Ainsi, qui nous rendra les bons vieux mots chevre[ et agnel, ·autrement gracieux et lêgers que les lourds vocables cheureau et agneau? repentance et compatis­ sance, mal remplacés par repentir et compassion? dévaler et baller, rtni font image, tandis que descendre et danser ne me disent rien? Et pourquoi aren­ telle, qui évoquait l'idée toute aérienne de.

ce « vent tissé » dont parle un latin, a-t-il été changé en toile d'araignée? Le xvi" siècle disait j'ai le pied prêt au branle; nous disons- mais à propos, comment dirions-nous? J'ai le pied ...

qui remue? qui s'apprête à ...

? Décidément nous n'avons plus rien! J'ouvre Montaigne et je lis : «De vrai, le soin et la dépense de 1!-0S pères ...

» (Voir le texte.) Voilà qui est parler! I}ans la première proposition, de vrai, placé en vedette, exprime naïvement la certitude de Montaigne.

Il affirme son opinion, le bonhomme, et n'admet guère qu'on en doute.

Et d'ailleurs ne disons-nous pas aussi, mais avec moins de force : «Certes, ·eela est...

Sans doute, il viendra? » · Dans le second membre de la première phrase, du jugement, peu de nouvelles, constitue une ...

simplification ou un oubli de syntaxe à effrayer les plus décidés de nos modernes réformateurs; et cependant combien e'est vif! Nous n'oserions plus écrire aujourd'hui : crier d'un passant à notre peuple; et pourtant la position relative des trois termes crier, passant et peuple ne laisse aucune .

équivoque.

Cette construction rompue est natu­ relle : je vois un passant dont la mine me frappe, et je crie aux gens qui m'entourent mon opinion sur lui; les mots gardent l'ordre des faits suc­ cessifs.

«Nous nous enquerrons : Sait-il du grec? » deviendrait en 1936 : nous nous enquerrons s'il sait du grec; mais comme.

ce sait-il? avec sa forme interrogative, marque mieux l'impatiente curiosité! La forme directe est ici plus rapide; selon un mot de Montaigne, elle nous « fiert d'une plus vive secousse ».

Dans cette première phrase, ce sont donc les inversions, les construc­ tions rompues, l'absence même de syntaxe qui ont permis à Montaigne de mettre en relief sa pensée telle quelle.

Telle quelle, oui; comme elle lui est venue à l'esprit.

Aussi la phrase n'est-elle pas composée avec l'art savant des littératures à leur apogée; elle est comme frémissante encore du mou­ vement même des idées qui ont surgi un peu au hasard des impressions.

Après avoir pensé que le souci de nos pères ne vise qu'à meubler la tête, l'idée qui est venue à Montaigne est qu'ils ne songeaient guère à la vertu.

Il l'écrit, et comme· entre ces deux idées le lien est sensible encore que latent, il ne l'exprime pas; il juxtapose les phrases.

Aussitôt son imagination lui suggère que le peuple, lui aussi, n'aime que la science et que la preuve en serait facile à établir.

Et voilà la scène qui se présente : un savant marche avec gravité, et un malicieux, qui veut tenter la petite expérience, se met à crier de ce passant : Oh! le savant homme! •••. »

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