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CORNEILLE

Publié le 02/09/2013

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1606-1684

CORNEILLE est l'écrivain de toutes les chances : bonnes ou mauvaises il fut comblé ; l'histoire a gravé son visage dans le bronze de la médaille romaine; elle nous a imposé à la fois la légende d'une vie bonhomme et celle d'une oeuvre exemplaire, illustration et maxime des vertus morales, patriotiques et civiques. Double mythe, critique et biographique, sur quoi s'est établie une universelle renommée. Heureuse fortune après tout si Corneille peut aujourd'hui vaincre sa légende, rentrer dans ses domaines et commencer enfin une authentique carrière.

A vingt-trois ans il remet au comédien Mondory son manuscrit de Mélite (1629) qui inau¬gure avant Molière la comédie de moeurs et de caractères, remplace le décor de rocaille, le costume et l'âme de l'idylle pastorale qui n'en finissaient plus d'être à la mode, par une intrigue parisienne, jouée dans la langue et sous l'habit bourgeois des contemporains. Dans cette neuve formule il donne coup sur coup la Veuve, la Galerie du Palais, la Suivante ; puis deux comédies, forte : la Place Royale et étrange : l'Illusion comique ; et entre temps deux essais de tragédie disparate et sans aplomb : Clitandre et Médée. Huit ans après Mélite, second coup de gong du génie : le Cid (1637) fonde la tragédie française. Suivent des chefs-d'œuvre : Horace, Cinna, Polyeucte, Pompée, le Menteur, Rodogune, Don Sanche d'Aragon et ce peu convaincant mais singulier Nicomède où la tragédie s'exténue et refuse le tragique. A ces succès s'ajoute une précieuse disgrâce : le triomphe du Cid suscite l'Histoire de la critique en France par ces Sentiments de l'Académie française sur le Cid où des gens de métier, pour la première fois, exercent l'art de donner des conseils au génie, et quelques années plus tard, cette magistrale réplique des Discours sur le poème dramatique, qui demeurent un des exposés les plus lucides de la dramaturgie classique. Sans désemparer, Corneille confère la noblesse du drame à la pièce à camouflage d'identité, imbroglio et reconnaissances, découvre la formule et la technique de la pièce à machines (Andromède), puis celle de l'opéra (OEdipe, la Toison d'or) et jusqu'au livret d'opérette (Agésilas). Dans cette dernière pièce, en novateur toujours, il abandonne le distique alexandrin et la rime suivie, use avec bonheur du vers libre et fait l'essai d'un nouvel équilibre rythmique. On lui doit même l'invention du programme officiel du spectacle qu'il met à la mode dans ces sortes de Dessein dont il fait précéder les représentations d' Andromède et de la Toison d'or.

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Li l'héroïsme et de la gloire.

Bientôt Voltaire, la tradition scolaire et académique tronquent cette œuvre gigantesque et l'enferment dans les cadres puérils d'un Théâtre choisi: là, sous le glacis d'un commentaire chagrin, frustrée de ses escarpements, de ses cimes et de ses précipices, contre toute attente, elle connaît une dangereuse fortune: étriquée, mutilée, trahie par le cornélianisme et !'Ecole, elle va tirer durant deux siècles sa célébrité de ce qu'elle n'est pas.

Universellement louée certes, mais, à la lettre, incomprise.

Deux raisons majeures, et d'ailleurs solidaires, expliquent une aussi surprenante méprise.

Sous le vocabulaire essentiel du poète on a placé des représentations et des images étrangères à la culture et à l'affectivité proprement cornéliennes.

C'est ainsi qu'après avoir attribué aux mots mérite, vertu, devoir, les qualités morales que leur donne notre langage commun, aux mots raison, générosité, gloire, l'acception habituelle aux philosophes et aux moralistes, on parvint à ramener la psychologie tout entière à l'idée de connaissance et de volonté.

Le héros se référait avant d'agir à la raison, la réflexion éclairait son entreprise, le bien la fin poursuivie.

Or c'est peu de dire que ce théâtre ne répond ni à cet esprit, ni à ces mœurs, ni même à ces façons de sentir.

Il propose une humanité ayant ses activités, son idéologie, son éthique singulières.

Une manière d'orthodoxie mondaine et cavalière réussit à créer ce type d'homme curieusement appelé le glorieux quand la génération versaillaise en répudia l'idéal.

Le principe de cet univers moral est la Gloire.

L'ambition ou la vengeance, de même et au même titre que le sentiment patriotique ou la clémence, sont considérés comme vertueux quand ils vont à l'exalter.

Cette inspiration glorieuse éclaire le modus vivendi des personnages : guerrier, héros, monarque, politique, amoureux, saint; elle commande les exercices les plus constants de l'œuvre : le sacrifice et le crime.

A une transcendance superbe, qui définit le sublime, répond une transdescendance aussi glorieuse qui pressent une excellence dans les plus noirs forfaits : infidélité, parjure, mensonge, chantage.

A Polyeucte et Auguste, isolés dans l'éclat de la plus lumineuse gloire, répondent Cléopatre et Attila qui disparaissent dans la sombre lumière d'une gloire « sans nom ».

Ici et là le même mou­ vement de l'âme glorieuse fait le passage de la nature à la grandeur.

L'horreur et le sublime découvrent leur visage fraternel.

Tel est le texte cornélien caché sous le cornélianisme.

Cet univers où s'exalte tout ce qui est rare, inquiétant, paradoxal, démoniaque, divin, ne retient que les grands pestins et les âmes qui en furent dignes, les gestes vénérés de tous temps par les hommes comme les pures images de la puissance, de l'amour ou de l'enthousiasme, les victoires sur les prudences et les accommodements, enfin ces vertus des généreux, des criminels et des saints : la cruauté et la violence.

A ces extrémités du caractère et du sentiment devait répondre un style fort éloigné lui aussi du naturel, de l'ordonnance, de la pureté classiques.

Il ne manque pas en effet d'être de tons mêlés où le noble le dispute au familier, l'inspiré au conventionnel, la logique à l'irra­ tionnel.

Il se meut aisément à travers les images, les hyperboles, les figurations les plus ordinaires comme aussi les plus inattendues; dépassant alors la simple fonction d'utilité et d'ornement du langage, il s'illumine de signes égarés et mystérieux.

Si l'on se tourne vers la vie, il est peut-être plus difficile encore de dégager Corneille de sa légende.

Il naît rue de la Pie, à Rouen, le 6 juin 1606.

Sa sœur Marthe (qui sera la mère de Fon­ tenelle), ses frères, dont l'un, Thomas, va connaître au théâtre le plus grand succès du siècle, la maison de campagne à Petit-Couronne où l'on passe les vacances d'été, un interminable procès pour un mur de séparation le long d'une mare, l'entrée au collège des Jésuites, ces menus faits alimentent les annales d'une enfance dont nous ignorons tout.

L'adolescence? Une allure fière, beaucoup de désinvolture et de morgue, un goût vif et court pour la femme, un ton gouailleur, bravache et quelque peu mousquetaire.

Ni le « bonhomme », ni le « grand » Corneille ne rappel­ lent cette bohème du jeune écrivain, sensuel plus que sentimental, porté aux bagatelles, aux sous­ entendus sans délicatesse.

Mais l'élève des Jésuites s'accordait superbement à ce donjuanisme en herbe : on serait même tenté de découvrir de l'un à l'autre un secret chemin.

Il est vrai : à peu près tout nous échappe, son premier amour pour Catherine Hue, son mariage avec Marie de 137. »

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