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corpus-despotes-tyrans

Publié le 07/10/2012

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Objet d'étude : Le théâtre : texte et représentation. Texte A : Jean Racine, Britannicus (1669), acte IV, scène 3, vers 1313 à 1336. La scène se passe à Rome au Ier siècle ; Néron est empereur car il a été porté au pouvoir par sa mère Agrippine. Cette dernière s'est pourtant rapprochée de Britannicus, demi-frère de Néron et héritier légitime du trône, pour empêcher son fils de prendre trop d'indépendance. Il s'adresse ici à son confident Burrhus. NÉRON Elle1 se hâte trop, Burrhus, de triompher : J'embrasse mon rival2, mais c'est pour l'étouffer. BURRHUS Quoi, Seigneur ! NÉRON C'en est trop : il faut que sa ruine Me délivre à jamais des fureurs d' Agrippine. Tant qu'il respirera je ne vis qu'à demi. Elle m'a fatigué de ce nom ennemi ; Et je ne prétends pas que sa coupable audace Une seconde fois lui promette ma place. BURRHUS Elle va donc bientôt pleurer Britannicus ? NÉRON Avant la fin du jour je ne le craindrai plus. BURRHUS Et qui de ce dessein vous inspire l'envie3 ? NÉRON Ma gloire, mon amour, ma sûreté, ma vie. BURRHUS Non, quoi que vous disiez, cet horrible dessein Ne fut jamais, Seigneur, conçu dans votre sein. NÉRON Burrhus ! BURRHUS De votre bouche, ô ciel ! puis-je l'apprendre ? Vous-même sans frémir, avez-vous pu l'entendre ? Songez-vous dans quel sang vous allez vous baigner ? Néron dans tous les c?urs est-il las de régner ! Que dira-t-on de vous ? Quelle est votre pensée ? NÉRON Quoi ! toujours enchaîné de ma gloire passée, J'aurai devant les yeux je ne sais quel amour Que le hasard nous donne et nous ôte en un jour ? Soumis à tous leurs v?ux, à mes désirs contraires, Suis-je leur empereur seulement pour leur plaire ? 1 - Elle : Agrippine. 2 - mon rival : Britannicus. 3 - « Et qui de ce dessein vous inspire l'envie « : d'où vous vient ce projet ? Texte B : Victor Hugo, Angelo, tyran de Padoue (1835), Journée I, scène 1. La scène se passe en Italie, à P...

« Venise, pauvre Tisbe ? Venise, je vais vous le dire, c'est l'inquisition4 d'état, c'est le conseil des Dix.

Oh ! le conseil des Dix ! parlons-en bas, Tisbe, car il est peut-être là quelque part qui nous écoute.

Des hommes que pas un de nous ne connaît et qui nous connaissent tous, des hommes qui ne sont visibles dans aucune cérémonie et qui sont visibles dans tous les échafauds, des hommes qui ont dans leurs mains toutes les têtes, la vôtre, la mienne, celle du doge5, et qui n'ont ni simarre6, ni étole7, ni couronne, rien qui les désigne aux yeux, rien qui puisse vous faire dire : celui-ci en est ! un signe mystérieux sous leurs robes, tout au plus ; des agents partout, des sbires8 partout, des bourreaux partout ; des hommes qui ne montrent jamais au peuple de Venise d'autres visages que ces mornes bouches de bronze9 toujours ouvertes sous les porches de Saint-Marc, bouches fatales que la foule croit muettes, et qui parlent cependant d'une façon bien haute et bien terrible, car elles disent à tout passant : dénoncez ! Une fois dénoncé, on est pris; une fois pris, tout est dit.

A Venise, tout se fait secrètement, mystérieusement, sûrement.

Condamné, exécuté ; rien à voir, rien à dire ; pas un cri possible, pas un regard utile ; le patient a un bâillon, le bourreau un masque.

Que vous pariais-je d'échafaud tout à l'heure ? je me trompais.

A Venise, on ne meurt pas sur l'échafaud, on disparaît.

Il manque tout à coup un homme dans une famille.

Qu'est-il devenu ? Les plombs10, les puits, le canal Orfano, le savent.

Quelquefois on entend quelque chose tomber dans l'eau la nuit.

Passez vite alors.

Du reste, bals, festins, flambeaux, musiques, gondoles, théâtres, carnaval de cinq mois, voilà Venise.

Vous, Tisbe, ma belle comédienne, vous ne connaissez que ce côté-là ; moi, sénateur, je connais l'autre.

Voyez-vous, dans tout palais, dans celui du doge, dans le mien, à l'insu de celui qui l'habite, il y a un couloir secret, perpétuel trahisseur de toutes les salles, de toutes les chambres, de toutes les alcôves11, un corridor ténébreux dont d'autres que vous connaissent les portes, et qu'on sent serpenter autour de soi sans savoir au juste où il est, une sape12 mystérieuse où vont et viennent sans cesse des hommes inconnus qui font quelque chose.

Et les vengeances personnelles qui se mêlent à tout cela et qui cheminent dans cette ombre ! Souvent, la nuit, je me dresse sur mon séant, j'écoute, et j'entends des pas dans mon mur.

Voilà sous quelle pression je vis, Tisbe.

Je suis sur Padoue, mais ceci est sur moi.

J'ai mission de dompter Padoue.

Il m'est ordonné d'être terrible.

Je ne suis despote qu'à condition d'être tyran.

Ne me demandez jamais la grâce de qui que ce soit, à moi qui ne sais rien vous refuser, vous me perdriez.

Tout m'est permis pour punir, rien pour pardonner.

Oui, c'est ainsi.

Tyran de Padoue, esclave de Venise.

Je suis bien surveillé, allez ! Oh ! le conseil des Dix ! Mettez un ouvrier seul dans une cave et faites-lui faire une serrure ; avant que la serrure soit finie, le conseil des Dix en a la clef dans sa poche.

Madame, madame, le valet qui me sert m'espionne, l'ami qui me salue m'espionne, le prêtre qui me confesse m'espionne, la femme qui me dit : je t'aime ! - oui, Tisbe, - m'espionne ! 1.

Tisbe : transcription italienne du prénom Thisbé.

2.

despote : maître absolu.

3.

podesta (ou podestat) : titre donné en Italie au gouverneur d'une ville.

4.

inquisition : police secrète qui reçoit ses ordres du Conseil des Dix.

5.

doge : premier magistrat de Venise.

6.

simarre : longue robe d'apparat des magistrats.

7.

étole : large écharpe que portent les évêques et les prêtres.

8.

sbire : tueur à gages.

9.

bouches de bronze : ouvertures pratiquées dans les murs de la basilique Saint-Marc pour qu'on y dépose des dénonciations anonymes.

10.

plombs : prisons sous les toits en plomb.

11.

alcôve : partie de la chambre dans laquelle le lit est dissimulé par des tentures ou des rideaux.

12.

sape : fosse creusée pour faire s'écrouler un bâtiment. Texte C : Alfred Jarry, Ubu Roi (1896), Acte III, scène 2. La scène se passe en Pologne ; le père Ubu vient de chasser de son trône le roi Venceslas : il est donc devenu roi à sa place . La grande salle du palais. PÈRE UBU, MÈRE UBU, OFFICIERS ET SOLDATS, GIRON, PILE, COTICE, NOBLES ENCHAÎNÉS, FINANCIERS, MAGISTRATS, GREFFIERS.. »

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