COURTELINE Georges, pseudonyme de Georges Victor Marcel Moinaux (1858-1929). Dramaturge, fils de l’humoriste Jules Moinaux (1815-1895) — chroniqueur judiciaire au Charivari et à la Gazette des tribunaux, auteur des Tribunaux comiques —, Courteline reçut à Meaux puis à Paris une formation classique, qui lui valut un goût certain pour le pastiche et la parodie des auteurs du «Grand Siècle» (la Conversion d'Alceste, parodie du Misanthrope, fut créée à la Comédie-Française le 15 janvier 1895). Une expérience militaire de courte durée au 13e régiment de chasseurs à cheval de Bar-le-Duc (1879-1880) lui fournit les «choses vues» de ses premiers écrits (chroniques réunies dans les Gaîtés de l'escadron, 1886, adaptées à la scène en 1895, puis le Train de 8 h 47, 1887), tandis que les relations de son père lui assuraient un poste confortable de fonctionnaire au ministère des Cultes : une vie morose de « rond-de-cuir » (tempérée par l’arrangement conclu avec un expéditionnaire qui le déchargeait de son travail), qui inspira à l'humoriste un récit (Messieurs les ronds-de-cuir, 1893) et une courte pièce (Monsieur Badin, 1897). C’est alors le succès au théâtre avec, principalement. Boubou-roche (1893), la Peur des coups (1894), puis : le Droit aux étrennes (1896), Hortense, couche-toi!, Théodore
cherche les allumettes (1897), les Boulingrin (1898). Suivent Le gendarme est sans pitié et Le commissaire est bon enfant (1899) et les satires de la justice : Un client sérieux (1896), l’Article 330 (1900) et les Balances (1901). Citons aussi : la Paix chez soi (1903) et la Cruche ou J’en ai plein le dos de Margot (1909), en collaboration avec Pierre Wolff. L’entrée au répertoire de la Comédie-Française de la Paix chez soi (1906) et de Boubouroche (1910) consacre de façon officielle une carrière dramatique heureuse. En 1917 paraîtra un ensemble de réflexions groupées sous le titre : la Philosophie de Courteline. En 1926, l’écrivain sera élu à l’académie Goncourt.
Prenant pour thème de ses pièces la vie quotidienne d’une petite bourgeoisie qui lui était familière, Courteline a produit des œuvres grinçantes — farces noires aux résonances ubuesques qui n’allaient pas cependant jusqu’à remettre en cause les fondements d'une société finalement acceptée dans sa médiocrité.
Un théâtre « rosse »
Courteline, qui commence par écrire des récits, assez brefs d’ailleurs, et souvent composés en « tableaux » aisément transposables à la scène, se montre novateur comme dramaturge, participant au renouveau théâtral des années 1900. C’est en effet au Théâtre-Libre d’Antoine qu’il fait représenter sa première pièce, Lidoire (1891), puis Boubouroche. Par son goût des pièces courtes (un acte, deux actes au plus), son souci du décor et de la mise en scène, et par les thèmes de ses pièces, Courteline se situe dans la lignée « réaliste » du Théâtre-Libre. Petit bourgeois, il décrit principalement la petite bourgeoisie (classe montante de la IIIe République), dans les tracas de la vie quotidienne. Ses personnages, conformes en cela à la définition classique de la comédie, sont d'une condition moyenne, proche de celle du spectateur de l’époque. Ils ne font pas rêver de lointains aristocratiques et ne se réduisent pas non plus à la convention du vaudeville : l’adultère n’est qu’un sujet parmi d’autres, et encore n’est-il, dans Boubouroche, que prétexte à souligner les qualités « humaines » du personnage. Le théâtre de Courteline participe de ce qu'on a appelé à juste titre la « comédie rosse », avec pour visée les relations conjugales, et extra-conjugales, aussi bien que les empiétements des lois et des règlements sur l’existence de l’honnête homme de condition bourgeoise.
Un théâtre misogyne
Misogyne, le théâtre de Courteline exploite une tradition gauloise qui n’était pas pour déplaire à son public : tour à tour sirène perfide trompant sans scrupule le petit bourgeois au grand cœur (Adèle, dans Boubouroche), jeune écervelée dont un pas de danse suffit à effacer les chagrins conjugaux (Gabrielle, dans Gros Chagrins, 1897), dépensière inconsidérée (Valentine, dans la Paix chez soi), la femme apparaît rarement de manière favorable. La Cruche, pièce écrite sur le tard, met en scène une pauvre fille, humiliée par son amant, et dont l’inconsistance ne permet d'autre sentiment à son égard que la pitié. Mégère grincheuse, harceleuse, sirène futile, le topo est repris sans presque faillir dans un théâtre qui manie les idées reçues tout en inscrivant un fait social d’époque : la condition économique et intellectuelle de la petite bourgeoise, dépendant financièrement d’un mari qui peut à son gré sanctionner les fautes et les manquements à la « règle du ménage » (la Paix chez soi), ou d'une femme de condition plus modeste (Margot, dans la Cruche).
Au reste, si l’image de la femme « grince » dans l’univers de Courteline, celle de l’homme dans la vie conju