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DANS QUELLE MESURE LA POESIE PERMET-ELLE LE DEPASSEMENT D'UNE EPREUVE ?

Publié le 18/11/2011

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poesie

Le poète dépasse également sa peine dans ses vers, car l'écriture poétique magnifie l'expérience vécue. Les vers disent en effet bellement des sentiments déchirants. Ainsi, Ronsard, au moment de la rédaction des Amours, vit une expérience amoureuse douloureuse. Épris de Cassandre Salviati, mariée à un riche banquier, il ne peut espérer conquérir et recevoir l'amour de cette femme. Cette expérience amoureuse lui inspire des vers qui transcendent l'expérience vécue. Cassandre Salviati se mue en Cassandre mythologique et le poète n'hésite pas à s'assimiler à la figure toute-puissante d'Apollon. La douleur est aussi magnifiée, car dite en des vers harmonieux et réguliers, qui gomment le déchirement du cœur. Ainsi, Ronsard use de décasyllabes et de la forme fixe du sonnet pour, plus que crier, chanter, sa peine. Des rimes signifiantes « Cassandre « rime souvent avec « cendres «) ainsi que des interjections emphatiques (« Hélas!«) soulignent la douleur. Plus que le contenu biographique, c'est le dire poétique qui prime.

poesie

« Introduction Hugo pour crier sa peine d'avoir perdu sa fille Léopoldine, du Bellay pour dire sa nostalgie de la terre natale, Apollinaire pour conjurer sa disparition probablesur le front, etc., nombreux sont les poètes qui se sont emparés de leur plume afin de relater leur expérience personnelle douloureuse.

« Dans quelle mesurela poésie permet-elle le dépassement d'une épreuve » ? La douleur du poète peut-elle être transcendée et sublimée dans ses vers? Ainsi, la poésie offre-t-elle vraiment au poète la possibilité de sublimer sa souffrance ou est-elle nécessairement un travestissement de l'expérience vécue qui condamne le poèteà l'universalité? [I.

Certes le poète peut sublimer sa peine dans ses vers] [A.

Dire sa peine] Les vers retracent bien souvent la trajectoire biographique d'un poète.

À l'instar de Musset qui affirmait « Frappe-toi le cœur, c'est là qu'est la poésie », lespoètes sortent leur plume pour chanter, crier, hurler, leur peine.

Lire l'œuvre poétique hugolienne, c'est ainsi découvrir en filigrane les différentes épreuvesqui ont rythmé la vie du poète.

En 1853, il publie les Châtiments, vaste et véhément réquisitoire contre le « nain » qui a pris la tête de l'Empire: NapoléonIII.

Hugo est alors en exil à Jersey et, en « proscrit », en « banni », hurle sa haine de 1'« orgie» impériale.

Vaste « banquet» qui convie à sa table desdébauchés, l'empire spolie et « tond [...] le peuple français ».

Trois ans plus tard, les Contemplations paraissent.

Ce recueil poétique relate une autreexpérience douloureuse: celle de la perte, dix ans auparavant, de Léopoldine.

Hugo, en père dont le cœur ne peut se résoudre à cicatriser, crie sonaccablement et le vide provoqué par l'absence éternelle.

Dans « Demain, dès l'aube ...

», le poète projette une visite sur la « tombe » de sa fille: il «marchera [...] les yeux fixés sur [s]es pensées », « courbé » par le poids de la peine.

Ainsi, les vers et le vécu sont étroitement mêlés.

La poésie permetdonc au poète de dire une souffrance intime. [B.

La poésie comme survie] Plus que de la dire, la poésie permet à l'auteur de surmonter les épreuves qu'il rencontre.

L'écriture prend alors une fonction thérapeutique: il s'agit d'écrirepour soulager son cœur, d'écrire pour guérir la douleur.

Du Bellay, alors jeune poète ambitieux, décide de faire carrière à Rome.

Mais les splendeursromaines qui l'avaient attiré n'étaient qu'illusion.

Ainsi, il prend la plume pour dire son mal du pays.

Dans le sonnet « Heureux qui comme Ulysse ...

», tirédes Regrets, il chante la beauté de son « petit village » et peint « la cheminée» fumante de sa chaumière angevine ainsi que son « clos.

» Dans ses vers, ilressuscite donc, avec précision et minutie, un paysage familier afin de le faire revivre et de compenser: son absence.

La poésie apparaît comme un moyende survie, l'écriture se fait échappatoire.

Elle n'est pas superflu mais besoin vital.

Comme l'écrit J.

Semprun, certains auteurs « rev[iennent] à la vie enécrivant ». [C.

Magnifier sa peine] Le poète dépasse également sa peine dans ses vers, car l'écriture poétique magnifie l'expérience vécue.

Les vers disent en effet bellement des sentimentsdéchirants.

Ainsi, Ronsard, au moment de la rédaction des Amours, vit une expérience amoureuse douloureuse.

Épris de Cassandre Salviati, mariée à unriche banquier, il ne peut espérer conquérir et recevoir l'amour de cette femme.

Cette expérience amoureuse lui inspire des vers qui transcendentl'expérience vécue.

Cassandre Salviati se mue en Cassandre mythologique et le poète n'hésite pas à s'assimiler à la figure toute-puissante d'A pollon.

Ladouleur est aussi magnifiée, car dite en des vers harmonieux et réguliers, qui gomment le déchirement du cœur.

Ainsi, Ronsard use de décasyllabes et de laforme fixe du sonnet pour, plus que crier, chanter, sa peine.

Des rimes signifiantes « Cassandre » rime souvent avec « cendres ») ainsi que des interjectionsemphatiques (« Hélas!») soulignent la douleur.

Plus que le contenu biographique, c'est le dire poétique qui prime. [Conclusion partielle et transition] Ainsi, la poésie, loin d'être un ornement superflu, apparaît comme vitale.

Elle permet un « dépassement» des épreuves, car elle les sublime et les magnifie.Cependant, la poésie et la vie n'ont peut-être rien à se dire.

En effet, puisque la finalité du texte poétique est le Beau, il y a nécessairement déformation,travestissement de l'expérience biographique et donc universalité du verbe et du vers. [II.

Mais la poésie travestit la peine et la rend universelle] [A.

Disjonction du vécu et du poétique] Dire une expérience douloureuse intime en poésie, c'est nécessairement la défigurée, car l'écriture vient a posteriori et dédramatise donc le vécu, enatténue l'intensité émotionnelle.

Ainsi, le langage est condamné à être en deçà de l'expérience ou à la mettre à distance.

De plus, le poète semblecondamné à ne pas pouvoir être sincère, car il cherche, même inconsciemment, à plaire à son destinataire.

Il faut donc parfois atténuer l'épreuve pour nepas le rebuter.

Ronsard, dans le sonnet.

Je n'ai plus que les os ...

» dédramatise la terrible expérience de la finitude.

En effet, dans le dernier tercet; ilcongédie en un adieu presque léger ses amis (« Adieu, chers compagnons ») et insiste sur l'idée de réunion dans la mort («Je m'en vais le premier vouspréparer la place »), la mort semble par conséquent apprivoisée, domestiquée, et effraie moins.

Ainsi, le verbe poétique trahit, en l'atténuant, l'expérience ducœur. [C.

Accéder à l'universel] L'expérience biographique semble donc vouée à être déformée et défigurée par les vers.

Le vécu est condamné à une nécessaire transfiguration: le poète,pour toucher un public, choisit de dépasser le cadre intimiste du vécu personnel pour accéder à l'universel.

Ainsi, les indices référentiels sont gommés afinde donner aux vers un tour généralisant.

Apollinaire, dans « Si je mourais ...

», ne donne pas d'indications précises sur le conflit auquel il participe: l'articledéfini à valeur généralisante (« le front de l'armée ») et l'indéfini imprécis (« Un obus ») soulignent cette volonté d'universalisa¬tion du discours.

Plus que sasouffrance individuelle, le poète veut chanter la douleur universelle de tout homme confronté aux horreurs de la guerre.

De même, Nerval, dans « ElDesdichado », sonnet liminaire des Chimères, choisit la forme de l'allégorie pour dire sa mélancolie: «Je suis le Téné¬breux, le Veuf, l'Inconsolé».

Le sujetne s'appréhende pas comme être unique et singulier.

Sa souffrance est communion, communion avec le cœur des hommes.

La poésie permet de dépasser sasouffrance parce qu'elle met en relation avec l'humanité. Conclusion À quoi sert la poésie? À vivre, à surmonter les épreuves que la vie quotidienne réserve.

Ainsi, en ce qu'elle peut être thérapeutique, la poésie se dessinecomme vitale pour l'homme.

Vitale, car elle offre au poète la possibilité d'échapper à sa souffrance; vitale, car elle magnifie l'épreuve.

Elle permet donc un «dépassement» des épreuves en ce qu'elle les sublime.

Cependant, c'est moins la singularité d'une épreuve qui se dit et se raconte en poésie qu'uneexpérience humaine universelle.

Puisque le poète use de formes préétablies, puisque le poète vise un lectorat, son discours est nécessairementtravestissement de l'expérience biographique.. »

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