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Dans une comédie de 1918 créée par Sacha Guitry, le mime Debureau encourage en ces termes un jeune comédien : «A ceux qui font sourire, on ne dit pas merci ; ça ne fait rien, laisse la gloire à ceux qui font pleurer. Je sais bien qu'on dit d'eux qu'ils sont les grands artistes mais tant pis, ne sois pas honoré : on n'honore jamais que les gens qui sont tristes. (...) Fais rire le public, dissipe son ennui et, s'il te méprise et t'oublie sitôt qu'il a passé la porte, laisse-1e, ça ne f

Publié le 17/01/2022

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guitry
Sacha Guitry (1885-1957), acteur et auteur dramatique français célèbre du xxe siècle, écrivit plus de cent trente pièces inspirées du comique boulevardier et destinées à divertir le public par un esprit parisien fait de bons mots et de plaisanteries sans prétention. Il toucha également au cinéma, avec par exemple Si Versailles m'était conté. Le sujet est très précis : il s'agit de la supériorité du tragique sur le comique. Vous vous garderez donc des tentations du hors sujet, et dirigerez vos recherches vers ce problème particulier.
guitry

« ri.

Le comique s'adresse aux pulsions humaines les plus basses.Ex.

: toute l'histoire du Nom de la rose d'Umberto Eco tourne autour de l'interdiction qui frappe un texte d'Aristotefavorable au rire, et qui contredirait le dogme religieux.Les manifestations de cette méfiance envers le rire visent les artistes qui font rire mais aussi leurs oeuvres.- Au XVIIe siècle particulièrement, les acteurs et les auteurs dramatiques sont méprisés par le clergé, qui lesexcommunie et refuse de les enterrer chrétiennement.

Les attaques religieuses sont surtout vives envers Molière,qui fait rire des dévots en la personne de Tartuffe, et ne fait pas assez rire du blasphémateur Don Juan.- Jean-Jacques Rousseau, quoique dans une perspective purement morale et non plus religieuse, reprendra le mêmeargument pour critiquer La Fontaine dans L'Émile : les fables font rire du corbeau, et non du vil flatteur qu'est lerenard. B.

Le rôle des théoriciens classiques1.

Chez eux la hiérarchie morale se double d'une hiérarchie esthétique : la tragédie est un genre plus noble que lacomédie (par ses personnages, son ton, sa qualité littéraire).Ex.

: les théoriciens (Boileau, Corneille, etc.) précisent moins les règles de la comédie que de la tragédie.Ex.

: le vocabulaire employé par Corneille pour comparer les tragédies et les comédies est significatif.

Dans l'Épîtrequi sert d'introduction au Menteur, il dit qu'après s'être fait connaître par des comédies, il a tenté de s'« élever à ladignité du tragique ».2.

Ils introduisent une hiérarchie à l'intérieur du rire : la « grande comédie de mœurs » est supérieure à la farce.Ex.

: Boileau dans son Art poétique n'accepte qu'un comique de bonne tenue, qui n'utilise pas « les mots sales etbas » ou les procédés faciles qui caractérisent le comique populaire.

Il accueillit ainsi Les Fourberies de Scapin deMolière : « Dans ce sac ridicule où Scapin s'enveloppe,Je ne reconnais plus l'auteur du Misanthrope.» C.

Cette hiérarchie est valable dans tous les artsLes artistes qui nous font rire sont moins admirés que ceux qui font pleurer.Ex.

: dans la galerie des artistes fictifs évoqués et analysés par Marcel Proust dans A la recherche du temps perdu,on trouve un peintre (Elstir), un musicien (Vinteuil), un écrivain (Bergotte), une actrice (la Berma), mais aucun n'estun comique.

La prestigieuse Berma est une tragédienne qui joue Phèdre.Ex.

: le véritable culte qui entourait les grandes stars du cinéma s'est surtout porté sur des acteurs qui ne faisaientpas rire (Marlène Dietrich, Greta Garbo) et que l'on s'imagine mal faisant des grimaces.

Un peu de ce préjugésubsiste pour les jeunes actrices, qui après avoir été connues par des comédies (Isabelle Adjani dans La Gifle,Sophie Marceau dans La Boum) ont cherché des rôles plus sérieux pour montrer que leur talent était véritable, etpour devenir des créatures qui font rêver.Les genres artistiques comiques sont tenus pour secondaires.Ex.

: les caricaturistes, malgré leur talent (Daumier, Plantu, etc.), peuplent moins les musées nationaux que lespeintres.Ex.

: la bande dessinée, qui souvent fait rire (Astérix, etc.), a longtemps été considérée comme un genre mineurdestiné aux enfants.Transition: Ce mépris est cependant profondément injuste, et la mentalité moderne a heureusement évolué sur cepoint. II.

La défense du comique et l'évolution des mentalités A.

Le comique n'est pas un genre intérieur 1.

Il a une portée morale égale à celle de la tragédie- Molière et les autres auteurs comiques ont abondamment défendu la valeur morale de leurs oeuvres.Ex.

: dans la Préface du Tartuffe, Molière montre que sa pièce est morale, puisque loin de critiquer la religion, ellecritique au contraire les faux dévots.- Certains ont même dit que le rire est la plus efficace des leçons de morale.Ex.

: « Les plus beaux traits d'une sérieuse morale sont moins puissants, le plus souvent, que ceux de la satire* ; etrien ne reprend mieux la plupart des hommes que la peinture de leurs défauts.

C'est une grande atteinte aux vicesque de les exposer à la risée de tout le monde.

» (Molière, Préface du Tartuffe)2.

La valeur artistique du comique vaut celle des autres genres.- Faire rire est aussi et même plus difficile que de faire pleurer, surtout lorsque le public est exigeant.Ex.

: «En un mot, dans les pièces sérieuses, il suffit, pour n'être point blâmé, de dire des choses qui soient de bonsens et bien écrites ; mais ce n'est pas assez dans les autres, il y faut plaisanter ; et c'est une étrange entrepriseque celle de faire rire les honnêtes gens.

» (La Critique de l'École des femmes).

L'adjectif « étrange » ici veut dire «qui sort de l'ordinaire ».- Bien des oeuvres comiques ont survécu à travers les siècles alors que des tragédies tombaient dans l'oubli enraison de leur valeur littéraire inférieure.Ex.

: Voltaire considérait ses Contes comme des « rogatons » sans importance et pensait devenir immortel par ses. »

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