Devoir de Philosophie

Dans une lettre à M. de Saint-Germain en 1770, Rousseau écrit : «J'étais homme et j'ai péché ; j'ai fait de grandes fautes que j'ai expiées, mais jamais le crime n'approcha de mon coeur (...)». Comment les quatre premiers livres des Confessions illustrent-ils cette déclaration ?

Publié le 13/07/2010

Extrait du document

rousseau

I. Le contenu des aveux  a. péchés et fautes  b. le regard d'autrui, source de la mauvaise conscience  II. Déculpabilisation  a. circonstances atténuantes  b. bonté naturelle corrompue par autrui  III. Une autodéfense  a. prouver son innocence  b. retrouver la paix par l'aveu   

rousseau

« II.

a.

L'aveu des fautes et péchés, même suivi d'un mea culpa contrit, s'accompagne toujours, aussitôt après, d'unénoncé des circonstances atténuantes qui lui ôtent toute responsabilité.

Ainsi, il affirme n'avoir pas recherché lafessée fatale, et même avoir tenté d'écarter la suivante, pour ne pas fâcher Mlle Lambercier : «Cette récidive, quej'éloignais sans la craindre, arriva sans qu'il y eût de ma faute, c'est-à-dire de ma volonté, et j'en profitai, je puisdire, en sûreté de conscience.» Quelle subtil distinguo entre la volonté et le plaisir ! Dans l'affaire du ruban volé, ilaccuse le comte de la Roque de l'avoir mis aux abois par une mise en scène trop intimidante, regrettant qu'il ne l'eûtpas «pris à part», et argue d'une «jeunesse» synonyme de «faiblesse», tout en prouvant qu'il n'avait agi,contrairement aux apparences, que par amour de Marion, à qui il destinait le ruban ! Trois justifications pour un«crime atroce» : le plaidoyer est à la mesure du remords.Se sent-il plus responsable de sa désertion lyonnaise ? Il affirme avoir agi sous l'effet de «l'effroi», et trouve ensuitedes motifs à sa conduite, au début du livre IV : «tout bien compté, je ne la trouvai pas si coupable» ; et Rousseaud'expliquer qu'il avait été utile à son compagnon autant que possible, qu'il n'aurait pu le guérir ni sauver la caisse àmusique saisie à leur arrivée, qu'enfin il lui aurait été à charge Le vieil écrivain a beau affirmer qu'il «voi(t) les chosesautrement» désormais, mais aucune précision sur cet «autrement».

Rousseau plaideur a inventé les circonstancesatténuantes.

Il se présente comme un héros de tragédie innocent. II.

b.

Il faut dire que toute son oeuvre est imprégnée de cette présomption d'innocence.

Son enfance est marquéede ce sceau : «Comment serais-je devenu méchant, quand je n'avais sous les yeux que des exemples de douceur,et autour de moi, que les meilleures gens du monde ?», s'écrie-t-il au sujet de son enfance.

Cette bonté native etdonc naïve n'est pas la moindre pierre de touche de sa démonstration.

C'est l'injustice des hommes qui le pousse auvice.

Ainsi, l'affaire du peigne cassé, dont on l'accusa sans preuve, a ouvert la voie : «Nous étions moins honteuxde mal faire et plus craintifs d'être accusés.» C'est le maître-graveur qui, par sa brutalité, le transforme en vaurien.Les prêtres hypocrites de Turin sont les complices de son apostasie.

L'action corruptrice des autres confirme savirginité morale.

Convaincu de sa pureté dans l'alexandrin final • «mais jamais le crime n'approcha de mon coeur», ilse berce de la musique racinienne des propos d'Aricie dans Phèdre : «le jour n'est pas plus pur que le fond de moncoeur»...

Comme les héros de tragédie, Jean-Jacques éprouve donc simultanément le poids du péché et la force d'un destincontraire.

Mais si une Phèdre ou un Œdipe assumaient le malheur comme punition d'une faute héréditaire, leGenevois dénie toute responsabilité dans les actes pourtant accomplis par lui-même.

Mais est-ce seulement pourfaire admettre ce paradoxe que Les Confessions sont nées ? III.

a.

Le Sentiment des citoyens, dont Voltaire a toutes les chances d'être l'auteur, n'a été qu'un catalyseur :poussé par son éditeur et surtout par l'incompréhension grandissante du public à son égard, Rousseau mûrissait delongue date un projet de ce que l'on n'appelait pas encore «autobiographie».

Les Confessions n'ayant rencontréqu'indignation lors de lectures dans des salons, Rousseau poursuivit avec des Dialogues où il se dédouble : Jean-Jacques et Rousseau.

La fin de sa vie, mis à part les derniers temps, est consacrée à la proclamation de l'innocencedu premier et le rejet du masque horrible et grotesque mis par ses ennemis sur le visage du second.

Aussi faut-ilreplacer le vibrant Préambule des Confessions dans le contexte passionnel et quasi désespéré de ces années siépouvantables pour Rousseau.

S'il ne réussit guère à convaincre ses contemporains, du moins peut-il par l'écriturese persuader d'une innocence qui lui a toujours été contestée, et cela dès sa naissance.

La mort de sa mère et lesregrets de son père ont fait le lit de cette mauvaise conscience et de cette angoisse permanente.

La confession parécrit est donc le médium d'une quête intérieure vitale, celle de la justice. III.

b.

La vertu apaisante de la confession est un aspect complémentaire.

En effet, Rousseau entreprend cetteoeuvre alors qu'il affirme avoir «expié» ses fautes, en ayant vécu les épreuves qui tissent la trame de la secondepartie de sa vie, après les Discours.

C'est donc que l'expiation n'a pas suffis à guérir les tourments de saconscience.

L'aveu public a des charmes évidents pour cet exhibitionniste qui raconte sans fard les plaisirs de lafessée et les frasques d'un adolescent en mal de regards féminins.

Mais là ne se borne pas le rôle de l'aveu : àpropos du remords pour le ruban volé, il parle de la confession comme d'une «délivr(ance)».

Dire le péché équivaut àse le faire pardonner : la confession devient absolution.

Mais reprochera-t-on cette erreur de catéchisme catholiqueà celui qui resta protestant dans l'âme ? Le même mécanisme est à l'oeuvre lorsqu'il confesse sa véritable identitéaux musiciens et à la population de Lausanne, à qui il avait fait croire qu'il était compositeur, puis au marquis deBonac, à Soleure, pour qui il avait d'abord été l'interprète du faux archimandrite.

Dire, c'est se libérer du passé etretrouver sa pureté originelle : le langage, puis l'écriture sont le salut de l'incompris. Les Confessions sont donc le lieu public d'une reconnaissance de «péchés» et de «fautes» qui concernent l'êtrereligieux et l'être social de Rousseau, mais aussitôt effacés au profit d'une image travaillée de bonté originellecorrompue par autrui.

La confession devient l'espace intime de la libération et quête de la justice.

L'acte decontrition est alors, pour reprendre les termes du poète Michaux, à la fois «épreuve» et «exorcisme».

Ce non-dit estpourtant l'aspect essentiel de l'oeuvre.

La suite de la lettre à M.

de Saint-Germain contient des formules frappantesoù la «vérité» prend pour le lecteur moderne une dimension supplémentaire, celle de l'inconscient : «Non, je netrouve rien de si grand, rien de si beau que de souffrir pour la vérité.

J'envie la gloire des martyrs.» Si tel ne fut pasle sort de l'écrivain, son oeuvre a marqué par sa force de conviction et, comme analyse exigeante de soi-même, par. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles