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Danton d'après Hippolyte Taine

Publié le 17/02/2012

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danton

Un colosse à tête de « Tartare « couturée de petite vérole, d'une laideur tragique et terrible, un masque convulsé de « bouledogue « grondant, de petits yeux enfoncés sous les énormes plis d'un front menaçant qui remue, une voix tonnante, des gestes çle combattant, une surabondance et un bouillonnement de sang, de colère et d'énergie, les débordements d'une force qui semble illimitée comme celles de la nature, une déclamation effrénée, pareille, aux mugissements d'un taureau, et dont les éclats portent à travers les fenêtres fermées jusqu'à cinquante pas dans la rue, des images démesurées, une emphase sincère, des tressaillements et des cris d'indignation, de vengeance, de patriotisme, capables de réveiller les instincts féroces dans l'âme la ....

danton

« Cette vision premiere nous rappelle invinciblement cette autre non moins saisissante : « La laideur de Mirabeau appliquee sur le fond de beaute par- ticuliere a sa race, produisait une sorte de puissante figure du Jugement dernier de Michel-Ange, compatriote des Arrighetti.

Les sillons creuses par la petite verole sur le visage de l'orateur avaient plat& l'air d'escarres lais- sees par la flamme...

» Danton et Mirabeau; Tame et Chateaubriand, le rapprochement s'impose.

L'expression qui suit : une laideur tragique et terrible, offre une evidente parente avec ces lignes du meme portrait : Quand it secouait sa criniere en regardant le peuple, it l'arretait; quand it levait sa patte et montrait ses ongles, la plebe courait furieuse...

» Mirabeau, c'est le lion; Danton le bouledogue...

n'en deplaise aux manes du trop scrupuleux C.

Jullian! Car Taine n'a pas laisse perdre ce mot expressif, qui montait spontanement aux levres de ceux qui avaient vu de leurs yeux le triste heros.

Tant pis pour la « methode scientifique ». Nous en voudrions a l'historien qui, sous pretexte de n'etre que savant, s'interdirait tout pittoresque.

Le lion rugissant, levant sa patte, montrant ses grilles, a pour digne pendant le bouledogue qui grogne.

L'epithete ajoutee a masque : convulse, se rapporte Bien, en effet, au facies du dogue, et la comparaison est, de tous points, juste et heureuse.

De l'ensemble du visage, nous passons au detail.

II est normal de com- mencer l'enumeration par les yeux.

N'est-ce point eux que, tout d'abord, i nous cherchons, nous interrogeons, d'instinct? Voici ceux de Danton, dans un cadre ad hoc : petits (1), Hs sorit enfonces sous les enormes plis d'un front menacant qui remue.

Les adjectifs se multiplient, chacun apportant un trait, une nuance, renforcant l'impression de « laideur tragique » et de terreur Apres le regard, la voix, terrible, elle aussi, comme le tonnerre; les gestes, agressifs, revelant un temperament militant.

Voix et gestes ne sont d'ail- leurs que les serviteurs, les interpretes d'une ame, caracterisee dans les lignes suivantes, et sur laquelle nous nous pencherons bientot plus Ion- guement; leur vigueur, leurs debordements, sont depeints alors que, dans le feu de l'action oratoire, ce sanguin, « force de la nature », deploie au maximum ces dons physiques.

Des details précis fixent nos idees : cette voix tonnante est l'instrument qui convient a une « declamation effrenee elle rappelle les « mugissements du taureau »...

Oui, M.

Jullian : un « bou- ledogue » qui mugit comme un taureau! Quelle incoherence, n'est-ce pas?... Et ces « eclats » portent au loin, debordent les limites des plus vaster en- ceintes, s'entendent a cinquante pas au dela, dans la rue oil la plebe ap- plaudit.

Cris d'indignation, de vengeance, de patriotisme, jurons, gros mots, propos cyniques, crudités enormes, a la Rabelais parviennent aux oreilles des braves sans-culottes grises par cette eloquence adaptee a leur m entail*. Descendu de la tribune aux harangues, it depouille cette vehemence qui fait trembler, se retrouve de plain-pied avec ses admirateurs redevenus ses camarades, et, on le devine, a travers ces mots : des facons cordiales et familieres, serrant les mains, donnant des tapes sur les epaules, lancant de joyeuses gouailleries.

Et nous concluons avec le portraitiste : oui, Danton avait, en ces temps troubles oil la canaille est toute puissance, les dehors les plus capables de lui acquerir la popularite :it avait le physique de l'emploi. Et it en avait le dedans, l'orne.

Comme La Bruyere, Taine peint souvent ses caracteres par l'exterieur, revelateur de l'interieur.

Ici nous trouvons aussi des traits directs se rapportant au moral.

Ce n'est point tout Danton, mais uniquement ce qui explique la popularite du tribun, du clubiste des.

Cordeliers. Il nous apparait d'abord comme un etre de passion, dont les forces bouil- lonnantes au dedans ont besoin de se projeter AU dehors, sans discerne- ment, sans mesure.

La parole, le discours public leur est un exutoire naturel.

De la les caracteres de son eloquence; elle ne connait point de frein; elle (1) Ces yeux clairs, gris-bleu, n'etaient point, paralt-11, cidpourvus de doueeur.

Taine ne pane pas du nez ecrase, mais qu'est-ce qu'un nez de bouledogue? Il omet aussi une cica- trice a la bouche, plutot grande. Cette vision première nous rappelle invinciblement cette autre non moins saisissante : « La laideur de Mirabeau appliquée sur le fond de beauté par­ ticulière à sa race, produisait une sorte de puissante figure du Jugement dernier de Michel-Ange, compatriote des Arrighetti. Les sillons creusés par la petite vérole sur le visage de Vorateur avaient plutôt Y air d'escarres lais­ sées par la flamme... » Danton et Mirabeau; Taine et Chateaubriand, le rapprochement s'impose.

L'expression qui suit : une laideur tragique et terrible, offre une évidente parenté avec ces lignes du même portrait : « Quand il secouait sa crinière en regardant le peuple, il l'arrêtait; quand il levait sa patte et montrait ses ongles, la plèbe courait furieuse... » Mirabeau, c'est le lion; Danton le bouledogue... n'en déplaise aux mânes du trop scrupuleux C. Jullian! Car Taine n'a pas laissé perdre ce mot expressif, qui montait spontanément aux lèvres de ceux qui avaient vu de leurs yeux le triste héros. Tant pis pour la « méthode scientifique ».

Nous en voudrions à l'historien qui, sous prétexte de n'être que savant, s'interdirait tout pittoresque. Le lion rugissant, levant sa patte, montrant ses griffes, a pour digne pendant le bouledogue qui grogne. L'épithète ajoutée à masque : convulsé, se rapporte bien, en effet, au faciès du dogue, et la comparaison est, de tous points, juste et heureuse.

De l'ensemble du visage, nous passons au détail.

Il est normal de com­ mencer l'énumération par les yeux.

N'est-ce point eux que, tout d'abord, nous cherchons, nous interrogeons, d'instinct? Voici ceux de Danton, dans un cadre ad hoc : petits (1), ils sont enfoncés sous les énormes plis d'un front menaçant qui remue. Les adjectifs se multiplient, chacun apportant un trait, une nuance, renforçant l'impression de « laideur tragique » et de « terreur ».

Après le regard, la voix, terrible, elle aussi, comme le tonnerre; les gestes, agressifs, révélant un tempérament militant.

Voix et gestes ne sont d'ail­ leurs que les serviteurs, les interprètes d'une âme, caractérisée dans les lignes suivantes, et sur laquelle nous nous pencherons bientôt plus lon­ guement; leur vigueur, leurs débordements, sont dépeints alors que, dans le feu de l'action oratoire, ce sanguin, «force de la nature», déploie au maximum ces dons physiques. Des détails précis fixent nos idées : cette voix tonnante est l'instrument qui convient à une « déclamation effrénée », elle rappelle les « mugissements du taureau »...

Oui, M. Jullian : un « bou­ ledogue » qui mugit comme un taureau! Quelle incohérence, n'est-ce pas?...

Et ces « éclats » portent au loin, débordent les limites des plus vastes en­ ceintes, s'entendent à cinquante pas au delà, dans la rue où la plèbe ap­ plaudit. Cris d'indignation, de vengeance, de patriotisme, jurons, gros mots, propos cyniques, crudités énormes, à la Rabelais parviennent aux oreilles des braves sans-culottes grisés par cette éloquence adaptée à leur mentalité.

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Descendu de la tribune aux harangues, il dépouille cette véhémence qui fait trembler, se retrouve de plain-pied avec ses admirateurs redevenus ses camarades, et, on le devine, à travers ces mots : des façons cordiales et familières, serrant les mains, donnant des tapes sur les épaules, lançant de joyeuses gouailleries. Et nous concluons avec le portraitiste : oui, Danton avait, en ces temps troublés où la canaille est toute puissance, les dehors les plus capables de lui acquérir la popularité : il avait le physique de l'emploi.

Et il en avait le dedans, l'âme. Comme La Bruyère, Taine peint souvent ses caractères par l'extérieur, révélateur de l'intérieur.

Ici nous trouvons aussi des traits directs se rapportant au moral. Ce n'est point tout Danton, mais uniquement ce qui explique la popularité du tribun, du clubiste des Cordeliers.

Il nous apparaît d'abord comme un être de passion, dont les forces bouil­ lonnantes au dedans ont besoin de se projeter au dehors, sans discerne­ ment, sans mesure, La parole, le discours public leur est un exutoire naturel.

De là les caractères de son éloquence; elle ne connaît point de frein; elle (1) Ces yeux clairs, gris-bleu, n'étaient point, paraît-il, dépourvus de douceur.

Taine ne parle pas du nez écrasé, mais qu'est-ce qu'un nez de bouledogue? Il omet aussi une cica­ trice à la bouche, plutôt grande.. »

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