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D'après le poème intitulé Deux tableaux de Valdès Léal (España), vous montrerez comment l'inspiration romantique de la mort s'associe à la description picturale chez Théophile Gautier

Publié le 05/05/2011

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gautier

...Le premier, — toile étrange où manquent les figures, —

N'est qu'un vaste fouillis d'étoffes, de dorures, De vases, d'objets d'art, de brocarts opulents, Miroités de lumière et de rayons tremblants. Tous les trésors du monde et toutes les richesses, Les coffres-forts des juifs, les écrins des duchesses, Sur de beaux tapis turcs de grandes fleurs brodés, Rompant leur ventre d'or, semblent s'être vidés. Pour te montrer si gai, si clair, si coloriste, Il fallait, à coup sûr, que tu fusses bien triste; Car tu n'as pas pour but de faire luire aux yeux Un bouquet de palette, un prisme radieux, Comme un Vénitien 1 qui, dans sa folle joie, Verse à flots le velours et chiffonne la soie. Tu voulais, au milieu de ce luxe éperdu, Faire surgir plus morne et plus inattendu Le convive importun, l'affamé parasite, Dont nul amphitryon n'élude la visite. En effet, le voici, l'oeil cave et le front ras, Qui dans la fête arrive, un cercueil sous le bras, Ricane affreusement de sa bouche élargie, Et met, brusque éteignoir, sa main sur la bougie. Dans la seconde toile, où d'une lampe avare Tombe sinistrement une lumière rare, Des cercueils tout ouverts sont par file rangés, Avec leurs habitants gravement allongés. D'abord, c'est un évêque ayant encor sa mitre, Qui semble présider le lugubre chapitre ; D'un geste machinal il bénit vaguement Tout le peuple livide autour de lui dormant. L'agonie a serré son nez aux ailes minces; Aux angles de sa bouche, aux plis de son menton, Déjà la moisissure a jeté son coton; Le ver ourdit sa toile au fond de ses yeux caves, Et, marquant leur chemin par l'argent de leurs baves, Les hideux travailleurs de la destruction Font sur ce maigre corps leur plaie ou leur sillon. Plus loin, c'est un bravache 4 à la moustache épaisse, Armé de pied en cap en son étroite caisse. La putréfaction qui lui gonfle les chairs Au bistre de son teint a mêlé des tons verts, Sa tête va rouler comme une orange mûre, Car le ver a trouvé le joint de son armure; Hélas ! fier capitan, le maigre spadassin A sa botte 5 secrète et son coup assassin...

gautier

« : Cette eau de diamant avait un goût de mort.

— En passant à Vergara montre Premier tableau.

le dégoût d'une jeune Espagnole devant un convoi funèbre : Les vivants sont charmants et lesmorts sont affreux.

— Même dans le boudoir ambré d'une jeune marquise (A Madrid), la mort apparaît sous la formed'une tête de saint Jean-Baptiste, motif souvent repris par les peintres espagnols.Le thème de la mort est donc fréquemment traité par Gautier.

L'opposition entre la beauté de la jeunesse, l'ardeurde vivre et le néant s'exprime chez lui par des remarques désabusées, une mélancolie que l'éclat du soleil espagnoln'arrive pas à dissiper.

Les Deux tableaux de Valdès Léal apportent un élément supplémentaire à cette méditationsur le néant humain : le peintre par le réalisme de sa représentation a fait ressortir toute l'horreur du tombeau.

Lepoète à son tour rivalise avec le peintre pour traduire en mots le dessin et la couleur de, la scène tragique.La première toile représente toutes les magnificences de la richesse, les splendeurs de la Terre :Tous les trésors du monde et toutes les richesses, Les coffres-forts des juifs, les écrins des duchesses, Sur debeaux tapis turcs, de grandes fleurs brodés, Rompant leur ventre d'or, semblent s'être vidés...Au milieu de cette fête pour les yeux, de ce bouquet de palette, la mort surgit, convive importun.

Le poète secomplaît à la décrire dans son horreur, portant un cercueil sous le bras, et qui ricane affreusement de sa boucheélargie.

L'effet de contraste voulu par le peintre est accentué par le poète. Second tableau.

La seconde toile est peut-être encore plus caractéristique.

Deux morts symbolisent le néanthumain : un évêque et un seigneur que leurs dignités n'ont pu préserver de l'anéantissement.

L'imagination macabredu peintre a retracé les moindres détails de cette déchéance, et à son tour le poète les reproduit aveccomplaisance Bossuet s'arrêtait devant le tombeau d'Henriette d'Angleterre et laissait seulement entendre que la mort y continuaitsa terrible besogne.

Le poète romantique s'attache au contraire à découvrir-toutes les phases de la décomposition,soulignant les intentions de l'artiste: Aux angles de sa bouche, aux plis de son menton,Déjà la moisissure a jeté son coton;Le ver ourdit sa toile au fond de ses yeux caves... L'homme de guerre est aussi maltraité que l'homme d'église, et comme lui la proie des vers : La putréfaction qui lui gonfle les chairsAu bistre de son teint a mêlé des tons verts;Sa tête va rouler comme une orange mûre... Le poète cède souvent la place au peintre; l'amour des formes, des couleurs, des effets d'ombre et de lumièrel'emporte sur l'horreur de la mort et lui fait trouver une sombre jouissance dans cette description.

Parfois même ducommentaire inévitable sur le néant humain jaillit une notation colorée, comme un jet de peinture sur la palette.

Lecaveau est peuplé d'élégants cavaliers, de superbes courtisanes, dont un jaune rayon fait reluire les crdnes,étrange éclairage, qui a peut-être hanté les insomnies de Baudelaire. CONCLUSION : Cependant Gautier ne se contente pas de décrire le sujet des tableaux, de faire voir leur coloris, leuréclairage, il les commente en s'adressant à leur auteur et en méditant sur la leçon qui se dégage des deux toiles; cegoût de l'amplification, ce besoin d'exprimer ses propres sentiments d'angoisse prouvent que Gautier reste encoreattaché à sa première manière; il n'a pas encore atteint l'objectivité, la concision et le relief qui seront la marqued'Emaux et Camées.

Poète et peintre, il appartient toujours à l'école romantique.. »

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