DELISLE DE SALES : sa vie et son oeuvre
Publié le 22/11/2018
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DELISLE DE SALES, pseudonyme de Jean-Baptiste Claude Izouard (1741-1816). Fils d’un marchand de soie de Lyon, Delisle trouva, dans son passage à l’Ora-toire, comme élève puis comme régent, une formation qu’il vécut de façon fort active et originale : à la fois comme accordée au siècle de la conquête philosophique (et l’y accordant) et comme l’en séparant radicalement. Il s’y sentit et y parut, en effet, toujours comme un marginal; sa pensée constitue pourtant une synthèse vibrante des Lumières, et son destin le projette, aux moments les plus décisifs de l’histoire, sur le devant de la scène.
Polygraphie d’apprentissage : la Bardinade, poème satirique (1765); Parallèle entre Descartes et Newton (1766); Dictionnaire de chasse et de pêche (1769); Histoire d’un voyage aux isles Malouines, réédition de dom Pernetty (1770); Histoire des douze Césars, traduction de Suétone (1770); Lettre de Brutus sur les chars anciens et modernes (1771); Essai sur la tragédie (1772); Egérie (1775). Le grand ouvrage de synthèse s’élabore parallèlement, de 1766 à 1776 : la Philosophie de la nature déclenche contre Delisle, de la part du Châtelet, en 1776, une persécution d’un autre âge, qui lui assure la solidarité de la famille philosophique (d’Helvétius à Voltaire) et une gloire durable. Il l’exploite en donnant sept éditions de son ouvrage (dont 1777, 1789 et 1804),
«
- aux
exquises et perverses équivoques du libertinage
philosophique : Théâtre d'amour (manuscrit , 1780),
Théâtre d'un poète de Sybaris ( 1788).
Avec la Ré volution , il croit venue pour lui l'heure de
servir.
Brutus se change en Solon; les éditions successi
ves de Ma république ( 1791-1793) distribuent les blâmes
et les conseils aux législateurs ...
et le conduisent en pri
son le 27 ven tô se an Il.
Libéré par Thermidor, il est
du premier noyau de l'Institut national.
Il donne une
intéressante et paradoxale Philosophie du bonheur
(1796), un curieux roman primitiviste à clés, le Vieux de
la Montagne ( 1799), et un savant traité de diplomatie
destiné à assurer la Paix de l'Europe (1800).
Mais deux
affaires surtout lui procurent une bruyante notoriété : la
défense de cinq membres de l'Institut déportés après
Fructidor, défense au cours de laquelle il manifeste une
clairvoyance, une rigueur et un courage hors de pair ; le
Mémoire en faveur de Dieu ( 1802), qui lui vaut l'hostilité
générale, et des catholiques, qui rêvent d'une restaura
tion religieuse.
et des athées, qui la redoutent, et du
pouvoir, qui eutend apaiser les querelles.
Ayant enfin perdu toute ambition de faire entendre la
voix de la « nature» au milieu du tintamarre impérial, il
se contente de faire 1' archéologie du désastre, avec les
Mémoires de Candide ( 1802), et d'opposer à ses contem
porains une g.: llerie de grands modèles : La Fontaine,
Bailly, Malesherbes, Montalembert, Forbonnais, puis
Homère et Orphée illustrent tour à tour le type du héros
delislien, doüx, tolérant, désintéressé, créateur et
méconn,u, cep•!ndant qu'une réflexion sur la poétique
de 1' « Eloge » pose les grandes données de 1 'écriture
(auto- )biograpnique du x1x• siècle (in Sylvain Bailly,
mai re de Paris.
1809).
Pauvre, il ne peut plus subvenir
aux frais qu'eutraîne l'entretien de son immense biblio
thèque, qu'il t.:nte en vain de vendre en bloc.
Il résiste
avec une rare force d'âme à l'adversité (ne se laissant
pas abattre pa1 Je deuil -il perd sa femme en 1812, se
remarie en 1814 avec Assomption Badia, 20 ans, fille
d'Ali Bey, dont il aura un fils), aux assauts apostoliques
de l'aichevêque de Besançon, qui prétend Je ramener
dans le giron de 1' Église, aux sarcasmes des journalistes.
C'est contre ceux-ci qu'il lance son dernier ouvrage,
1' Essai sur le JOUrnalisme ( 181 1 ), où s'allient heureuse
ment la verve et 1' érudition.
Il meurt en 1816, sans
grande illusiou sur la Restauration.
Sa bibliothèque et
ses papiers sont dispersés.
Sur Delisle de Sales, il ne faut croire ni les dictionnai
res biographiques du x1x• siècle , qui ont accumulé les
erreurs et répercuté les calomnies ou les « mots » faciles
(celui de Grimm, par exemple, sur «le singe de Dide
rot >> ), ni Chateau briand, trop préoccupé, dans les
Mémoires d'outre-tombe, d'effacer les traces de ses
débuts.
La critque ne l'a pas mieux traité, ne l'évoquant
que pour illus1rer un thème, un courant, une influence.
Or, ne faisant partie d'aucun groupe, d'aucune coterie,
d'aucune chap·!lle, ni sous l'Ancien Régime, ni pendant
la Révolution, ni sous le Consulat et l'Empire, Delisle
n'est pas justi :iable de ces classifications dont on use
volontiers : il n'est ni pythagoricien, ni idéologue, ni
déiste voltairit:n, ni matérialiste athée, ni spiritualiste
(bien qu'il ait o!té le maître de Chateaubriand), ni illurni
niste (bien qu' 1! ait été celui de Fabre d'Olivet).
Entre Palmyre (à qui est dédiée la Philosophie de la
nature) et Éponine (héroïne de Ma république), Delisle,
avec un talent poétique qu'on a eu tort de lui dénier, un
sens historique supérieur à celui de la plupart de ses
contemporains.
et une obstination qui force l'admiration,
a décrit cette tension particulière de l'histoire qui marqua
son temps : entre Orient et Occident, entre formes
monarchiques et idéaux républicains, entre philosophes
et romantiques , entre 1' enquête sur les origines et le tour
ment de 1' avenir..
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