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Dom Juan - Acte 3 Scène 5

Publié le 18/09/2010

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juan

Le courage nobiliaire de Dom Juan vient d'être vérifié par la rencontre avec les frères d'Elvire. Ici, Dom Juan rejoint Sganarelle qui s’est enfui lors de la confrontation. Dom Juan et Sganarelle aperçoivent alors le tombeau d'un commandeur tué autrefois par le libertin.

 

I) Autoportrait du séducteur

Dans la scène précédente, les frères d’Elvire exigent de Dom Juan qu’il prenne des résolutions afin d’éviter de devoir le tuer. Résolutions que Dom Juan promet de tenir (« Je n’ai rien exigé de vous, et vous tiendrai ce que j’ai promis «).

 

La tirade de Dom Juan prouve qu’il n’a aucune intention de prendre ces résolutions. En effet, il reprend la tirade sur l’amour qu’il avait commencée lors de l’acte 1, scène 2. Il y apporte cependant ici une certaine hypocrisie afin de maquiller son vice : il parle de son cœur et non de lui (« Je ne saurais me résoudre à enfermer mon cœur entre quatre murailles. «), il prétend ensuite que ce sont les femmes qui sont responsables plus que lui de sa conduite (« c’est à elles à le prendre tour à tour et à le garder tant qu’elles pourront «). Il se cache derrière une générosité hypocrite pour justifier son infidélité. 

 

II) Le regard de Dom Juan sur la mort

 

Pendant toute la pièce Dom Juan va de plus en plus loin dans la transgression et le blasphème. Après avoir fait l’éloge de l’infidélité, il s’en prend dans cette scène à la mort elle-même. 

Il commence tout d’abord par se moquer de deux façons du tombeau de l’homme qu’il a tué six mois auparavant. Tout d’abord, Dom Juan a une attitude insolente vis-à-vis de ce meurtre prétextant une visite soi-disant respectueuse : « c‘est une visite dont je lui veux faire civilité, et qu‘il doit reconnaître de bonne grâce, s‘il est galant homme «. Ensuite, il se moque du tombeau en lui-même, faisant remarquer à travers l’ironie et les sarcasmes qu’il est fou de vouloir du luxe une fois mort :  « ce que je trouve admirable, c’est qu’un homme qui s’est passé, durant sa vie, d’une assez simple demeure, en veuille avoir une si magnifique pour quand il n’en a plus que faire «. 

A travers ces blasphèmes Dom Juan défie la mort. Cette dernière réplique montre que ne croyant qu’en cette vie terrestre, il n’attache aucun prix à ce qui suivra la sienne et toute ambition posthume lui parait bouffonne. A travers ces tabous transgressés Dom Juan crée le dénouement de la pièce : Dom Juan marche vers sa propre mort, son propre destin. Il s’amuse à vérifier que rien n’existe après la mort.

Lorsque la statue du Commandeur se met à bouger Dom Juan nie tout d’abord le phénomène puis il s’enfuit : « Allons, sortons d’ici «. C’est une première forme d’échec inavoué. Ce n’est d’ailleurs pas comme séducteur que Dom Juan sera châtié mais pour son refus de croire et pour avoir bravé Dieu.

 

III) Comportement de Sganarelle

 

Le comportement de Sganarelle est essentiel au déroulement de cette scène. En effet, de par les changements qu’il opère il est possible au spectateur de percevoir le dénouement de la pièce. 

En effet, le début de la scène se fait à travers un élément comique : la prétendue colique qui explique sa fuite devant le duel : « je crois que cet habit est purgatif, et que c’est prendre médecine que de le porter «. A cet élément vient s’ajouter le conformisme exacerbé de Sganarelle avec son respect pour la mort : « cela n’est pas civil d’aller voir un homme que vous avez tué « ; et son admiration pour le luxe : « Ah ! Que cela est beau ! Les belles statues ! Le beau marbre ! Les beaux piliers ! Ah ! Que cela est beau !  «.

Cependant dans cette scène, le rôle de Sganarelle n’est pas uniquement de faire rire. C’est son intuition qui va lui permettre de nous annoncer ce qui va succéder au comique. En effet, il pressent déjà que le voisinage du tombeau est à éviter : « Monsieur, n’allez  point là «, il soupçonne également qu’il y a de la vie dans la statue : « Il semble qu’il est en vie, et qu’il s’en va parler « et voit dans ce miracle le bien-fondé de sa foi.

C’est précisément ce mélange des registres, entre tragédie, comédie et fantastique qui est révélateur de l’aspect baroque de Dom Juan. 

Conclusion :

Cette scène s’achève sur un sommet dramatique avec l’intrusion du premier élément baroque : la statue du Commandeur assimilée au mythe du Golem. D’autres éléments surnaturels seront déclinés par la suite dans les deux derniers actes de la pièce. Cette présence du surnaturel associée à la transgression des règles du théâtre classique (il n’y a pas d’unité de temps et de lieu dans Dom Juan et la pièce mélange les registres) est ce qui l’ancre précisément dans le théâtre baroque. Malgré ces premiers avertissements, Dom Juan continue de défier le sort et les menaces de châtiment que l’on a pu voir dans les trois premiers actes commencent alors à se vérifier. Tout particulièrement lors de la dernière partie de l’Acte IV. En effet, le Commandeur répond à l’invitation à souper. Alors que Sganarelle est toujours choqué par la présence du défunt, Dom Juan perdure dans son intention de renier sa foi. Les deux répliques du Commandeur s’adressent respectivement à Dom Juan et à Sganarelle. Celui-ci est protégé par le Ciel tandis que le premier est invité à souper par la statue. Invitation qui sera malgré lui respectée à la fin de la pièce lors de son châtiment.

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