Electre: ACTE II, SCÈNE 8 - Giraudoux
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
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Un conflit de valeurs
Le dialogue est également structuré par unsystème d'oppositions qui dépasse lesimple conflit passionnel.
Certes, une largepart de la scène est occupée parl'affrontement entre la mère et la fille.
Maisil n'est pas nouveau puisqu'il est apparu dèsla scène 4 de l'acte I, où Égisthe jouait lerôle d'arbitre impuissant.
Ici, c'est-à-diredeux scènes avant la fin de la pièce, leconflit entre Électre et Clytemnestre paraîtbien moins intéressant que celui qui opposela jeune fille au roi.
Michel Raimond, dans son ouvrage Trois pièces de Jean Giraudoux, fait remarquer : « Ce qui a intéressé Giraudoux, c'estl'affrontement idéologique dans unesituation grave.
À l'enchaînement tragique,il a substitué le conflit des valeurs ».
Lepropos est judicieux et s'appliqueparticulièrement bien à la scène 8.
Onnotera d'abord que si Égisthe a défini dansla scène précédente les valeurs qui sontdevenues les siennes, Électre répond par larévélation du « don » qui lui a été fait(tirade des pages 116-117).
Quant àClytemnestre, elle définira sa propre valeur: la haine pour Agamemnon (pp.
123-12 4).
Au lieu d'un duel entre Égisthe et Électre,l'on assiste à une opposition de valeursinconciliables.
Égisthe est patient, Électrefarouchement intransigeante.
À la jeunessede la seconde s'oppose la maturité dupremier.
À une femme, un homme.
À lalumière s'opposent les ténèbres.
À lavolonté de compréhension, l'aveuglementobstiné.
À la générosité, le refus du pardon.À la paix, la guerre.
Au souci du collectif,celui de l'individuel.
Au temporel del'urgence politique, l'éternel d'une justice etd'une vérité.
Les deux personnages luttentpied à pied.
L'un essaie de convaincre,l'autre persiste dans la négation et le refus.Les mêmes termes, les mêmes idées, lesmêmes images, seront repris et inversés(voir en particulier les pages 117-119).Giraudoux, dans cet affrontement, sesouvient de la lutte d'Antigone contreCréon.
Mais la différence, c'est qu'Antigoneest une révoltée alors qu'Électre est uneobstinée, un bloc de justice et de haine.
Conflit de valeurs inconciliables, le dialogue ente Électre et Égisthe est la révélation d'un dilemme tragique entrel'absolu et le relatif, entre la raison d'État et la vengeance personnelle.
Qui, des deux, a choisi l'humain? Électre estprête à sacrifier un peuple au nom d'un idéal ; Égisthe veut sauver sa patrie.
Que faut-il préférer : la raison d'Étatou la mémoire du père ? Les deux choix sont respectables.
Électre reconnaît qu'Égisthe est devenu un « blocd'honneur », tandis qu'Égisthe admire la pureté et l'inflexibilité suicidaire d'Électre.
Un tel conflit de valeurs, un teldilemme, ne peuvent trouver d'issue que dans une nécessaire catastrophe.
Le « don » fait à Électre
La longue réplique d'Électre (pp.
116-117) apporte un éclaircissement important et montre à quel point la jeune filleest à la fois proche et éloignée d'Égisthe.
La tirade se présente comme une comparaison entre les « dons » faits auxdeux personnages.
Ainsi, dès le début, Électre affirme : « À moi aussi, ce matin, à l'heure où l'on vous donnaitArgos, il m'a été fait un don ».
En commun, le roi et la jeune fille ont la révélation d'une vérité qui se veut humble.Pourtant, ces révélations sont bien différentes.
Car, si Électre a pu découvrir la réalité d'un peuple, celle d'une.
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