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En Attendant Godot de Beckett: ACTE I - DIVISION 3

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

Pozzo. - «Qu'est-ce que c'est mon brave ? ... Si j'ai besoin des os... Non, personnellement je n'en ai plus besoin.« (page 35)

Estragon. - «II est marrant, il a perdu sa bouffarde.

Estragon. - Il est tordant!« (page 48)

Qu'est-il advenu, entre ces deux séries de répliques, de l'ascendant de Pozzo? Il s'est effrité, laissant apparaître sous l'assurance du tyran, le fantoche martyr de son esclave. Pozzo est un bouffon dont la puissance n'a que la réalité fictive d'un rôle joué sur la scène où il se donne en spectacle.

« remis le leur entre les mains de Godot devant qui l'extrême dénuement de leurs existences les réduit au rôle desuppliant.

Mais si Lucky a une corde au cou, eux ne sont pas encore liés à Godot (le motif du lien a fait l'objet d'unetelle sollicitude de la part de Beckett qui en a prolongé la dramatisation sur trois pages, et, pour en décuplerl'impact, l'a mis en valeur dans un malentendu, page 27, que le rapprochement avec la corde passée au cou deLucky s'impose). Alors, que conclure ? Ou que Lucky est une image poussée à l'absurde de l'esclavage dans lequel les maintientl'espoir de la venue de Godot, ou bien celle de la déchéance qui menace ceux qui asservissent leurs existences à latyrannie d'un «sauveur» qui ne leur accorde que les os et les coups quand ils mettaient en lui de tout autres espoirs: Vladimir, - «Ce soir on couchera peut-être chez lui, au chaud, au sec, le ventre plein, sur la paille.

Ça vaut la peine qu'on attende.

Non ?» (page 25) Le bouffon Sous les yeux médusés de Vladimir et d'Estragon, sur un ton mêlé d'urbanité et de condescendance, Pozzo se livre,fouet au poing, à une démonstration de l'excellence du dressage de son porteur mécanique Lucky : «Debout»,«arrière «,«plus près »,«arrêt Il ne faut pas moins de seize injonctions pour l'amener à s'asseoir selon les règlesd'un protocole insolite.

C'est là assurément le signe de sa souveraineté.

C'est avec la déférence inspirée de lacrainte que Didi et Gogo s'adressent à lui, c'est avec dédain qu'il les traite. Pozzo.

- «Qu'est-ce que c'est mon brave ? ...

Si j'ai besoin des os...

Non, personnellement je n'en ai plusbesoin.» (page 35) Estragon.

- «II est marrant, il a perdu sa bouffarde. Estragon.

- Il est tordant!» (page 48) Qu'est-il advenu, entre ces deux séries de répliques, de l'ascendant de Pozzo? Il s'est effrité, laissant apparaîtresous l'assurance du tyran, le fantoche martyr de son esclave.

Pozzo est un bouffon dont la puissance n'a que laréalité fictive d'un rôle joué sur la scène où il se donne en spectacle. Pozzo le fier est un numéro de cirque.

Ses entrées en scène s'accompagnent des préliminaires de tout spectacle(page 40), il réclame l'attention du public qui donnera consistance au rôle qu'il joue. Toute illusion requiert ses accessoires.

Pozzo signale ses entrées sur scène avec un vaporisateur, le sauf-conduitde ses métamorphoses (pages 41 et 50).

Corde et fouet font aussi partie de sa panoplie, et même Lucky, page 37: Pozzo.

- «Comment me rasseoir maintenant avec naturel...

sans avoir l'air de fléchir?» Quelques ordres à Lucky, preuves manifestes de sa puissance le rassoient avec le naturel qui sied à son importance.Comme on le voit, son « naturel » ne se soutient que fouet en main et injure aux lèvres. Vladimir et Estragon comprennent vite qu'ils assistent à un numéro, ils entrent de plain-pied dans l'illusion de Pozzo,se constituent spectateurs réels de la salle imaginaire d'où ils assistent au spectacle.

Estragon peut alors lancer àson ami qui sort une nouvelle fois uriner : «Au fond du cou- loir, à gauche». En plusieurs endroits, on peut assister aux mues du personnage en acteur, à celles, inverses, de l'acteur enpersonnage.

Lorsque, ayant perdu sa poire, il se voit refuser l'accès à la scène, il perd sa belle assurance, et parle«d'une voix mourante» (page 56).

L'extrait du crépuscule est le plus significatif, y figurent les deux Pozzo, le prosaïque et le grandiloquent, jouant de tout le répertoire du clavier dramatique : modulation de la voix et du geste,emphase lyrique, métaphores : «torrents de lumière», «voile de douceur», «la nuit galope et viendra se jeter».L'inspiration le quittant, il retourne à sa vraie nature, la vulgarité : «C'est comme ça que ça se passe sur cetteputain de terre» (page 52).

On le voit, le personnage est double, Estragon, le parodiant, en résume avec inspirationla dualité : «Mon poumon gauche est faible (il tousse faiblement, d'une voix tonitruante) mais le droit est en parfait état» (page 56). Pozzo l'acteur a besoin de la complaisance de son public pour exister.

Sans son rôle, sans la soumission de Luclrymiroir d'une puissance factice, il n'est rien.

Son empire sur Lucky est aussi une comédie.

Il s'effondre, avoue que sonesclave le persécute : «Je n'en peux plus, plus supporter ce qu'il fait» (page 46).

C'en est fait du prestige de Pozzo,il est désormais un bouffon pitoyable, ils ne prennent plus au sérieux ses démonstrations de puissance.

À la fin dupassage, les signes s'inversent.

De tyrannique, Pozzo devient tyrannisé, risible pour ceux à qui il inspirait crainte etrespect.

Le signe le plus manifeste de sa dégradation nous est donné par les objets.

Ces objets qui, nous l'avonsvu, sont nécessaires à l'illusion qu'ils matérialisent, l'abandonnent.

Pozzo perd tout, successivement sa pipe, sonvaporisateur, puis sa montre, le souvenir des questions dont il a préparé si laborieusement les réponses.

Jusqu'au. »

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