En quoi Swann et Emilio sont-ils méconnaissant en amour ? En quoi les relations amoureuses dans ces œuvres sont marquées par une ignorance de ce sentiment ?
Publié le 02/11/2022
Extrait du document
«
Littérature comparée
Laurent Jenny a défini Un amour de Swann comme « un roman de la méconnaissance
amoureuse ».
Ainsi, dans Un amour de Swann, le personnage éponyme, central, victime d’une
passion dévastatrice méconnaîtrait, ignorerait l’amour : sentiment humain le plus puissant et
dévastateur.
Cet énoncé offre une grille d’analyse, un prisme avec lequel traiter les œuvres qui sont
au programme et les personnages qui articulent l’action de celles-ci.
Il s’agira, dans cette
dissertation de saisir ce qui est intéressant dans cette approche et d’aborder les œuvres de Proust et
Svevo selon celle-ci.
En quoi Swann et Emilio sont-ils méconnaissant en amour ? En quoi les
relations amoureuses dans ces œuvres sont marquées par une ignorance de ce sentiment ?
D’abord nous nous attacherons à décrire cette méconnaissance, à rapporter ce par quoi elle se
caractérise dans ces deux romans, puis, il s’agira d’analyser celle-ci.
Enfin, ce traitement singulier
des thèmes de l’amour et de la jalousie qui est délivré par Proust et Svevo dans ces œuvres sera
interprétée.
Si, tel que l’affirme Laurent Jenny, les protagonistes de Proust et Svevo méconnaissent l’amour,
il semble indispensable de définir l’amour, le vrai, qui donc, leur serait étranger.
L'amour désigne
communément un sentiment intense d'affection et d'attachement envers un être vivant qui pousse
ceux qui le ressentent à rechercher une proximité physique, intellectuelle ou même imaginaire avec
l'objet de cet amour.
Cette notion prend racine dans la notion d’Éros :En grec ancien, celle-ci
désigne un désir passionné,vif et brûlant.
D’abord, tentons de saisir la citation du critique, celle-ci,
insinuant que les personnages de Swann et Emilio méconnaissent l’amour fait apparaître une
contradiction : Ni Swann ni Emilio ne sont des novices en amour.
Il est même rapporté au début du
roman de Proust que Swann a un age avancé et une certaine expérience des relations amoureuses «
A cette époque de la vie on a déjà été atteint plusieurs fois par l’amour » ( p.56 ) .
Il en est de même
pour Emilio, celui-ci ne plonge pas follement dans cet amour tel un jeune homme inexpérimenté
comme pourrait le laisser entendre le critique : la première phrase du roman renseigne sur le type de
relation qu’Emilio souhaitait entretenir avec Angiolina au début du roman « il tint à la prévenir qu’il
ne voulait pas s’engager dans une relation trop sérieuse » (p.15), ce qui sous-entend que ce
personnage connaît ce genre de relation.
Cependant, ces deux personnages méconnaissent l’amour
dans ce qu’il peut avoir de complexe et douloureux.
Emilio, dès les premières pages de Senilita
rencontre des tourments causés par l’amour qui naît en lui et se voit obligé de demander conseil à
son ami : « ces cris dans ses oreilles le rendirent suppliant.
Il semblait implorer une main
suppliante ».
« Ces cris » sont la métonymie de l’amour.
C’est l’amour qui crie dans ses oreilles et
l’oblige à se rabaisser devant son ami, qui, pendant tout le roman l’humiliera « Stefano, avec un
joyeux entrain, écrasait son ami sous le poids de sa propre supériorité » Balli apparaît comme le
miroir inversé d’Emilio, lui qui, habile sculteur, arrive à maîtriser ses sentiments, a ne pas se laisser
déborder par ceux-ci quitte a adopter la figure de l’homme froid et indifférent .
Emilio, comme sa
sœur , ne maîtrise pas la passion qui le dévore.
Il bascule dans ce sentiment sans se soucier des
conséquences que celui-ci peut avoir.
L’évolution de la situation d’Emilio est ironique : au début du
roman, il se fait précepteur d’Angiolina : « En échange de l’amour qu’elle lui donnerait, il lui
apprendrait à jouir de l’existence.
» (p.29) Hors, c’est Angiolina qui gâche l’existence d’Emilio par
ses mensonges et ses tromperies : « il souffrait comme si il avait eu devant lui son insaisissable
rival.
» (p.167).
A plusieurs reprises, ces soupçons amènent à une volonté de rompre définitivement
avec Angiolina « tout serait fini pour de bon et je pourrai m’endormir d’un sommeil paisible »
(p.97), « je ne t’embrasserai jamais plus » (p.105) même lorsque sa sœur est sur son lit de mort,
Emilio veut rompre une bonne fois pour toutes avec Angiolina « sa présence était inutile dans cette
chambre, tandis qu’en allant retrouver Angiolina , il offrait tout de suite un holocauste à Amelie.
»
Emilio méconnaît l’amour car il se retrouve pris au piège d’Angiolina, il est victime de sa passion,
il souffre mais ne peut se résoudre à la quitter.
Ajoutons qu’envers la sœur d’Emilio aussi, cupidon n’est guère tendre.
Celle-ci, enfermée dans une
existence morose est tombée éperdument amoureuse de Balli et en est morte.
Cet amour qu’elle ne
pouvait accomplir qu’en rêve l’a fait sombrer dans une folie douce jusqu’à l’abyme : « elle continua
a regarder Balli, que, meme dans son délire, elle considérait comme étant, chez elle, le personnage
principal » (p.213).
La pauvre Amélie ne reçoit guère plus d’amour de la part de son frère, celle-ci gère le foyer et
s’occupe de son frère qui l’abandonne à son triste sort.
Emilio méconnaît l’amour fraternel.
Il
n’éprouve même pas un semblant de compassion lorsqu’il comprend la passion qui anime sa sœur,
et il est jaloux.
L’amour démesuré qu’entretient Amelie pour Balli vient amplifier le malheur
d’Emilio.
Il est jaloux de cet amour sans se rendre compte qu’Amelie désespère de ne pas recevoir
de l’affection de sa part.
Jusqu’au dernier souffle de vie d’Amelie il ne sait comment appréhender
les sentiments qui l’unissaient à sa sœur « je ne sais quel est le plus grand de mon chagrin ou de
mon remords ».
Ainsi Senilita est définitivement un roman de la méconnaissance du sentiment
amoureux : Emilio et Amelie ne mesurent pas leur sentiment et se laissent emporter par ceux-ci,
tandis que Balli et Angiolina délaissent leurs relations.
Angiolina collectionne les amants, dont elle
expose les portraits comme des trophées, tandis que Balli voit des femmes sans éprouver le moindre
sentiment pour celles-ci.
De plus, Emilio et Swann sont méconnaissant car dupes, ils croient leurs
amantes et refusent l’hypothèse du mensonge et du vice : « Elle lui expliqua plus tard que n’ayant
pas trouvé de place chez Svevo,elle était allée souper à la maison dorée » (p.107), Swann, à ce
moment du récit, ne remet pas en doute la parole d’Odette et ne soupçonne pas une seconde qu’elle
eut pu lui mentir parce qu’en vérité elle était avec Forcheville, le rival.
Cela démontre une foi trop
bonne en Odette et donc une méconnaissance des relations amoureuses et du mensonge qui va de
pair.
On trouve la même situation chez Svevo lors qu’Emilio visite la chambre d’Angiolina, il
découvre les photos des amants de celle-ci qui n’ont pour effet que de piquer sa jalousie.
Emilio ne
saisit pas l’indice qui révèle la façon dont Angiolina traite les hommes, celle-ci lui fait accepter cela
en lui promettant une confession : « Toutes les preuves recueillies pour l’accabler étaient brûlées à
la flamme d’un cierge » (p.42).
Swann et Emilio sont dans le déni, ce qui prouve une
méconnaissance de l’amour.
En bref, dans Senilita et Un amour de Swann, les personnages
amoureux sont victimes de leur passion, l’amour les malmène, les aveugle et les fait souffrir.
En
somme, ils méconnaissent l’amour dans ce qu’il peut avoir de destructeur.
Si après avoir décrit la méconnaissance des personnages, on analyse ce qui se cache derrière les
sentiments et les relations amoureuses dans ces œuvres, on constate que ce qui est considéré comme
amour pur n’en est pas véritablement.
Certes, Emilio et Swann sont épris de leurs amantes
respectives.
En effet, elles sont l’objet d’un sentiment fort, d’un désir intense mais l’amour
demeure, en réalité un moyen plus qu’une fin chez nos deux amants.
Odette, pour Swann, n’est
qu’un objet que ce dernier veut ajouter à sa collection, il l’aime parce qu’elle lui résiste, il est jaloux
maladif parce qu’elle lui échappe .
L’amour de Swann pour Odette naît du manque de cette
dernière.
Swann prend conscience qu’il l’aime parce qu’elle....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Sommaire d'Un amour de Swann de Proust
- Proust extrait de Un Amour de Swann page 115
- Commentaire : Proust - Un amour de Swann
- Un amour de Swann de Proust - résumé de l'oeuvre
- Du Côté de Chez Swann l'amour un plaisir subjectif, que la part du goût pour la beauté d'une femme devait y être la plus grande, l'amour peut naître l'amour le plus physique sans qu'il y ait eu, à sa base, un désir préalable.