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ESPAGNE et PAYS DE LANGUE ESPAGNOLE

Publié le 05/12/2018

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ESPAGNE et PAYS DE LANGUE ESPAGNOLE. — Influence de la littérature hispanique sur la littérature française. Pays de transition entre l’Europe et l’Afrique, carrefour des cultures chrétienne, hébraïque et musulmane, l’Espagne entretient avec la France, à travers les siècles, des rapports culturels plus ou moins étroits au gré des circonstances historiques. A partir du viiie siècle, la présence arabe donne à l’Espagne médiévale un rôle privilégié en Occident dans la diffusion du fonds culturel indien et persan et des grands textes gréco-latins oubliés par le haut Moyen Age européen : ces textes circulent dans leur version arabe, et une intense activité de traduction, suscitée par les cours chrétiennes de Catalogne, d’Aragon (Petrus Alphonse) et de Castille (le roi Alphonse le Savant), entre le xiie et le xive siècle principalement, en assure la transmission en latin et en langue vulgaire. Les contacts culturels entre l’Espagne et la France sont étroitement liés à l’essor de la chrétienté : à partir du XIe siècle, le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle fait du « chemin français » (Camino francés) le circuit privilégié de ces échanges, auxquels contribue également l’expansion de l’ordre de Cluny. Les récits de pèlerins fournissent des anecdotes à la Chronique de Turpin et inspirent à travers elle diverses chansons de geste : l'Entrée de Spagne ou la Prise de Pampelune, par exemple. Au début du XIIe siècle, la Disciplina clericalis, traduction latine par Petrus Alphonse d’apologues arabes, fait connaître à l’Occident le conte oriental; l’Espagne transmet à la même époque dans sa version christianisée le Barlaam et Josaphat, histoire fabuleuse de Bouddha, un peu plus tard le Calila et Dina, traduction du Pânchatantra (« les Cinq Livres ») indien. Ces recueils vont, des siècles durant, fournir thèmes et structures à la littérature d’exemple et de chastoiement, inspirer les auteurs de lais, de fabliaux, d’isopets et de fables. L’hypothèse d’une origine arabo-andalouse du lyrisme franco-provençal a été avancée : la ressemblance strophique du zadjal (forme espagnole née au IXe siècle et dérivée des muwashshah arabo-andalous) avec les chansons de Guillaume IX d’Aquitaine et surtout avec le virelai ainsi qu’une certaine concordance thématique mêlant mysticisme et sensualité ont permis au philologue Ramôn Menéndez Pidal de défendre l’idée d’une filiation. Sans prétendre trancher définitivement entre cette thèse et la théorie paraliturgique qu’on lui a opposée, Pierre Le Gentil suppose une éclosion parallèle des deux courants lyriques populaires et leur consolidation mutuelle, sans rejeter pour la poésie savante l’hypothèse d'une influence formelle et thématique hispano-arabe.

 

A l’époque médiévale, l’influence de la littérature espagnole sur la littérature française, sans être négligeable, apparaît donc réduite; en revanche, la France exerce un rayonnement certain sur la péninsule Ibérique. A l’aube du

 

XVIe siècle, le mouvement s'inverse : le prestige de l’empire de Charles Quint rejaillit sur la langue et la littérature espagnoles et favorise leur diffusion à l’étranger. Cette influence va s’affirmer tout au long du xvie siècle pour atteindre son apogée au xviie siècle. On voit naître en France un goût très vif pour la langue, les idées, les modes et les coutumes ibériques, au point qu’on a pu parler d’hispanomanie; parmi les zélateurs de ce culte figure en bonne place Brantôme. 

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« Grammaire espagnole de César Oudin ( 1597) et son Trésor des deux langues espagnole et française (1607); le même Oudin traduira admirablement Cervantès (voir plus loin).

Les grandes œuvres du Siècle d'or sont immédiatement traduites et fréquemment rééditées.

Les écrits religieux aussi : les œuvres complètes de sainte Thérèse d'A vila (15 15-1582) sont traduites en 1601, le Cantique spirituel de saint Jean de la Croix (1542-1591) en 1621, les textes de Luis de Granada (1504-1588), de saint Ignace de Loyola, de Rivadeneira et du jésuite Molina pendant la même période.

Saint François de Sales accuse plus que tout autre l'inJluence des maîtres espagnols; dans son Introduction à la vie dévote ( 1609), i 1 fait de fréquents emprunts à Luis de Granada et à sainte Thérèse.

Les poètes français de la fin du xvt• siècle et du début du xvu• siècle, Philippe Desportes, Mathurin Régnier, Théophile de Viau, Saint-Amant, Voi­ ture, Scarron, connaissent bien la poésie baroque espagnole, dans laquelle ils puisent thèmes et métaphores; l'influence de Luis de G6ngora (1561-1627) transparaît en particulier dans les vers de Théophile de Viau, de Scarron et de Voi­ ture.

Mais c'est sans conteste dans le théâtre et le roman que la présence espagnole se manjfeste le plus fortement.

Dans la première moitié du xvn• siècle, l'influence du théâ­ tre italien se voit progressivement supplantée sur les scènes françaises par celle de la comedia (voir ci-dessous).

Bai/es, entremeses, comedias historiques et d'intrigue fournissent au théâtre français une partie de ses thèmes et la trame dramatique de bon nombre de ses pièces.

Il y a plus : les dramaturges espagnols proposent une esthétique par rapport à laquelle les auteurs français vont devoir définir leurs propres conceptions dramatiques.

Alexandre Hardy contri­ bue de façon décisive à la diffusion de la comedia dans la mesure où il met en place les trois conditions indispensa- · bles à cette diffusion : il suscite la création d'une troupe de comédiens de profession, qui vont peu à peu perfectionner leur art de la déclamation; il amène au théâtre un nouveau public en venant à bout des préjugés des lettrés et des gens de cour; enfin, en faisant applaudir ses tragi-comédies, il donne au théâtre français des traits si proches de ceux des comedias qu'on l'accusera souvent d'avoir copié celles-ci alors qu'il se borne à en puiser la matière dans des nouvel­ les espagnoles -chez Cervantès (1547-1616),_par exem­ ple, pour Cornélie, la Force du sang et la Belle Egyptienne.

Cervantès inspire à Scudéry son Amant libéral ( 1636), à Rotrou ses Deux Pucelles ( 1636).

La comedia est l'objet soit d'emprunts limités, soit d'imitations directes et préci­ ses: la Bague de l'oubli (1628), l'Heureuse Constance ( 1635) sont l'adaptation par Rotrou de pièces de Lope de Vega ( 1562-1635), Jodelet ou le Maître-valet ( 1645), celle, par Scarron, d'une œuvre de Francisco de Rojas (1607- 1648); sur les neuf pièces que Thomas Corneille fait repré­ senter entre 1647 et 1650, huit sont empruntées directement à Francisco de Rojas, à Pedro Calderon de la Barca (1600- 1681) ou à Agustfn Moreto (1620?-1669).

On assiste à une véritable course à l'imitation entre Scudéry, Boisrobert, Quinault, Rotrou, Thomas Corneille, Scarron, Montfleury.

Si elle l'inspire moins abondamment, c'est en Pierre Cor­ neille que la comedia trouve son meilleur défenseur et illustrateur.

A Rouen, sa ville natale, ville fortement hispa­ nisée et grand centre d'édition, Corneille est très tôt au contact de la littérature espagnole.

Son œuvre va en être nourrie en même temps qu'elle va en constituer l'adaptation la mieux maîtrisée et la plus séduisante pour le public français.

Dans l'lllusion comique (1636), il mélange les genres, bouscule les unités et met en scène un Matamore qui doit autant à ses cousins espagnols qu'au Miles glorio­ sus de la comédie latine.

Avec le Cid ( 1636), l'inspiration espagnole acquiert ses lettres de noblesse : Corneille puise le sujet dans les Mocedades del Cid («les Enfanœs du Cid ») de Guillén de Castro ( 1569- 1631) et enrichit la figure historique et légendaire du héros en empruntant au Romancero traditionnel.

Il œntre le drame sur le conflit de l'amour et du devoir, concentre l'intrigue pour obéir aux règles classiques et, renonçant au mélange des genres, opte pour le ton héroïque.

Dans les pièces qui suivent, l'inspira­ tion cesse d'être espagnole mais la conception dramatique continue de témoigner de l'influence de Lope de Vega.

En 1642 et 1643, Corneille fait à nouveau appel très directe­ ment à la comedia pour le Menteur -où il « copie » et « habille à la française », selon ses propres termes, la Ver­ dad sospechosa («la Vérité suspecte») de Juan Ruiz de Alarc6n (1580-16 39), parue en 1628 -et pour la Suite du Menteur, réélaboration moins réussie d'Ama r sin saber a qui en ( « Aimer sans savoir qui » ( 161 0?) de Lope de Vega.

A deux reprises encore, le théâtre de Corneille rejoint la comedia : avec Héraclius (1647), tragédie inspirée ou inspi­ ratrice de En esta vida todo es verdad o mentira («Dans cette vie, tout est vérité ou mensonge») de Calderon, et avec Don Sanche d'Aragon (1649), qu'il déclare «toute d'invention» mais qui doit certainement au Palacio confuso de Lope de Rueda (1500-1565) et à Mira de Ames­ cua ( 1574-1644).

A son tour, enfin, Molière va exploiter la veine comique de la comedia, mais pour s'affranchir très vite de ses modèles.

En contact avec la troupe du Prado, qui suit Marie- Thérèse à Paris en 1660, il complète les leçons de la commedia dell'arte par celles des Espagnols.

Les entremeses et bai/es fournissent leur forme, leur conception du burlesque, leurs thèmes (satire des médecins, pastorale comique, par exemple) à quelques comédies­ ballets et farces.

Les valets et les soubrettes de Molière doivent certainement une part de leur verve crjtique aux graciosos.

Et les intrigues de plusieurs de ses grandes comédies ont leur source dans des œuvres espagnoles.

L'École des maris (1661) doit à El marido hace mujer de Hurtado de Mendoza (1586-1644), et les Fâcheux à un emremés de Calder6n et au «Colloque des chiens >>, l'une des Nouvelles exemplaires (1613) de Cervantès.

L'École des femmes (1662) s'inspire à la fois d'une nouvelle de Marîa de Zayas ( 1590-1661 ), traduite par Scarron, la Pré­ caution inutile, et de deux comédies de Lo�, El mayor imposible et la Dama boba.

La Princesse d'Elide (1664) transpose El Desden con el desden ( « A dédain, dédain et demi>>) de Moreto.

Quant à Dom Juan ou le Festin de pierre (1665), il reprend au Burlador de Sevi/la (> et hypocrite,. »

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