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ÉVOLUTION DE L'OEUVRE DE MAROT

Publié le 28/06/2011

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marot

On avait accoutumé naguère d'étudier en bloc l'œuvre de Marot et de la considérer comme un ensemble uniforme. Pierre Villey, à la suite d'une enquête méthodique sur la chronologie de ses œuvres, fondée sur leur date de publication, puis sur celle de leur composition, a montré qu'il importait, au contraire, d'y marquer des étapes et des moments. Il a justement indiqué qu'il y avait eu une évolution caractéristique dans l'invention et dans l'art du poète : ils sont loin d'être identiques en 1520, en 1532 et en 1542, pour prendre trois dates. Pierre Villey a montré de même que cette évolution s'explique par les influences successives que subit le poète, depuis sa formation première jusqu'à l'heure où il traduisit les Psaumes. Il convient donc, avec lui et d'après lui, de retracer la courbe de cette évolution, aussi caractéristique dans son genre (quoique moins nette) que celle de Rabelais ou de Ronsard, par exemple, et de définir les diverses influences qui peuvent agir sur lui.

marot

« Rhétoriqueur.Mais, dès ses débuts à la cour, il n'est pas sans se rendre compte, précisément, que la mode évolue, que le goût neva plus à des poètes vieillis, compliqués, insignifiants.

A la jeune cour de François Ier où le Roi lui-même, sa mère,ses sœurs, et les dames riment nonchalamment des vers faciles, les allégories héritées du Moyen Age et lesdifficultés de la métrique ne conviennent plus : princes et jolies femmes échangent des poésies qui ne brillent paspar la recherche de la forme, mais disent — au prix même de gaucheries — des sentiments naturels.

La poésien'apparaît plus comme une recherche d'effets soigneusement étudiés et catalogués, mais comme une distractionmondaine, un jeu sentimental, un passe-temps sans autre portée que le jeu de l'esprit.

On sait que Maurice Scèvecherchera des voies plus difficiles et que, dans la Délie, le souci de l'art prime tout autre ; on sait aussi avec quelleviolence la Pléiade s'élèvera contre cette conception dépourvue de grandeur, indifférente à l'esthétique ; il n'enreste pas moins que c'est précisément celle-là qui triomphe dans les épîtres du Roi à ses maîtresses ou à sa sœur,dans les épigrammes de Saint-Gelais, et qui s'affirmera en 1534 dans cette anthologie alors célèbre : Les Fleurs dePoésie françoyse où voisinent avec celles de Marot de courtes et spirituelles pièces signées par Brodeau, Chappuys,ou Marguerite de Navarre, — toute l'école marotique.Il ne fallut pas longtemps à Marot pour comprendre que l'heure de la Rhétorique était passée, qu'à un publicnouveau il fallait une poésie nouvelle.

A la complication on préférera le naturel; aux jeux du rythme et de la rime unephrase directe et rapide ; aux compliments ampoulés des flatteries sans recherche; au pédantisme l'esprit; à l'amourallégoriquement exprimé des galanteries claires et précises (même si elles se nuancent déjà d'un certainpétrarquisme) ; on substituera aux longs poèmes interminables et obscurs des pièces courtes et brillantes, à lapoésie de Crétin construite selon les règles savantes du Moyen Age le brio élégant, la distinction raffinée de lapoésie italienne telle que la découvraient les vainqueurs de Marignan, et d'abord, avec Pétrarque, celle desstrambottistes, Cariteo, Tebaldeo, Serafino dell' Aquila qu'imitait résolument Saint-Gelais.De là une première étape dans l'œuvre de Marot.

L'évolution est lente ; elle.

durera des années ; mais elle sedessine dès 1520.

Marot ne reniera jamais les maîtres de sa jeunesse, mais, lentement, il cessera de les imiter.

Illeur gardera jusqu'à la fin son admiration : il ne les prendra plus pour modèles. Soulignons d'abord ce qui subsiste de ces premières habitudes, et ce qui en disparaît.

Marot use de moins en moinsdes genres à forme fixe chers à ses patrons.

Tous ses chants royaux sont antérieurs à 1530 — mais il en composeencore vers 1530.

Ses quinze ballades ont, toutes, été composées avant 1532 et, probablement, avant 1527 : lesdeux dernières qu'il ait écrites sont le Chant de joie que lui dicte en 1530 le retour des fils du Roi, et, peut- être, en1534, un chant pastoral dédié au cardinal de Lorraine ; ces deux pièces figurent non dans le groupe des Ballades,mais dans celui des Chants divers : peut- être y a-t-il là une indication ? Sur les 65 rondeaux qu'il a reconnuscomme siens, 56 sont antérieurs à 1527 ; il semble, après 1532, n'en avoir plus rédigé qu'un seul : le rondeau enl'honneur de Charles-Quint.Le manuscrit de ses œuvres inédites qu'il offre en 1538 au connétable de Montmorency ne contient ni chant royal,ni ballade ; on n'y relève qu'un seul rondeau ; en revanche Marot y fait une large place aux épîtres et aux élégies,plus encore aux épigrammes : il en contient 118.De ceci découle une première constatation : au cours des dix ou quinze années qui suivent son entrée à la cour, de1517 à 1527 ou 1532, Marot use de moins en moins des poèmes à forme fixe ; il a compris que leurs règles tropstrictes ne pouvaient que gêner ses qualités naturelles, qu'elles interdisaient à sa verve de s'exercer pleinement, àson esprit de se donner libre cours.Il adopte en revanche le genre de l'épître et celui de l'élégie, — celle-ci n'étant au fond qu'une épître amoureuse : ila eu tôt fait de sentir qu'il y avait là une forme qui correspondait à 3a nature.

Aussi bien de l'épître allégorique, ouéquivoquée, ou descriptive qu'il avait reçue de ses maîtres fait-il très vite et très habilement une épître personnelleoù son art de flatter, son art de conter surtout pouvaient se déployer librement.

Il n'a guère écrit qu'une dizained'épîtres de 1515 à 1524 ; il en compose près de 50 (si l'on groupe les élégies avec les épîtres) après 1525.S'il ne renonce pas à la traduction, il choisit désormais ses modèles avec plus de goût et ne s'arrête plus à traduiren'importe quoi.

Il s'attaque aux Métamorphoses, aux épigrammes de Martial ; il transpose deux dialogues d'Erasme ;il abordera les Psaumes en 1530.

Il a précisé sa connaissance du latin et il apporte dans ses versions un souci plusgrand de l'exactitude.

C'est qu'à partir de 1525 environ il ne peut plus rester étranger au grand mouvementhumaniste qui se manifeste en France : il applaudit en 1530 à la création de la « trilingue et noble Académie », — lefutur Collège de France ; il est ami de ces savants illustres qui se nomment Budé, Dolet, Rabelais, Boyssonné, et deces chevaliers de l'hexamètre que sont les poètes néo-latins.

Sans doute il subsistera dans son œuvre, exactementjusqu'à ses derniers poèmes, plus d'un genre hérité du Moyen âge, plus d'un procédé qu'il apprit de Crétin ou deMeschinot.

C'est ainsi qu'il reste fidèle, à l'heure même où il s'ouvre à l'Humanisme, à l'esprit des sotties en rimantdes Epîtres du Coq à l'Ane (les meilleurs de celles-ci, qu'il écrivit en Italie, furent composées en 1535-1536, et si lesvers publiés par le pasteur Chavannes et par Mlle Droz sont bien de lui, il en composait encore en 1542-1543) ;c'est ainsi qu'il usa de la rime léonine dans l'épître au roi pour être délivré en 1527, de la rime équivoquée dansl'épître au cardinal Duprat en 1528, du calembour, et du pire ! dans l'églogue sur la mort de Louise de Savoie en1531 ; et la Complaincte du Général Preudhomme, écrite en 1543, est un songe, une vision comme le Temple deCupido ou l'Epître du Des- pourveu.

Marot finit comme il a commencé.

Simple accident ? Non, semble-t-il, maispersistance et survivance d'une formation première qui l'avait inéluctablement marqué.Cependant à l'influence de la cour se superposent, vers 1530 et surtout pendant l'exil, d'autres influences.

Celle, onle répète, des Humanistes ; celle, un peu plus tard, des Italiens.Marot, en effet, sous l'influence des premiers et pour suivre la mode, a utilisé les Latins plus qu'on ne le croitd'habitude.

Il ne s'est pas borné à traduire les Métamorphoses.

Il a lu, sans doute vers 1530, et avec l'expé-rience. »

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