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Explication de texte: Montaigne, essai III, p. 131-143 (folio classique)

Publié le 03/09/2012

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montaigne

( On touche ici au devoir impérieux auquel Montaigne s’est astreint : la connaissance de soi, ici le moi de Montaigne se cache sous les traits du pronom « qui « pour suggérer aux hommes que cette recherche bien que singulière et unique doit être poursuivie par tous. Un glissement s’opère entre « ce qui est « (ligne 15) et qui concernait les circonstances extérieures à « ce qui est « qui désigne l’intériorité de la conscience. Il continue et précise le fil de sa pensée qui est en fait une synthèse du projet poursuivi dans les Essais : « Et qui se connaît, ne prend plus l’étranger fait pour le sien : s’aime et se cultive avant tout autre chose : refuse les occupations superflues et les pensées et propositions inutiles « ( on reconnaît Montaigne qui dit son fait sous les traits de « qui « car lui aussi a placé au-dessus de tout la connaissance de soi par le commerce des livres. Il entend se cultiver pour converser au mieux avec soi ; il essaie autant que possible de fuir les occupations vaines dans son édifice personnel réservé au travail. Le but de Montaigne est de fuir la vanité et la frivolité du monde. La phrase se déplie et dévoile les détails de cette singularité : cela ouvre sur le chapitre IV qui traite des passions, ces vains objets de l’esprit. ● Ce mouvement s’achève, comme le précédent, par une citation latine que Montaigne a par la suite traduit et qui apparaît dans l’édition de 1595, illustrant parfaitement son propos : la sagesse consiste à « ne se dépla[ire] jamais de soi «. Il achève en évoquant Epicure « Epicurus «, préférant à la fin de cette partie, le Jardin au Portique.

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« l'homme à se départir de la crainte de la mort puisque la mort n'est rien.

Il y a donc une allusion au carpe diem d'Horace pour « se rasseoir » en nous-mêmes et unécho au memento mori qui n'a de cesse de rappeler aux hommes leur condition d'êtres mortels. ● La phrase latine – Calamitosus est animus futuri anxius , « Malheureux est l'esprit obsédé par l'avenir » qui clôt le premier mouvement – vient illustrer le proposde Montaigne.

C'est un fait : la projection dans l'avenir empêche l'être d'être serein et de se fixer.

L'auteur de cette citation décontextualisée – Sénèque – n'est pasdonné : c'est moins un argument d'autorité – la phrase n'étant ni traduite ni explicitée – qu'une illustration de son propos.

Sénèque inspire les réflexions de Montaigneet il avoue même le piller très régulièrement ; mais là, il ne précise pas sa source, il est très libre sur ce plan de façon, entre autres, à ne pas passer pour un érudit et àne pas imposer un point de vue. Si l'âme est préoccupée par l'avenir, elle se trouve dans une impasse et il lui faut trouver le moyen d'avoir prise sur le présent et de retrouver son unité.

PourMontaigne l'unité ne s'acquiert que par la connaissance de soi. ► Deuxième mouvement du texte : de la nécessité de se connaître (lignes 17 à 27) pour avoir une prise sur sa vie● « Fais ton fait et te connais » ouvre le deuxième mouvement du texte, ce conseil à l'impératif, attribué à Platon dans le Timée, est qualifié dès l'ouverture de laphrase de « grand précepte », ce qui suggère que Montaigne adhère à cette idée qui rappelle le « connais-toi toi-même », emprunté à l'inscription gravée au fronton dutemple d'Apollon à Delphes, puis repris par Socrate.( La connaissance ou l'observation de notre nature, de ce que nous sommes, nous rend libres et capables de nous suffire à nous-mêmes.● La citation est cette fois-ci le point de départ de la réflexion, elle lance la problématique chère à Montaigne : la connaissance de soi.

Cette phrase, « Fais ton fait ette connais », est analysée scrupuleusement et expliquée par Montaigne dans le style même de sa phrase – contrairement à la citation précédente qui avait une valeurd'illustration, de constat.« Chacun de ses deux membres enveloppe généralement tout notre devoir : et semblablement enveloppe son compagnon »Montaigne recourt à un procédé latin fréquent : l'usage du distributif « chacun de ses deux… ».

De part et d'autre des deux points, Montaigne montre que les deuxmembres « fai[re] [[s]on fait » et « [s]e conn[aître] » sont à la fois un tout qui « enveloppe » – le verbe est répété deux fois – et une partie inséparable de « notredevoir » en tant qu'homme, être pensant.

Le possessif ressurgit ici englobant l'auteur.

La métaphore du corps en tant que partie « membres » et ensemble« compagnon » est caractéristique du style de Montaigne qui aime faire usage des images.Montaigne utilise un vocable simple avec la répétition du verbe « faire » ou du substantif « fait » afin d' être le plus clair possible pour son lecteur : « qui aurait à faireson fait » ( Montaigne affine, précise la pensée platonicienne en la reprenant et en l'allongeant pour la faire sienne et glisser vers son grand projet.

Montaigne estfavorable à l'action (cf.

chapitre 20) malgré une certaine nonchalance de sa part.

Le propos de Montaigne est clair, le style n'est ni ampoulé ni coquet.

Il ne donne pasde leçon au lecteur préférant recourir à l'indéfini, au généralisant « qui » équivalent moderne de « celui qui » et au conditionnel « qui aurait … verrait ».

On al'impression ici de voir poindre un aphorisme voire un proverbe déguisé néanmoins par l'emploi de l'irréel.Montaigne n'impose pas une pensée de prime abord mais achève tout de même cette idée-force par l'usage du présent et l'omniprésence du verbe « être » :« sa première leçon c'est connaître ce qu'il est et ce qui lui est propre » : on remarque à nouveau la présence d'un autre rythme binaire dont la structure est similaireaux lignes 14-15.

Montaigne ne fait pas la leçon à ses lecteurs mais il met en mots le récit de sa propre expérience, c'est son devoir qui s'écrit ici.

D'ailleurs avec lerythme binaire « ce qui est et ce qui lui est propre », on passe de l'expérience humaine générale à la particularité de tout un chacun.

Montaigne n'impose pas le cheminmais invite chacun à cheminer en soi.

Ces deux choses sont liées comme les « membres » de la phrase platonicienne.( On touche ici au devoir impérieux auquel Montaigne s'est astreint : la connaissance de soi, ici le moi de Montaigne se cache sous les traits du pronom « qui » poursuggérer aux hommes que cette recherche bien que singulière et unique doit être poursuivie par tous.Un glissement s'opère entre « ce qui est » (ligne 15) et qui concernait les circonstances extérieures à « ce qui est » qui désigne l'intériorité de la conscience.

Ilcontinue et précise le fil de sa pensée qui est en fait une synthèse du projet poursuivi dans les Essais : « Et qui se connaît, ne prend plus l'étranger fait pour le sien :s'aime et se cultive avant tout autre chose : refuse les occupations superflues et les pensées et propositions inutiles » ( on reconnaît Montaigne qui dit son fait sous lestraits de « qui » car lui aussi a placé au-dessus de tout la connaissance de soi par le commerce des livres.

Il entend se cultiver pour converser au mieux avec soi ; ilessaie autant que possible de fuir les occupations vaines dans son édifice personnel réservé au travail.Le but de Montaigne est de fuir la vanité et la frivolité du monde.

La phrase se déplie et dévoile les détails de cette singularité : cela ouvre sur le chapitre IV qui traitedes passions, ces vains objets de l'esprit. ● Ce mouvement s'achève, comme le précédent, par une citation latine que Montaigne a par la suite traduit et qui apparaît dans l'édition de 1595, illustrantparfaitement son propos : la sagesse consiste à « ne se dépla[ire] jamais de soi ».

Il achève en évoquant Epicure « Epicurus », préférant à la fin de cette partie, leJardin au Portique. Montaigne nous a donc montré, dans ce second temps, une manière de compromis pour la conscience consistant à se connaître et à ne pas être mécontent de soi touten songeant à l'avenir et au terme de la vie.

C'est donc tout naturellement que Montaigne engage la réflexion sur le destin des hommes après la vie. ► Troisième mouvement : le destin et la nécessaire évaluation de la réputation des hommes, et en particulier des princes, après leur mort Montaigne aborde enfin le destin des souverains car la fin d'un règne appelle un bilan et une évaluation populaire des actions.● Le nom « loi » qui désigne ici une loi civile (et non de nature) met au jour un sujet sensible pour Montaigne, lui qui trouve absurde la trop grande diversité des loiset leur précarité.

La diversité des lois est contenue dans la préposition « entre », néanmoins une loi « celle…qui » sur les « trépassés » lui paraît sortir du lot et êtreintéressante : « celle ici me semble autant solide, qui oblige les actions des Princes à être examinées après leur mort » ( les hommes publics – et donc lui y compris,vu la charge de maire de Bordeaux qu'il a occupée – ont des comptes à rendre au peuple. Le thème du rapport de la conscience au temps se poursuit mais prend un tour politique dans ce dernier mouvement.

Le terme « compagnon » est réemployé à desseinde souligner le rapport intime entretenu entre les princes « maîtres des lois » de leur vivant et la Justice à laquelle ils doivent se soumettre quand ils sont morts.Vivants, les souverains sont au-dessus des lois mais une fois morts, ils ne peuvent se dérober à une estimation de leurs actions.Les deux points (l.

31) précise la pensée de Montaigne encore une fois, la Justice, instance suprême, est nantie d'une majuscule : la mémoire des princes ne peut doncy échapper. « Ce que la Justice n'a pu sur leurs têtes, c'est raison qu'elle l'ait sur leur réputation, et biens de leurs successeurs : Choses que souvent nous préférons à la vie » Le terme « réputation » est plus abstrait que celui de « têtes », l'homme s'attache à la réputation posthume plus qu'à la vie même.

La loi qui occupe la pensée deMontaigne avantage les souverains honorables qui seront distingués des mauvais, et offre des « Commodités singulières » / « à tous bons princes » : Les « bonsprinces » ne sont ainsi pas confondus avec les « méchants », Montaigne illustrera dans la suite ce point en évoquant le cas de ceux qui ont évalué la conduite duterrible Néron. « Nous devons » poursuit la thématique du devoir, mais cette fois le devoir individuel doit céder la place au devoir collectif.

Les rythmes binaires « la sujétion etl'obéissance » d'une part et « l'estimation » et « l'affection » d'autre part opposent le devoir du peuple du vivant du souverain et le devoir du peuple une fois lesouverain disparu et remplacé.

Notre devoir, qui est également notre liberté, nous amène ainsi à juger uniquement selon la vertu.

Mot capital sous la plume deMontaigne, mis en valeur par le restrictif « ne…que » et la place en fin de phrase : « nous ne la devons qu'à leur vertu ».

Le mot « vertu » est capital sous la plume deMontaigne, c'est l'un des mots les plus employés dans les Essais. La vertu des princes doit être évaluée dans la durée.L'impératif contenu dans la formule : « Donnons à l'ordre politique… » est suivi du rythme ternaire développant le devoir du peuple qui va jusqu'à « celer le[s]. »

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