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Explication linéaire chanson III de Marot in L'Adolescence clémentine

Publié le 17/01/2022

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Si le terme générique de « chanson « pouvait au XVIe siècle désigner de manière assez générale toute forme vocale profane, la chanson polyphonique fut, spécifiquement, l'un des genres musicaux profanes les plus emblématiques de la Renaissance française. La chanson consistait à revêtir d'un contrepoint savant, le plus souvent à 4 ou 5 voix mais parfois davantage, les poésies les plus éloquentes des meilleurs poètes du temps, tels que Clément Marot (1496-1544), Mellin de Saint-Gelais (1491-1558), Amadis Jamyn (1540-1593), Philippe Desportes (1546-1606)… Comme le dit Frank Lestringant dans sa préface, l' « oralité (…) éclate enfin dans la polyphonie de chansons à rime annesées ou couronnées, appelant l'accompagnement du luth et l'entrelacs choral «. De fait, Clément Janequin a mis en musique de nombreux poèmes, parmi lesquels quelques textes de Marot. C'est en effet par une voix, « l'élégant badinage « selon Boileau, qui caractise en premier lieu l'Adolescence clémentine publiée en 1532. Clément Marot, poète de cours au service de Marguerite de Navarre, y reprend la tradition des Grands Rhétoriqueurs comme on peut le constater dans la troisième des chansons du recueil, qui, elle, a été mise en musique par Claudin de Sermisy en dès 1532. La chanson est en effet une forme strophique d'une grande variété de dessins comme le dit F.L., qui permet toutes sortes de jeux rimiques. Marot semble ici exploiter le thème assez traditionnel de l'amour courtois, mais, au fil des strophes, la situation amoureuse se dégrade et c'est finalement la voix du poète lui-même qui s'affirme progressivement.

« Pour commencer, la première strophe est construite sur un système de rimes annexées, et expose la situationinitiale de l'histoire racontée par le poète: l'histoire d'une "amourette" légère qui transporte l'auteur et l'inspire.

Ellecommence par une prière adressée à Dieu, à savoir qu'il protège la maîtresse du sujet lyrique : on se situe ici dansce qui s'apparente à la tradition courtoise.

Les termes de « Maîtresse » et « Régente » caractérisent la dame duchevalier servant que serait le poète.

On peut remarquer que ces deux termes, qui disent d'une part l'emprise decette Dame, sont d'autre part soulignés par l'emploi d'une majuscule, à l'instar du terme « Dieu ».

Il y aurait doncpeut-être une idéalisation de la femme aimée qui deviendrait ici presque une entité abstraite (et peut-être ici, sesur-imprimant à la tradition courtoise, des réminiscences d'idéalisme néo-platonicien).

Pour aller dans ce sens del'idéalisation d'une dame parfaite, on pourrait peut-être également se rappeler que le terme de « régente » auMoyen-âge est utilisé pour désigner la Vierge Marie, ce qui pourrait aussi expliquer la majuscule.

« gard » souligne ledésir qu'a le sujet lyrique d'une pérennité de la situation qu'il vit, le subjonctif présent a ici une valeur de souhaitdans une expression figée.

Il ouvre un horizon de lecture pour le reste du poème clairement situé dans l'optiqued'une prière.

La rime annexée permet de lier les deux vers en créant une sorte d'impression de stabilité et deconfiance envers l'avenir, en tendant à effacer la coupure du vers.

Ce système de rime tend à établir un lien entreles deux vers du point de vue du sens.

Ainsi, la description idéale de la femme aimée se poursuit au vers 2.

En effetla femme aimée y est dépeinte comme « gente de corps et de façon », ie plaisante physiquement et dans soncomportement.

Ce qui explique la soumission du poète envers elle aussi bien que envers Dieu.

Ainsi, au vers 3 lecœur du poète est objet et d'une manière générale dans le poème, le je du poète est le plus souvent passif.

Danscette strophe qui semble presque dresser un constat des relations du sujet lyrique et de la femme aimée, le vers 3est le premier qui introduit un sème plus négatif, laissant peut-être présager de la suite du poème.

En effet, « tente» peut désigner des rets, des filets de chasse.

On aurait donc ici affaire à une métaphore assez classique despièges de l'amour, et si le poète est en position de proie, on pourrait se poser des question sur la perfection decette femme aimée.

Peut-être cet élément va-t-il introduire un contre-point dans le poème.

Le piège semble parailleurs enfermer le poète comme le mime la rime annexée « tente/tant et plus ».

Aussi, à la voix du poète soumis àsa dame se superposerait peut-être celle, corrective, du poète en train de chanter.

Alors, le sujet envisage sachanson en elle-même.

Alors le locuteur ne s'envisage plus comme homme amoureux mais bien comme poète.

Ainsi levocabulaire musical (oyer, chanson, voix, harpes) pourrait constituer une référence non plus à l'amour, mais auchant de l'amour lui-même.

Peut-être pourrait-on même parler, comme on parle de théâtre dans le théâtre, de"poésie dans la poésie" ou même de "chanson dans la chanson" puisque le poète fait explicitement allusion à sonacte créateur: "s'on m'oyt pousser sur ma chanson" (v 5).

Il semblerait donc que le poète raconte une histoire nonfictive, dans laquelle il est le poète qu'il est dans la réalité.

Pour autant, comme on l'a vu en cours, cela ne veut pasdire que Marot est sincère, même s'il fait référence à sa condition de poète.

La présence d'éléments de référence àla musique rappelle la forme du poème qui doit être chanté,en créant une harmonie agréable dans la premièrestrophe."Chanson", "Son de voix" et "harpes doulcettes" accompagnent ainsi un poème d'"Espoir" et produisent uneimpression de simultanéité entre le texte et la musique.

Cette impression de l'instant est aussi suggérée parl'utilisation du présent qui donne vie au texte et transmet l'état euphorique du poète au lecteur.

Ses sentimentssemblent naître en même temps que ses premiers vers et la musique qui les accompagne.

On a parfois ici l'impressionde renouer avec une tradition courtoise, comme on peut le voir dans la chanson de G.

D'Aquitaine, « A la douceurdu temps nouveau », qui célèbre la femme aimée et l'amour à travers la célébration du pintemps, du renouveau.

Ici,il y a moins référence au printemps qu'à un renouveau, mais l'espoir qui y est placé, qui fait même l'objet d'uneprière permet en quelque sorte de justifier le chant et donc l'amour.

Hormis quelques éléments qu'on a évoqués,l'atmosphère est ici confiante, « sans marrisson » ce qui laisse le poète vagabonder et faire sa chanson.

Néanmoins,le dernier vers semble poursuivre l'établissement d'un contre-point dans le poème : en effet, d'une part «amourettes »v8 est au pluriel, loin d'un idéalisme courtois ou néo-platonicien, et le terme même d'amourette désignedes sentiments légers et passagers, le dernier terme de la strophe semble donc vivement contraster d'avec lesouhait à valeur presque intemporelle du premier vers. Cette première strophe serait donc plutôt le constat des relations entre le poète et la femme aimée.

Cependant, ausein d'un discours très positif, où la métrique elle-même produit une impression de stabilité, de cycle appelé à serenouvelé perpétuellement, quelques éléments nous invite à une certaine réserve quant à la suite qui n'est pasnécessairement celle qu'on attend. 2ème strophe : La deuxième strophe utilise des rimes couronnées, encore un héritage de la pratique des Grands Rhétoriqueurs, etprésente une évolution de « l'histoire » d'amour que nous raconterait le poème.

Pourtant, le v9, premier vers decette strophe donc, semble poursuivre dans cette idéalisation.

« colombelle » est un terme qui s'utilise pour parlerd'une belle jeune femme, et « blanche » antéposé ainsi que « belle » qui redouble la rime, insistent énergiquementsur ce caractère idéal.

Néanmoins au caractère intemporel, plein d'espoir de la première strophe succède un présentitératif comme le souligne « souvent », qui pourrait déjà signifier une perte de confiance du poète en cet amour.

Deplus la rime couronnée lie étroitement les deux derniers mots du vers ce qui tend à confondre leurs sens : ainsi «priant » qui fait peut-être référence à la première strophe se trouve étroitement associé à « criant » ce qui introduitune nuance de désespoir dans la voix jusqu'alors confiante du poète.

On aurait presque une polyphonie à l'intérieurmême du poème qui rappellerait les chansons polyphoniques souvent chantées alors.

La conjonction de coordination. »

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