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Extrait du chapitre XVIII [L'utopie d'Eldorado]

Publié le 22/05/2015

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Extrait du chapitre XVIII

[L'utopie d'Eldorado]

Vingt belles filles de la garde reçurent Candide et Cacambo à la descente du carrosse, les conduisirent aux bains, les vêtirent de robes d'un tissu de duvet de colibri ; après quoi les grands officiers et les grandes

5 officières de la couronne les menèrent à l'apparte¬ment de Sa Majesté au milieu de deux files, chacune de mille musiciens, selon l'usage ordinaire. Quand ils approchèrent de la salle du trône, Cacambo demanda à un grand officier comment il fallait s'y

10 prendre pour saluer Sa Majesté : si on se jetait à genoux ou ventre à terre ; si on mettait les mains sur la tête ou sur le derrière ; si on léchait la poussière de la salle ; en un mot, quelle était la cérémonie. « L'usage, dit le grand officier, est d'embrasser le roi

15 et de le baiser des deux côtés. « Candide et Cacambo sautèrent au cou de Sa Majesté, qui les reçut avec toute la grâce imaginable, et qui les pria poliment à souper.

En attendant, on leur fit voir la ville, les édifices

20 publics élevés jusqu'aux nues, les marchés ornés de mille colonnes, les fontaines d'eau pure, les fontaines d'eau rose, celles de liqueurs de canne de sucre, qui coulaient continuellement dans de grandes places, pavées d'une espèce de pierreries qui répandaient

25 une odeur semblable à celle du girofle et de la cannelle. Candide demanda à voir la cour de justice, le parlement ; on lui dit qu'il n'y en avait point, et qu'on ne plaidait jamais. Il s'informa s'il y avait des prisons, et on lui dit que non. Ce qui le surprit

30 davantage, et qui lui fit le plus de plaisir, ce fut le palais des sciences, dans lequel il vit une galerie de deux mille pas, toute pleine d'instruments de mathé¬matique et de physique.

Après avoir parcouru, toute l'après-dînée, à peu 35 près la millième partie de la ville, on les ramena chez

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le roi. Candide se mit à table entre Sa Majesté, son valet Cacambo et plusieurs dames. Jamais on ne fit meilleure chère, et jamais on n'eut plus d'esprit à souper qu'en eut Sa Majesté. Cacambo expliquait les

40 bons mots du roi à Candide, et quoique traduits, ils paraissaient toujours des bons mots. De tout ce qui étonnait Candide, ce n'était pas ce qui l'étonna le moins.

empressement enfantin, introduit un écart comique et prouve que les personnages n'ont pas de recul pour juger objectivement de la manière dont les convenances doi­vent être respectées. Enfin, le regard de Candide sur la société d'Eldorado n'a aucune valeur critique : il met tout sur le même plan. A propos des «bons mots du roi «, Voltaire écrit : «De tout ce qui étonnait Candide, ce n'était pas ce qui l'étonna le moins« (1. 41-43). Cela revient à dire que Candide ne fait pas de différence entre «les bons mots du roi« et les institutions politiques ou «le palais des sciences« (1. 31).

Les voyageurs ne perçoivent donc pas à sa juste valeur le sens de ce qu'ils découvrent : ils n'en ont qu'une vue superficielle et candide. Mais comme dans le reste du roman, cette candeur a un rôle de révélateur : elle a pour fonction de bien mettre en valeur le monde qu'ils visitent et d'inviter le lecteur à percevoir le contenu philoso­phique du texte. A cet égard, il faut noter que Cacambo perd ici curieusement son ingéniosité habituelle, pour devenir un simple double de Candide : c'est lui qui fait preuve de naïveté sur la manière de saluer le roi (1. 10). Ce dédoublement prouve en fait l'importance que Voltaire assigne dans ce texte à la fonction critique de la candeur. Il nous engage en effet, au-delà du merveilleux, à lire dans le récit d'Eldorado la description d'une utopie.

[ La description d'une utopie]

L'étude de la structure du passage nous renseigne sur son sens. Cette structure est chronologique : la visite s'étend sur la durée d'une « après-dînée « [au dix-huitième siècle, 

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