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Facteurs de l'évolution

Publié le 23/03/2018

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Facteurs de l'évolution

L'évolution du genre romanesque est touffue et diverse; les ressorts profonds n'en sont pas littéraires, et parmi les influences littéraires, beaucoup viennent de genres autres que le roman, de la poésie antique, du théâtre, de l'opéra, des mémoires réels, des correspondances. Nous avons indiqué plus haut deux traits qui émergent de l'ensemble : l'opposition entre le roman # romanesque . et le roman # réaliste ., et la prédominance finale d'un réalisme romanesque. Il en est d'autres : le rôle de quelques grandes oeuvres qui font époque; l'importance des emprunts à l'étranger; l'existence d'un niveau moyen de la littérature romanesque, variable selon les périodes ; l'insuffisance de la pensée critique et le mépris a été tenu le roman.

1.  Une grande œuvre fournit des thèmes, des situations, des caractères, une technique aux romanciers à la suite pendant une ou plusieurs générations. Au Moyen Age, Chrétien de Troyes (xne siècle) a puisé dans un fonds romanesque et légendaire qui existait bien avant lui, mais c'est ensuite à son exemple et selon ses leçons que ce fonds sera exploité ou enrichi; L' Astrée (1607-1627), au début du èe siècle, propose des aventures romanesques et des études psychologiques dont le souvenir ne sera pas encore perdu en plein XVIIIe siècle; La Princesse de Clèves (1678), chef-d'œuvre qui couronne les recherches, commencées par Segrais, d'une nouvelle française moderne, continuera d'inspirer les romanciers analystes de l'âme humaine jusqu'à Madame de Tencin et, plus tard encore, jusqu'à Rousseau; Les Aventures de Télémaque (1699) sont la source non seulement des nombreux romans didactiques qui s'échelonnent à travers le XVIIIe siècle, depuis ceux de Ramsay et de l'abbé Terrasson jusqu'au Voyage du jeune Anacharsis de l'abbé Barthélemy (1788), mais, au moins partiellement, des Mémoires et Aven­tures d'un Homme de Qualité de Prévost (1728), de Zadig (1748), et de Rousseau encore; La Nouvelle Héloïse de ce dernier (1761) sera à son tour le grand modèle pour quelques dizaines de romanciers jusqu'à la Révolution et au-delà.

2.  Plusieurs œuvres étrangères ont joué le même rôle initiateur: Le Décaméron de Boccace, lui-même héritier des fabliaux français, permet le renouvellement au xvie siècle du conte traditionnel qui, surtout chez Marguerite de Navarre,


devient observateur plus exact des mœurs et analyste plus profond des passions; la postérité innombrable du Don Quichotte, traduit dès 1614 et 1618, comprend presque tous les romans parodiques ou comiques publiés jusqu'au milieu du xvme siècle; les romanciers anglais, Fielding, Sterne, mais d'abord et surtout Richardson précipitent l'évolution, commencée au début du xvme siècle, du roman français vers le réalisme sérieux. Plus qu'aucun autre genre, le genre roma­nesque est international.

« devient observateur plus exact des mœurs et analyste plus profond des passions; la postérité innombrable du Don Quichotte, traduit dès 1614 et 1618, comprend presque tous les romans parodiques ou comiques publiés jusqu'au milieu du xvme siècle; les romanciers anglais, Fielding, Sterne, mais d'abord et surtout Richardson précipitent l'évolution, commencée au début du xvme siècle, du roman français vers le réalisme sérieux.

Plus qu'aucun autre genre, le genre roma­ nesque est international.

3· Ce rôle des grandes œuvres et cette importance des emprunts et des échanges s'expliquent par le fait déjà plusieurs fois allégué que le roman est le dernier-né des genres littéraires et surtout le plus indépendant : ce genre informel, où une œuvre n'est réussie que si elle a créé sa propre forme, devrait être celui où l'imitation servile fût le plus inutile et le plus méprisable; mais en fait, s'il laisse une libre carrière à l'initiative du génie créateur, il interdit aussi l'imitation absolument formelle.

Quand on considère la production moyenne, et non les sommets, on a à la fois l'impression de lire, au cours d'une époque donnée, à peu près toujours le même roman, et le sentiment de découvrir pourtant dans l'œuvre la plus banale quelque chose qui méritait d'être dit, et que seul le roman permettait de dire -tant il est impossible d'écrire un roman sans y mettre si peu que ce soit de ce que l'on a personnellement observé, ou vécu, ou senti.

C'est le genre où la médiocrité abonde le plus, et où aucune œuvre n'est totalement nulle.

On peut donc prendre en considération le niveau moyen du roman, alors que, semble-t-il, un poème lyrique ou une tragédie n'ont d'intérêt que dans l'excellence 1• Mais il suft de rappeler tout ce que nous avons déjà dit sur la nature du genre roma­ nesque pour comprendre qu'une élévation progressive et continue du niveau moyen est inconcevable; il serait en revanche passionnant de définir le niveau moyen selon les différentes époques et les différentes > romanesques, et d'expliquer les écarts qui séparent ces niveaux : car, en ne parlant toujours que des œuvres moyennes, on ne trouvera pas la même valeur à un recueil de nouvelles de 1580, à un roman héroïque de 1640, à un roman psycho­ logique de 1670, à un roman de mœurs de 1740, à un roman sensible de 1780, et la ligne des « niveaux >>, parfois sinusoïdale, n'aura finalement aucune figure régulière.

Il en va des « espèces » romanesques comme des chefs-d'œuvre, elles se suivent sans se ressembler, sans se surpasser, et même, ce qui n'est pas vrai des chefs-d'œuvre, sans s'équivaloir.

Mais pour ne pas en rester sur ce sujet à des vues subjectives et à des jugements hasardeux, il faudrait de longues et minu­ tieuses études sur l'esprit des époques, sur les rapports de la vie et de la culture, sur le goût, sur la formation des « espèces » romanesques, sur les éléments de la technique et sur leur évolution, et surtout sur l'infra-littérature, encore .presque totalement inconnue.

4· Peut-être parce qu'il était sans lettres de noblesse, peut-être parce qu'il n'existait pas de critères formels permettant de mesurer la part de la naïveté et de la lucidité, de la vérité et de la fiction dans le roman, ce genre n'a pas reçu de la critique la justice qu'il méritait.

Dogmatique, formaliste, normative, classi- I.

Il en va autrement de la comédie et du drame, qui impliquent un certain réalisme.. »

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