« Familiale » Paroles (1946) PRÉVERT
Publié le 14/03/2020
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Dans les poèmes de Paroles, Jacques Prévert rapporte des scènes inspirées du quotidien banal ou insolite. Avec tendresse ou ironie, sarcasme ou émotion, il conduit son lecteur à tourner vers le monde un regard différent, pour saisir avec une naïveté étonnée une réalité que masquent l'habitude ou l'indifférence.
La mère fait du tricot
Le fils fait la guerre
Elle trouve ça tout naturel, la mère
Et le père, qu’est-ce qu’il fait le père ?
5 II fait des affaires
Sa femme fait du tricot
Son fils la guerre
Lui des affaires
Il trouve ça tout naturel le père 10 Et le fils et le fils
Qu’est-ce qu’il trouve le fils ?
Il ne trouve absolument rien le fils
Le fils sa mère fait du tricot son père des affaires lui la guerre
Quand il aura fini la guerre
15 II fera des affaires avec son père
La guerre continue la mère continue elle tricote
Le père continue il fait des affaires
Le fils est tué il ne continue plus
Le père et la mère vont au cimetière
20 Ils trouvent ça naturel le père et la mère
La vie continue la vie avec le tricot la guerre les affaires
Les affaires la guerre le tricot la guerre
Les affaires les affaires et les affaires
La vie avec le cimetière.
L'emploi presque constant du présent ne permet pas de situer le texte dans une temporalité précise. La valeur du présent ici peut d'abord laisser penser qu'il s'agit d'une scène immédiate, d'actualité (premiers vers). La répétition des mêmes verbes souligne qu'il s'agit plutôt d'un présent d'habitude, de durée et de généralité.
«
AXES DE LECTURE MÉTHODIQUE ·
INTRODUCTION
Écrit en vers libres, le poème intitulé « Familiale » évoque
avec une monotonie répétitive
la situation de trois person
nages constituant une famille :
le père, la mère et le fils.
La
simplicité des occupations et des gestes, le choix d'un voca
bulaire très proche
de la langue pàrlée familière concourent
à créer une impression de grande banalité.
Seule « anoma
lie
» du tableau, la présence latente de la guerre, si intégrée
pourtant
à l'ensemble qu'on la remarque à peine.
N'est-ce
pas une façon d'en critiquer la banalisation? Les caractères
particuliers de ce poème peuvent orienter
sa lecture métho
dique vers les axes suivants :
-
la monotonie d'une scène familiale,
-
la guerre intégrée et banalisée,
-
la dénonciation du conformisme.
1.
LA MONOTONIE
D'UNE SCÈNE FAMILIALE
La lecture du texte laisse le lecteur sur l'impression d'une
grande monotonie.
Celle-ci provient d'une structure répéti
tive, des temps des verbes et des sonorités qui reviennent
d'un bout
à l'autre du texte.
Une structure répétitive
Composé de vers irréguliers, le poème est construit sur
une énumération d'actions, chacune étant exprimée par
un
vers de structure presque semblable: sujet(« la mère», « le
fils», «elle», « il », « le père», « la vie», « le père et la
mère»), verbe, complément d'objet direct.
On observe que
les sujets sont constitués
par les personnages, tantôt seuls,
tantôt ensemble
(le père et la mère), qu'ils sont parfois rem
placés
par des pronoms.
Cette reprise constante crée un effet
de monotonie.
Cet effet est accentué par la répétition des
verbes « faire
», «trouver» et « continuer» et par celle des
mots qui jouent le rôle de compléments
d'objet(« tricot»,
SS.
»
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