Flaubert dans tous ses états

• Une correspondance est une sorte de kaléidoscope qui renvoie plusieurs images de son auteur, images conscientes ou inconscientes. Ainsi, les multiples lettres de Flaubert à des destinataires très divers, comme en témoignent les quatre textes du corpus, dressent de lui un portrait protéiforme, selon ses objectifs et selon les circonstances.

• La première lettre est celle d’un « apprenti-écrivain » encore peu connu à un autre écrivain déjà au faîte de sa gloire, un « mentor », un maître en somme : Victor Hugo. C’est ce qui explique le respect avec lequel Flaubert s’adresse à Hugo avec un « Monsieur » déférent et le vouvoiement qui garde les distances. Le ton est plein d’admiration que révèlent les termes emphatiques et hyperboliques (« magnifique présent ») ou le nombre de « vous » ; Hugo est hissé au rang de roi (Flaubert serait Talleyrand, Hugo Louis-Philippe), puis presque divinisé en « Hercule biblique ». C’est par rapport à ce portrait de Hugo que se définit celui que Flaubert donne de lui-même : il se fait petit (« je ne vous importunerai plus de ma personne »), se veut modeste et ne se présente comme grand qu’autant qu’il a approché Hugo (« votre main [...] je la serre avec orgueil ») et a été influencé par lui (« Votre poésie est entrée dans ma constitution comme le lait de ma nourrice »).

Il apparaît donc en disciple reconnaissant et tente même d’égaler le style de Hugo, qu’il pastiche, usant de phrases amples, de superlatifs et d’exclamations, d’anaphores (« votre main, [...] cette main... ») et de multiples images, presque épiques et parfois grandiloquentes (« puisque vous me tendez votre main par-dessus l’Océan. »). Ses considérations politiques et ses récriminations contre « les immondices », les « infamies », la « turpitude politique » et les « vapeurs nauséabondes » du climat social en France, métaphore filée de l’ordure, sont un écho aux pamphlets de Hugo contre Napoléon III.

Mais on devine, sous cette admiration qui va jusqu’au mimétisme, un peu de fausse modestie : tout en faisant allégeance, Flaubert tient à montrer sa culture (il cite Racine textuellement, et... Hugo : serait-il flagorneur ?), recourt à des images historiques, souvent littéraires (« pires que son dragon-taureau »), bref fait le savant, pose à l’écrivain érudit et à l’observateur critique averti de son temps.

• Tout autre est le ton de la lettre à Louise Colet, intime et même maîtresse de Flaubert. Plus de révérence à l’égard de Hugo (Hugo n’est plus Hercule, mais le « Grand Crocodile »...), ce qui permet, rétrospectivement, de mesurer la... fausseté, il faut bien le dire, de la lettre précédente... Flaubert ici ne pose pas et laisse libre cours à sa sincérité (qu’il souligne lui-même par

Documents

A - Gustave Flaubert, lettre à Victor Hugo, 15 juillet 1853.

B - Gustave Flaubert, lettre à Louise Colet, 15 juillet 1853.

C - Gustave Flaubert, lettre à Mademoiselle Leroyer de Chantepie, 8 octobre 1859.

D - Gustave Flaubert, lettre à Jeanne de Tourbey, 8 octobre 1859.

►Vous répondrez d’abord à la question suivante.

■ Question (4 points)

Après avoir observé les caractéristiques des lettres de ce corpus, vous dégagerez l’image que Flaubert s’attache à donner de lui-même à chacun de ses correspondants.

►Vous traiterez ensuite un de ces sujets au choix,

■ Commentaire (16 points)

Écrites le même jour à deux correspondantes, les lettres du 8 octobre 1859 constituent deux discours à la fois proches et différents.

Comparez ces deux lettres (documents C et D) sous la forme d’un commentaire organisé.