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François Villon: Le Testament du pauvre

Publié le 17/01/2022

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LXXXV Premier, je donne ma pauvre âme A la benoîte Trinité, Et la commande à Notre-Dame, Chambre de la divinité, Priant toute la charité Des dignes neuf Ordres des cieux Que par eux soit ce don porté Devant le Trône précieux. LXXXVI Item, mon corps j'ordonne et laisse A notre grand mère la terre ; Les vers n'y trouveront grand graisse, Trop lui a fait faim dure guerre ! Or lui soit délivré grand erre : De terre vint, en terre tourne ; Toute chose, si par trop n'erre, Volontiers en son lieu retourne. LXXXIX Item, donne à ma pauvre mère Pour saluer Notre Maîtresse, Qui pour moi eut douleur amère, Dieu le sait, et mainte tristesse : Autre châtel n'ai, ni fortresse, Où me retraie corps et âme, Quand sur moi court male détresse, Ni ma mère, la pauvre femme ! Ayant perdu son mari, sa mère confia François au chanoine Guillaume de Villon qui se chargea d'instruire l'enfant. Bachelier puis maître ès arts, il mène pourtant une vie aventureuse, fréquentant brigands et malfaiteurs. Villon se rend coupable de vols et même de meurtres. Emprisonné plusieurs fois, il échappe cependant à la potence grâce à l'intervention de personnages puissants comme Charles d'Orléans et Louis XI.

« Quand sur moi court male détresse, Ni ma mère, la pauvre femme ! Voici trois des legs du Testament du pauvre.

Ils font l'objet de trois strophes : l'âme, le corps, la poésie.

C'est là tout ce qu'il possède.

L'âme, entité abstraite, est elle-même qualifiée de « pauvre » au premier vers.

C'est qu'elle a souffert.

On le comprend à la lecture des expressions « douleur amère », « mainte tristesse » et « male détresse » dans la troisième strophe.

Mais, cette âme, qu'a-t-elle perdu ? Ses illusions, sans doute, sa foi en la présence ici-bas du bonheur. Le corps, lui, est maigre : « Les vers n'y trouveront grand graisse ».

Il a subi de plein fouet les conséquences de la misère matérielle, dont L'absence de nourriture : « Trop lui a fait faim dure guerre ».

Villon a donc été victime de la faim ; le nom « guerre » la personnifie, il en fait une armée lancée à l'assaut du corps fragile. La poésie est représentée par « Pour saluer Notre Maîtresse » (vers 18).

Il s'agit de la Ballade pour prier Notre- Dame, poème composé par Villon pour sa mère.

Le pauvre est un artiste, il possède ses œuvres et une certaine force créatrice, mais nulle reconnaissance, nulle notoriété, nul protecteur.

Qu'il soit vivant ou mort, il n'est rien,sinon quelques vers (doit-on voir un jeu de mots au vers 11?). Néanmoins, il y a une différence entre la vie et la mort : une différence de lieu.

L'âme du mort pourra ainsi prendreses aises dans une « chambre » (vers 4) ou venir se poster « Devant le Trône précieux » de la divinité (vers 8).

La chambre désigne les entrailles de Marie, le ventre maternel qui logea l'enfant Jésus.

Le salut du pauvre réside doncdans la foi en la religion chrétienne.

Pour appuyer cette argumentation, soulignons la présence du Père, du Fils, duSaint-Esprit et de la Sainte Vierge dans la première strophe : la « Trinité » (vers 2) et « Notre-Dame » (vers 3). Le corps, lui, retrouvera la « terre » (le terme est répété trois fois dans la seconde strophe).

Il s'agit là encore d'un lieu servant de refuge.

L'âme s'envole, le corps s'enterre ; l'une monte, l'autre descend.

C'est La surface, c'est-à-dire le monde, qu'il faut fuir.

La terre, c'est la Terre-Mère, déesse païenne, épouse d'Ouranos et « grand mère » (grande mère) des hommes.

Le salut du corps matériel réside dans son sein.

La poésie, le pauvre la confie à samère.

La mère devient ainsi un lieu, le lieu par excellence.

Elle est la présence protectrice qui jamais ne lui fit défaut: « Autre châtel n'ai, ni fortresse, / Où me retraie » C'est dire qu'elle est son bien le plus précieux.

Mais elle ne lui appartient plus maintenant qu'il a quitté l'enfance.

Elle est seulement un point de chute, une lointaine sourced'amour. Elle, la mère, ne possède rien non plus.

Elle n'a même pas de mère.

Cette femme est à elle seule son propre refuge :« Autre châtel n'ai, ni fortresse, / Où me retraie[...]/ Ni ma mère, la pauvre femme ».

La mère du pauvre est donc plus démunie que lui. Le fils désire la mort, souhaitant que son corps soit livré « grand erre » (rapidement) à la terre.

Mais cette mort est perçue comme un retour au sein maternel : l'âme retrouve la Sainte Vierge, le corps retourne à La Terre-Mère etl'inspiration poétique rejoint sa source : la maman de Villon.

La tendresse est donc partout présente derrière cestyle gouailleur, derrière ces images macabres et ces constats désabusés.. »

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