GARY Romain, pseudonyme de Romain Kacew : sa vie et son oeuvre
Publié le 12/12/2018
                            
                        
Extrait du document
                                GARY Romain, pseudonyme de Romain Kacew (1914-1980). Ecrivain, diplomate, héros de la «France libre », Romain Gary confesse son penchant pour les « farces et attrapes » : marionnettiste, montreur de personnages ambigus, inventeur de fables à double sens, cœur sensible et sourire moqueur, « clown lyrique », il manie les ficelles du métier en se tenant à distance pour juger de l’effet produit, se plaisant à étonner et à séduire. Il a poussé l’art du prestidigitateur jusqu’à se donner secrètement un double, cet Émile Ajar que couronne un prix Goncourt, faisant de Gary le seul écrivain à avoir deux fois reçu cette récompense sous des noms différents.
L'écrivain et son double
Né à Wilno, en Lituanie, Romain Gary est élevé par une mère qui place en lui de grandes espérances (cf. la Promesse de l'aube, 1960). «Cosaque un peu tartare mâtiné de juif », il arrive en France à l’âge de quatorze ans, fait son droit, s’engage dans l’aviation, rejoint la « France libre » en 1940, termine la guerre comme Compagnon de la Libération et commandeur de la Légion d’honneur. Le succès de son premier roman, Éducation européenne (prix des Critiques 1945), coïncide avec son entrée au Quai d’Orsay. En poste à Sofia, Berne, New York, La Paz, Los Angeles, il écrit le Grand Vestiaire (1948), éducation sentimentale d’un adolescent imaginatif, les Racines du ciel (prix Goncourt 1956), fresque de la vie coloniale en Afrique-Équatoriale française, puis il quitte la diplomatie en 1961. Après un recueil de nouvelles, Gloire à nos illustres pionniers (1962), et un roman humoristique, Lady L (1963), il se lance dans de vastes sagas : la Comédie américaine (les Mangeurs d'étoiles et Adieu, Gary Cooper, 1969) et Frère Océan (la Danse de Gengis Cohn, 1967; la Tête coupable, 1968; Charge d'âme, 1977), précédé d’une longue préface, Pour Sga-narelle (1965), définissant, face aux nouvelles théories, sa propre doctrine romanesque. Après la réalisation de deux films, Les oiseaux vont mourir au Pérou (1968) et Kill (1972), exprimant dans Chien blanc (1970) une profession de foi antiraciste, Gary laisse percer son angoisse du déclin dans Au-delà de cette limite, votre ticket n 'est plus valable (1975) et Clair de femme (1977). Après la fin tragique de la comédienne Jean Sebcrg, son épouse de 1962 à 1970, un dernier roman, les Cerfs-volants (1980), précède de peu son suicide. Mais un document posthume révèle que, avec la complicité de son neveu Paul Pavlowitch, Gary se dissimulait sous le pseudonyme du mystérieux Émile Ajar, dont les romans Gros-Câlin (1974), la Vie devant soi (prix Goncourt 1975), Pseudo (1976), l'Angoisse du roi Salomon (1979) marquent un tel renouvellement d’écriture que la supercherie ne fut jamais découverte du vivant de l’auteur, qui la révéla dans un testament (Vie et mort d'Émile Ajar, 1981, posth.).
                                «
                                                                                                                            Gary-Ajar 
: l'histoire  d'une mystification.
                                                            
                                                                                
                                                                     -Lorsqu'il 
invente  en 1974  • Ém il e  Ajar  •.
                                                            
                                                                                
                                                                     R omain  Ga ry n'en  est pas  à 
s o n  coup  d'essai.
                                                            
                                                                                
                                                                     Mais l'Homme  à la  colombe,  écrit sous 
le  nom  de Fosco  Sinibaldi  ( 1958).
                                                            
                                                                                
                                                                     a été  fraîchement 
accueilli.
                                                            
                                                                                
                                                                     et pou r les  Têtes  de Stéphanie  (1974), roma n signé 
Shatan  Bogat.
                                                            
                                                                                
                                                                    l'identité  réelle de l'autour  a été  vite  établie.
                                                            
                                                                                
                                                                    
T ou jou rs  en  1974,  le critique  Michel Cournot.
                                                            
                                                                                
                                                                     enthou
siasmé  par un man usc rit  prétendument  envoyé du Brésil 
par  un interdit  de séjour  nommé  Émile Ajar.
                                                            
                                                                                
                                                                    le fait  publier 
au  Mercure  de France  : Gros-Câlin  est un succès  de  librai
rie.
                                                            
                                                                                
                                                                     et le nom  de Gary  demeure  cette fois dans  l'ombre.
                                                            
                                                                                
                                                                     Les 
journaux  décèlent pourtant  la main  d'un professionnel  : on 
parle  de Queneau.
                                                            
                                                                                
                                                                     d'Aragon.
                                                            
                                                                                
                                                                     voire de M  C ourn ot  lui-même 
ou  d'un  collectif  d'écrivains.
                                                            
                                                                                
                                                                     En 1975.
                                                            
                                                                                
                                                                     avec le triomphe  de 
la  Vie  devant  soi, prix  Goncourt.
                                                            
                                                                                
                                                                     800 000  exe m pla ires  ven
dus.
                                                            
                                                                                
                                                                     la curiosité  redouble.
                                                            
                                                                                
                                                                     Le magazine  le Poin t  croit  tenir  la 
b on ne  piste  en découvrant  l'existence de Pau l  Pavlowitch.
                                                            
                                                                                
                                                                    
cousin bien  réel de Gary,  et qui  lui sert  d'intermédiaire  avec 
le s  éd1teurs.
                                                            
                                                                                
                                                                     La parenté  des deux  hommes  expliquerait  de 
surcroît  certaires  ressemblances  th ém atiq ue s  et  d'écriture 
entre  l'œuvre  d'Ajar-Pavlowitch  et celle  de Gary,  qui aurait 
influencé.
                                                            
                                                                                
                                                                     ou.
                                                            
                                                                                
                                                                     à l'occasion.
                                                            
                                                                                
                                                                     aidé le débutant.
                                                            
                                                                                
                                                                     La mystifica
tion  atteint  son comble  avec Pseudo  (1976).
                                                            
                                                                                
                                                                    sign é Ajar.
                                                            
                                                                                
                                                                    
délirante  autobiographie  dont Pavlowitch  est le héros  et 
où  Gary  apç·araît  dans le  personnage  du " tonton 
m acou te  •·  En  1979,  Ajar sig ne  enc ore  l'Ang oisse  du roi 
Sa lo m on ; la  ré al ité .
                                                            
                                                                                
                                                                    désormais  dém on trée .
                                                            
                                                                                
                                                                    de  Pav low itch 
continue  d'abt..ser  la plupart  des  critiques.
                                                            
                                                                                
                                                                     tandis  que d'au
tres.
                                                            
                                                                                
                                                                     se livrant  à des  études  comparatives  serrées.
                                                            
                                                                                
                                                                    com
mencent  à soL p çon ne r  la  su p erc h e rie .
                                                            
                                                                                
                                                                     Gary  se suicid e à  la 
fin  de  1980;  1' 3 n né e suivante  deux  livres paraissent  coup 
sur  coup  : un  récit  de Paul  Pavl ow itch .
                                                            
                                                                                
                                                                     l'Homme  que l'on 
�ro yal(.
                                                            
                                                                                
                                                                     qui  raconte  toute  l'affaire.
                                                            
                                                                                
                                                                    et le testament  de Gary, 
ecnt  en 1979.
                                                            
                                                                                
                                                                     Vie et mort  d'Emile  Ajar.
                                                            
                                                                                
                                                                    où le romancier 
s'explique  sur sa «nostalgie  de la jeunesse.
                                                            
                                                                                
                                                                     du début.
                                                            
                                                                                
                                                                     du 
p re mi er  livre.
                                                            
                                                                                
                                                                     :Ju recommencement  "· son  angoisse  exis
tentielle  face .� re nferme men t  dans  un personnage.
                                                            
                                                                                
                                                                     son 
désir  d'échap�er  à soi-même  ...
                                                            
                                                                                
                                                                    et  son  malin  plaisir  d'avoir 
joué  un bon  tur  au «parisianisme  ., honni  : «Je  me suis 
bien  amusé.
                                                            
                                                                                
                                                                     Au revoir  et merci  "· 
Mythe  et réalité 
Sans  mythes  la réal !�é  s �r�it  accablante .: 
l'espoir  placé 
dans  la légende  de 1 msatstssable  adeJda 	(Educatio n 
européenne)  sc·u ti ent  les partisans  dans  leurs combats 
atroces,  de même  que le déporté  des Racine!;  du ciel 
t .
r � uve  une évasion  i?laginaire  en se figurant  le galop  des 
elephants  courant ltbrement  dans la brousse  africaine.
                                                            
                                                                        
                                                                    
Mais  les roman>  de Gary  pris globalement  sont aussi  des 
mythes,  décrivant  un monde  renversé  où sombrent  les 
conformismes  et se transmuent  les valeurs  : espèces  ani
males  défendues  avec la même  ardeur  que lépreux  ou 
enfants;  prostituées  au grand  cœur;  parias  magnanimes  ...
                                                            
                                                                                
                                                                    
Mythes  provocateurs  destinés à éveiller  les consciences, 
à  «  changer  le regard  ».
                                                            
                                                                                
                                                                    La  réussite  des premiers  écrits 
de  Gary  tie nt  à ia  parfai te  intégration  du discours  symbo
�iqu _e  et  de  la n_.u rat ion  réaliste.
                                                            
                                                                                
                                                                     Avec ses péripéties,  ses 
tntngues  sentimentales,  ses personnages  fortement 
typés,  les Racines  du ciel  notamment  pourraient  passer 
pour  un somptueux  reportage sur les chasseurs  d'ivoire 
et  la  colonisation  du Tchad.
                                                            
                                                                                
                                                                     Mais le message  humaniste 
y  est  discrètement  implicite : entre  J'extermination  des 
éléphants  et celle  de six  millions  de Juifs,  la différence 
est  de façade,  non de nature;  la violence  est une.
                                                            
                                                                                
                                                                     En 
même  temps,  changeant  le  regard  par l'humour,  de courts 
romans  et des  nouvelles  démolissent  joyeusement  les 
tabous  sociaux  qu'incarnent  l'aristocratique >, 
issue  de la pègre,  ou un ambassadeur  aux mœurs  équivo
ques  sous son intouchable  réputation ( «  le  Luth  >>, dans 
Gloire  à 110s  illustres  pionniers).
                                                            
                                                                                
                                                                    
La  liberté  de l'écrivain 
Mais,  sous le feu  croisé  des critiques  existentialiste  et 
marxiste,  chicanée par les  tenants  du «nouveau  roman>> 
et  la  réaction  puriste (Etiemble),  l'œuvre de Gary  se 
trouve  mise en question.
                                                            
                                                                                
                                                                     D'où Pour Sganarelle,  ren-voyant 
dos à dos  ces > de  tous  bords.
                                                            
                                                                                
                                                                     Reven
diquant  son indépendance  d'écrivain, Gary récuse  les 
«  engagements  >>, nécessairement  ponctuels, au profit 
d'une  contestation  qui embrassera  l'ensemble de l'his
toire  contemporaine,  laissant  le« roman-solution »  à ces 
idéologues  qui veulent  exercer sur le public  une intoléra
ble  tutelle.
                                                            
                                                                                
                                                                     En regard,  il élabore  l'ambitieuse  doctrine 
d'un  «roman  picaresque  moderne>>,  où le «héros
personnage  >>,double  du «  personnage-auteur»,  emprun
tera  dans  l'imaginaire  de > 
Mais  le propos  reste le même,  le plaidoyer  de Gary  en 
faveur  de la personne  humaine outragée  faisant écho à la 
voix  du petit  Momo  d'Ajar : « Il faut  aimer >>.
                                                            
                                                                                
                                                                    
BIBLIOORAPHLE  Réédition  sous le nom  de  Romain  Gary  de  l'Homme  à la 
colombe.
                                                            
                                                                                
                                                                     Galli m ard , 1984.
                                                            
                                                                                
                                                                     Les principaux  titres de Gary  figurent.
                                                            
                                                                                
                                                                    
chez  le même  éditeur,  dans les collections >> Folio >> et>.
                                                            
                                                                                
                                                                    
G.
                                                            
                                                                                
                                                                     Gallagher.
                                                            
                                                                                
                                                                     l'Univers du double  reflet.
                                                            
                                                                                
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