Devoir de Philosophie

Georges BRASSENS: BONHOMME - Commentaire composé

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

1
Malgré la bise qui mord
La pauvre vieille de somme Va ramasser du bois mort Pour chauffer bonhomme
Bonhomme qui va mourir De mort naturelle.
2
Mélancolique elle va
A travers la forêt blême Où jadis elle rêva
De celui qu'elle aime
Qu'elle aime et qui va mourir De mort naturelle.
3
Rien n'arrêtera le cours
De la vieille qui moissonne
Le bois mort de ses doigts gourds Ni rien ni personne
Car bonhomme va mourir De mort naturelle.
4
Non rien ne l'arrêtera
Ni cette voix de malheure Qui dit : « Quant tu rentreras Chez toi tout à l'heure
Bonhomme sera déjà mort De mort naturelle. «
5
Ni cette autre et sombre voix Montant du plus profond d'elle Lui rappeler que parfois
Il fut infidèle
Car bonhomme il va mourir De mort naturelle.


Georges BRASSENS.

Nous connaissons tous Georges Brassens, et tous, nous regrettons sa disparition. Il reste, pour nous qui avons appris à l'école certaines de ses chansons et comptines, le plus poète des chanteurs. Son oeuvre est unique, tantôt militante, tantôt réflexion humaniste sur le bonheur, l'amour, l'amitié. En quelques phrases simples, en quelques mots sans prétention, Brassens a su aborder les problèmes de l'homme et de la société, et il a su toucher les coeurs.
 Dans cette chanson, il traite encore une fois les thèmes qui lui sont les plus chers : celui de la mort et celui de l'amour. La mort est chez lui une obsession, une issue inévitable et d'autant plus regrettable qu'elle sépare à jamais les êtres qui s'aiment.

« féminine évoquant la pérennité.L'épouse aimante attend la mort qui va emporter son mari, dans un futur très proche.

Cette mort marquera la fin desa vie et de son amour comme le montrent les trois verbes au futur simple : arrêtera, rentreras, sera mort.

La mortest un arrêt, et une sorte d'enfermement.Les temps utilisés par Georges Brassens dans cette chanson rendent compte des pensées du personnage, que ledécor lui aussi vient refléter d'une certaine manière.

La vieille femme et le paysage dans lequel elle évolue ne fontqu'un; ils représentent les mêmes tourments, les mêmes contradictions.

Le décor est très dépouillé, sans couleurs.Tout y est noir et blanc.

La forêt blême est blanche; la femme, tout comme le bois mort qu'elle ramasse à la hâte,est noire, sombre et mélancolique.

Nous sommes en hiver, ‘,aison qui symbolise la vieillesse et le trépas, et la vieille représente elle aussi, comme la forêt qui l'entoure, l'image traditionnelle de la mort, squelette armé d'une faux quimoissonne les êtres.

La forêt grelotte autant que la femme aux doigts gourds.

La mort s'empare du décor et dupersonnage en même temps, d'où l'association des termes mord et mort dans la première strophe : Malgré la bise qui mordVa ramasser du bois mort. Le parallèle entre le décor sans vie et la vieille femme donne toute sa valeur à l'expression mort naturelle, répétée àchaque refrain.

Le trépas est la fin de l'homme, voulue pas la nature, en harmonie avec elle et le cycle des saisons.La mort lie étroitement l'être vivant à son environnement.

Les lois naturelles finissent toujours par triompher de savolonté de vivre.

Face à elle, il reste impuissant et soumis, il est plein de « bonhomie».Seul l'amour résiste au temps qui nous conduit à la mort.

Cet amour, il est partout dans le poème, dans les moindresgestes de la vieille qui, malgré le froid et le peu de temps qu'elle a devant elle, coupe du bois mort pour son époux.Rien n'arrête le cours du temps, mais rien n'arrête non plus cette femme aimante : Rien n'arrêtera le coursDe la vieille qui moissonneLe bois mort de ses doigts gourdsNi rien ni personne. Cet amour éternel qui brave même le temps et la mort, il est jusque dans les hésitations et les pensées de la vieille,dont l'auteur nous fait part dans les strophes 4 et 5.

Ce monologue qui rapporte les réflexions de la vieille femme, austyle direct, puis au style indirect, comme s'il devenait plus lointain et plus discret à mesure que la mort approche,est particulièrement émouvant.

Il traduit, dans un langage familier, expressif et simple, toutes les angoisses de lafemme qui aime désespérément et ne sait plus que faire pour retenir le temps qui passe : car bonhomme il va mourir,cette voix de malheur.

Ces expressions sont si spontanées qu'on croit entendre parler la vieille femme.Sa passion l'emportera sur tout, le froid, la fatigue, la raison qui lui dicte la modération, et l'orgueil qui voudrait lavoir indifférente.

Toutes ces voix qui résonnent en elle ne parviendront pas à la faire renoncer à son bonhomme, àcet être dont elle est incapable de voir les défauts et les erreurs.Quelques images traditionnelles, quelques mots simples, et Georges Brassens parvient à faire naître en nous lesémotions les plus vives.

Rien ne manque à ce poème, rien n'est superflu.

Nous comprenons le sentiment profond quiunit la vieille à son bonhomme, nous connaissons sa vie laborieuse, nous observons ses gestes fébriles etpartageons ses angoisses et ses pensées.La mort est naturelle, il faut l'accepter comme telle.

Le temps passe, nous ne pouvons pas arrêter son cours.

Etpourtant, la vieillesse et la mort qui séparent les amants restent à nos yeux odieuses et scandaleuses.Bonhomme meurt, ce n'est pas ce qui nous émeut; la vieille femme qui a voué sa vie à son époux va rester seuleavec son amour sans objet, ses souvenirs et ses doutes : voilà le véritable drame de la condition humainecondamnée à aimer et à voir mourir l'être aimé.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles