Devoir de Philosophie

Giraudoux, Électre: Acte II, scène 3

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

PREMIÈRE EUMÉNIDE. -Tu as raison. Nous savons à quoi tu penses. C'est magnifique, la royauté, Oreste ! Les jeunes filles dans les parcs royaux qui donnent du pain au cygne, cependant que de leur blouse pend le médaillon du roi Oreste, qu'elles embrassent à la dérobée. Le départ pour la guerre, avec les femmes sur les toits, avec le ciel comme une voile, et ce cheval blanc qui steppe sous les musiques. Le retour de la guerre, avec le visage du roi qui paraît maintenant le visage d'un dieu, tout simplement parce qu'il a eu un peu froid, un peu faim, un peu peur, un peu pitié. Si la vérité doit gâter tout cela, qu'elle périsse ! DEUXIÈME EUMÉNIDE. - Tu as raison. C'est magnifique, l'amour, Oreste ! On ne se quitte jamais, paraît-il. On ne s'est pas plus tôt séparé, paraît-il, qu'on revient en courant, qu'on s'agrippe par les mains. Où qu'on aille, on se retrouve aussitôt face-à-face. La terre est ronde pour ceux qui s'aiment. Déjà je me heurte partout contre celui que j'aime, et il n'existe pas encore. Voilà ce qu'Électre veut te ravir, et à nous aussi, avec sa vérité. Nous voulons aimer. Fuis Électre ! ÉLECTRE. - Oreste ! ORESTE. - Je suis réveillé, soeur. ÉLECTRE. - Réveille-toi de ce réveil. N'écoute pas ces filles ! ORESTE. - Ô, Électre, es-tu sûre qu'elles n'ont pas raison ? Es-tu sûre que ce n'est pas la pire arrogance, pour un humain, à cette heure, de vouloir retrouver sa propre trace ? Pourquoi ne pas prendre la première route, et aller au hasard ? Fie-toi à moi. Je suis dans un de ces moments où je vois si nette la piste de ce gibier qui s'appelle le bonheur. Giraudoux, Électre, Le Livre de Poche ©Bernard Grasset, 1937, p. 81-82.

Liens utiles