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Guy de MAUPASSANT, Scènes de la vie parisienne. LA NUIT CAUCHEMAR

Publié le 16/09/2011

Extrait du document

maupassant
Je criai. Personne ne me répondit. J'appelai plus fort. Ma voix
s'envola, sans écho, faible, étouffée, écrasée par la nuit, par cette
nuit impénétrable.
Je hurlai : " Au secours! au secours ! au secours! "
Mon appel désespéré resta sans réponse. Quelle heure était-il
donc? Je tirai ma montre, mais je n'avais point d'allumettes.
J'écoutai le tic-tac léger de la petite mécanique avec une joie
inconnue et bizarre. Elle semblait vivre. J'étais moins seul. Quel
mystère ! Je me remis en marche comme un aveugle, en tâtant les
murs de ma canne, et je levais à tout moment les yeux vers le ciel,
espérant que le jour allait enfin paraître; mais l'espace était noir,
tout noir, plus profondément noir que la ville.
Quelle heure pouvait-il être ? Je marchais, me semblait-il, depuis un
temps infini, car mes jambes fléchissaient sous moi, ma poitrine
haletait, et je souffrais de la faim horriblement...
Et tout à coup, je m'aperçus que j'arrivais aux Halles. Les Halles
étaient désertes, sans bruit, sans un mouvement, sans une voiture,
sans un homme, sans une botte de légumes ou de fleurs. Elles
étaient vides, immobiles, abandonnées, mortes !
Une époull'ante me saisit, horrible. Que se passait-il ? Oh ! mon
Dieu ! que se passait-il?
Je repartis. Mais l'heure? qui me dirait l'heure? Aucune horloge ne
sonnait dans les clochers ou dans les monuments. Je pensai : " Je
vais ouvrir le verre de ma montre et tâter l'aiguille avec mes
doigts. " Je tirai ma montre ... elle ne battait plus ... elle était arrêtée.
Plus rien, plus rien, plus un frisson dans la ville, pas une lueur, pas
un frôlement de son dans l'air. Rien ! plus rien! plus même le
roulement lointain du fiacre, plus rien ! ·
J'étais aux quais, et une fraîcheur glaciale montait de la rivière.
La Seine coulait-elle encore !
Je voulus savoir, je trouvai l'escalier, je descendis ... Je n'entendais
pas le courant bouillonner sous les arches du pont. .. Des marches
encore ... puis du sable ... de la vase ... puis de l'eau ... j'y trempai mon
bras ... elle coulait... froide ... froide ... froide ... presque gelée ... presque
tarie ... presque morte.
Et je sentais bien que je n'aurais plus jamais la force de remonter ...
et que j'allais mourir là ... moi aussi, de faim - de fatigue - et de
froid.
Guy de MAUPASSANT, Scènes de la vie parisienne.

 

 

Vous ferez de cet extrait d'un conte de Maupassant un commentaire composé que vous organiserez à votre gré. Vous pourriez par exemple, tout en étudiant les moyens littéraires qu'a utilisés l'auteur, montrer le lien qui existe entre les différents thèmes de cette page.

 

 

maupassant

« J'étais aux quais, et une fraîcheur glaciale montait de la rivière.

La Seine coulait-elle encore 1 Je voulus savoir, je trouvai l'escalier, je descendis ...

Je n'entendais pas le courant bouillonner sous les arches du pont.

..

Des marches encore . ..

puis du sable . ..

de la vase ...

puis de l'eau ...

j'y trempai mon bras ...

elle coulait...

froide ...

froide . ..

froide ...

presque gelée . ..

pres- que tarie ...

presque morte.

Et je sentais bien que je n'aurais plus jamais la force de remonter ...

et que j'allais mourir là ...

moi aussi, de faim -de fatigue -et de froid.

Guy de MAUPASSANT, Scènes de la vie parisienne.

Vous ferez de cet extrait d'un conte de Maupassant un commentaire composé que vous organiserez à votre gré.

Vous pourriez par exemple, tout en étudiant les moyens littéraires qu'a utilisés l'auteur, montrer le lien qui existe entre les différents thèmes de cette page.

Depuis les travaux de Freud et les découvertes de la psychanalyse, nous savons à quel point le rêve peut être le révélateur de désirs ou d'angoisses refoulés dans le subconscient.

Un des maîtres du conte fantastique, Maupassant, nous offrait déjà, dans une page extraite des Scènes de la vie parisienne, un exemple particulièrement saisissant de cauchemar : la technique de l'écrivain lui permet de nous communiquer la sensation d'angoisse qui étreint le rêveur , et que précisera une étude des motifs de cette « aventure nocturne ».

L'écriture même de ce passage excelle à traduire l'atmosphère d'angoisse propre au cauchemar.

Le rythme des phrases est haché, voire haletant, en raison des très nombreux parallélismes de construction ; les expressions se succèdent et s'accumulent par simple juxtaposition : « Ma voix s'envola, sans écho, faible, écrasée par la nuit...

»; « l'espace était noir, tout noir, plus profondément noir que la ville ,.

; « Les Halles étaient désertes, sans bruit, sans un mouvement, sans une voiture, sans un homme, sans une botte de légumes ou de fleurs .

Elles étaient vides, immobiles, abandonnées, mortes » ; « Plus rien, plus rien, plus un frisson dans la ville, pas une lueur, pas un frôlement de son dans l'air » ; « elle coulait...

froide...

froide ...

froide ...

presque gelée ...

presque tarie...

presque morte.

» Le texte est fractionné en de nombreux paragraphes, dont certains se réduisent à une seule question angoissée : « La Seine coulait-elle encore? ».

A de nombreuses reprises (§ 4, 7, 10 et 11), des points de suspension. »

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