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HAMILTON Antoine : sa vie et son oeuvre

Publié le 14/12/2018

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HAMILTON Antoine, comte de (16467-1720). C’est Hamilton, un écrivain écossais d’expression française, qui ouvre la production romanesque du XVIIIe siècle en France. Il a l’enjouement de Scarron et la phrase de Voltaire, qui, tout jeune, a pu le fréquenter dans la société du Temple. Miniaturiste de talent, Hamilton a dépeint, dans le type du grand seigneur frivole, une aristocratie triomphante qui trompe gaiement son oisiveté en jouant à la guerre, à l’amour et aux cartes, mais derrière laquelle se profilent déjà les roués...

 

Gentilhomme écossais, mais né en Irlande et élevé en France, Hamilton partage sa vie entre la cour de France et celle d’Angleterre, au gré des aventures des Stuarts. Catholique, il est tenu à l’écart de tout emploi sous Charles II; il s’engage alors au service de Louis XIV jusqu’en 1677. A l’avènement de Jacques II en 1685, il obtient un commandement militaire et le gouvernement de la place forte de Limerick. Après 1688, de retour en France avec le roi en exil, il se consacre désormais à sa carrière littéraire, indissociable de la vie mondaine qu’il mène à la cour de Saint-Germain-en-Laye ou dans la société plus libertine des Berwick, de la duchesse du Maine et des Vendôme. Il est ami de Chaulieu et de La Fare, intime de Saint-Évremond, auquel il peut être comparé par son indépendance d’esprit et son caractère de trait d’union entre la France et l’Angleterre. Cependant, ce n’est pas dans la critique et le moralisme que Hamilton se distingue. Il met sa plume au service des salons, brillant par des talents de poète, de conteur et d’épistolier. Mêlant les vers à la prose, il compose des poésies légères, des pièces de circonstance et sacrifie à la mode du temps en rédigeant des contes qui allient le merveilleux des Mille et Une Nuits à celui des contes de fées de Perrault ou de Mme d’Aulnoy (leur publication n’aura lieu qu’après sa mort, en 1731).

 

Mais ce sont les Mémoires de la vie du comte de Gramont — entrepris en 1704, publiés en 1713 — qui consacrent véritablement Hamilton comme écrivain, à soixante-sept ans. Ils lui ont permis de cristalliser des talents qui n’avaient donné leur mesure que dans l’éphémère conversation de l'homme de cour. Plutarque parodique, il y retrace la jeunesse de son beau-frère — « l’admiration de son siècle » —jusqu’à son mariage avec sa sœur Élisabeth Hamilton, en 1663. Liés depuis l'arrivée de Gramont à Londres en 1661, ces deux familiers des rois continuèrent à se fréquenter en France jusqu’à la mort du comte en 1707. Hamilton est censé écrire les Mémoires sous sa dictée; en fait, il laisse de côté les scrupules du biographe ou de l’historien, et, préférant la narration à la troisième personne à l’autobiographie fictive pratiquée par un Courtilz de Sandras, il compose un roman dont le dessein, servi par une ironie déjà toute voltairienne, est de « divertir » le lecteur.

 

Le Journal littéraire en 1714 situe les Mémoires à la confluence de deux traditions narratives : celle de Sorel et celle de Bussy-Rabutin. Elles correspondent en effet à la division opérable entre le premier tiers de l’œuvre, qui, focalisé sur Gramont, participe du picaresque, et les deux derniers tiers, qui versent dans la chronique de cour, comme l’indique le sous-titre : Histoire amoureuse de la cour d'Angleterre sous le règne de Charles 11.

 

Au début du roman, le chevalier de Gramont et son compagnon Matta soutiennent le siège de Trin; la bonne chère et le jeu constituent leur ordinaire dans cette guerre en dentelle. Après la reddition de Trin, les deux amis, venus se divertir à la Cour de Savoie, doivent se plier au code de l’amour courtois en vigueur. Suivent les évolutions du héros en France, dans l’entourage de Condé, au

 

siège d’Arras, à la Cour, d’où il est banni pour avoir voulu supplanter le roi auprès de La Motte-Houdancourt. Il passe en Angleterre. Dès lors, l’unité ne repose plus sur le protagoniste, qui devient un participant parfois privilégié, souvent occasionnel, ni ne réside par conséquent dans l’action, qui se morcelle en une multitude d’anecdotes dont le feu roulant se maintient jusqu’à la fin. Seule subsiste l’unité de lieu — de milieu —, délimitée par Whitehall et ses dépendances, patrie de la Cour. Au récit premier des chassés-croisés galants Hamilton intègre des récits burlesques où Gramont relaie le narrateur en contant, par exemple, l’histoire de l'aumônier Poussatin ou celle du valet Termes.

 

Dégagé de tout dessein transcendant, l’auteur s’adonne au ludisme de l’écriture. Il prend un plaisir très communicatif à jouer avec ses personnages comme avec des mots. Il construit ainsi une sorte de lexique de la Cour, où il définit un héros, qui n’est encore qu’un nom, par un portrait exécuté avec un art qui n’est pas sans évoquer la manière du peintre anglais Peter Lely et transmet l’illusion réaliste par un jeu subtil d’éloges et de restrictions. Hamilton excelle dans le portrait de femme, tel celui de cette beauté très britannique : « Son visage était des plus mignons; mais c’était toujours le même visage; on eût dit qu’elle le tirait le matin d’un étui pour l’y remettre en se couchant, sans s’en être servi durant la journée ». 

« secours pour le déroulement d'une intrigue et la fin d'un conte! » Hamilton connut un grand succès au xvme siècle, où l'on a pu lire les Mémoires comme une anticipation de la licence des mœurs qui s'épanouit sous la Régence.

Gramont ne préfigure-t-il pas Valmont? L'œuvre de Hamilton fut régulièrement rééditée au XIXe siècle, avec un privilège pour les Mémoires (une dizaine d'éditions), qui, selon Sainte-Beuve, symbolisent l'« esprit fran­ çais».

(Voir aussi ROMAN HISTORIQUE).

BIBLIOGRAPHLE Actuellement, les Mémoires du comte de Gramom sont p ubliés dans les Romanciers du xvut< siêcle, Paris, Gallimard, Bibl.

de la Pléiade, 1960, t.

I, ainsi qu'aux éditions Balland.

Édition critique par C.E.

Engel, Monaco, Éd.

du Rocher, 1958.

A consulter.

-R.

Clark, A.

Hamilton, His Life, Works and Family, Londres, 1921; A.

Clerval, Du frondeur au libertin, Lausanne, Eibel, 1978; Cl.

Filteau, le Statut narratif de la transgression.

Essai sur Hamilton et Beckford, Sherbrooke, Naa­ man, 1981.

P.

BOISSEAU. »

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