IMITATION ET ORIGINALITÉ - Valéry
Publié le 28/03/2015
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On l'aura compris, pour Valéry, comme pour Alain et Gide, l'imitation n'est que le premier temps d'une maturation, premier temps qui doit être dépassé.
Ayant participé à des jurys de présélection pour un prix de poésie, nous avons pu constater que, malheureusement, le plus grand nombre des auteurs se contente de faire du sous-Baudelaire, du sous-Heredia et parfois même du sous-Ronsard. H faut lire les grands ancêtres, les dévorer même, mais à la façon du lion de Valéry. Il faut lire et imiter, mais, en même temps, prendre comme règle ce principe de Jules Renard : « Shakespeare, tu dis toujours Shakespeare. 11 y en a un en toi. Trouve-le. «
«
108 / Problèmes de la création .
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En ce XVI• siècle, l'imitation est valorisée par les poètes à
condition qu'il ne s'agisse pas des auteurs français qui ont
précédé, lesquels sont un peu méprisés, mais uniquement
des auteurs grecs, latins et italiens.
Cette imitation -qui
suscite quand même parfois quelques critiques -se conci
lie avec l'originalité de deux façons.
Tout d'abord, il ne
s'agit pas d'un simple démarquage, mais d'une « innutri
tion
» pour parler comme Montaigne.
L'auteur de langue
française se nourrit de l'auteur étranger, il se l'incorpore,
l'assimile pour en rendre l'essentiel.
Par ailleurs, chaque
langue a sa spécificité, et
il faut vraiment un travail person
nel, une activité réellement créatrice, pour faire passer un
poème
d'une langue dans une autre.
A l'époque moderne,
le souci d'une radicale nouveauté a
parfois conduit à penser que l'originalité consistait à faire
table rase du passé.
Ce point de vue un peu simpliste a sus
cité un certain nombre de réactions proches de celles de
Valéry.
Alain,
par exemple, insiste sur la valeur de l'imita
tion aussi bien dans le domaine de
l'art que dans celui de
l'éducation:
«C'est en copiant qu'on invente» écrit-il dans
le
«Propos» du 21 mai 1921.
Le 20 octobre 1922, il revient
sur ce thème à propos de l'architecture:
«Il n'existe point d'architecte qui puisse dire: "Je vais
oublier ce que
les hommes ont construit." Ce qu'il inven
terait serait bien laid ; pour mieux dire, s'il tient sa pro
messe à la rigueur,
il n'inventerait rien du tout.
C'est
pourquoi le temple se souvient du temple, et l'ornement
se souvient du trophée, et
le carrosse se souvient de la
chaise
à porteurs.
Qui n'imite point n'invente point.»
André Gide parle aussi très bien de cette fausse conception
de l'originalité reposant sur l'idée
qu'il ne faut pas subir
d'influences
(«De l'influence de la littérature», conférence
faite en
1900 et intégrée dans Prétextes):
«Ceux qui craignent les influences et s'y dérobent font
le tacite aveu de la pauvreté de leur âme.
Rien de bien
neuf en eux
à découvrir, puisqu'ils ne veulent pas prêter
la main à rien de ce qui peut guider leur découverte.
Et.
»
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