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Introduction à la lecture d'Antigone d'Anouilh

Publié le 23/01/2020

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lecture

Une nouvelle étape commence donc : celle de la maturité. On peut préférer quelques-unes des pièces de jeunesse, plus spontanées, La Sauvage, Antigone, ou... Le bal des valeurs : on ne peut nier que dans celles qui vont suivre le métier s’est affirmé. Le style a acquis cette aisance qui n’est qu’à lui. Surtout l’auteur a considérablement perfectionné cette technique du théâtre que lui avaient enseignée au début un Pitoëff ou un Barsacq : certains procédés (le passage insensible d’une époque à l’autre dans la même pièce, le théâtre dans le théâtre, les retours en arrière) n’auront bientôt plus de secrets pour lui. Il en abusera, et il le sait x. On verra apparaître aussi les intentions satiriques, parfois plaisantes et légères, parfois vengeresses, les allusions d’actualité, les mots d’auteur. Désormais, presque plus de décalage entre les dates de composition et de création de ses pièces : aussitôt terminées, les voilà en répétition, et, à quelques rares exceptions près, le succès est fidèle au rendez-vous.

Avant de se laisser aller au rictus du grinçant, il commence dans L’invitation au château par brosser un tableau de cette société de brillants désœuvrés qui figuraient déjà dans quelques pièces roses. Mais cette fois le trait est plus accusé, et le contraste plus frappant entre la jeune Isabelle, encore elle, la seule sincère, et le petit monde frelaté qui l’entoure. Le gracieux jardin d’hiver imaginé par Barsacq masquait la lente décomposition d’une aristocratie qu’Anouilh faisait valser en 1900, mais la date ne trompait personne.

Bien que dans ses créations alternent désormais le brillant et le grinçant, il faut rapprocher de L’invitation La répétition ou l’Amour puni (1950) qui fournit à la Compagnie Madeleine Renaud-Jean-Louis Barrault l’occasion d’un de ses spectacles les plus accomplis. Au cours des répétitions de La double inconstance de Marivaux, le comte s’éprend de la jeune Lucile (encore une « invitée au château »), et un ravissant contrepoint s’établit entre la pièce de Marivaux et celle d’Anouilh. Hélas ! la comtesse prend la tête d’une véritable conspiration contre l’amour, et Lucile s’enfuit. La répétition nous avait

professeur d’existentialisme qui apprend aux hommes à être libres. Anouilh enfin donne à la jeune fille grecque que lui avait léguée Sophocle les traits de ses héroïnes antérieures, cependant qu’elle et son oncle Créon deviennent les représentants d’une humanité qui vacille pour avoir vu s’écrouler toutes ses croyances.

• Pour apprécier l’entreprise d’Anouilh, il sera nécessaire de présenter d’abord son œuvre, et l’itinéraire qu’il a suivi. Ayant ainsi fait connaissance avec Anouilh, nous pourrons, après cette promenade, revenir à Antigone, et pour dégager son originalité profonde, nous la comparerons à la pièce de Sophocle. Que de différences, aussi bien dans l’atmosphère que dans la psychologie des personnages, aussi bien dans la conception de la tragédie que dans les thèmes qui reviennent comme un refrain. Mais c’est peut-être la mise en œuvre qui permettra le mieux de caractériser l’art et la manière d’Anouilh, ce mélange de tendresse et de cruauté, de passion et de sarcasme qui fait d’Antigone une pièce brûlante de jeunesse.

Le comique de. U Hurluberlu (1959) est beaucoup moins grinçant. Le sous-titre est révélateur : de même que dans Ornifle Anouilh s’était inspiré de Don Juan, ici c’est du Misanthrope qu’il tire bien des traits de son personnage. Le « réactionnaire amoureux » a remplacé « l’atrabilaire amoureux » de Molière. C’est du reste le moment où, avec la collaboration de Roland Laudenbach, Anouilh compose un scénario sous forme de sketches qui illustrent plusieurs épisodes de la vie du grand comédien h Ludovic, l’hurluberlu, fait souvent penser à Alceste par sa maladresse et sa naïveté. Ce général, ennemi du régime, qui complote dans sa retraite, ce vieux grognon qui ne sait comment s’y prendre pour être aimé de sa femme et de ses enfants, cet idéaliste aigri qui part en guerre contre tout le monde, ce jaloux dérisoire qui se jette aux genoux de sa femme et exige presque qu’elle le trompe, c’est le Misanthrope en face de Célimène, et c’est la même émotion qui, au milieu des rires, noue la gorge des spectateurs : « L’homme est un animal inconsolable et gai. »

La gaieté allait disparaître presque entièrement de la pièce suivante, La grotte (1961). Cette fois, Anouilh a voulu voir jusqu’où l’on pouvait aller « trop loin » dans l’atroce. Jamais sa vision désespérée de l’humanité n’avait atteint un tel degré d’horreur. Mais cette fois encore, le spectacle nous est présenté d’une façon si habile que c’est la virtuosité de l’auteur qui l’emporte. La « grotte », c’est le monde d’en bas - les cuisines - opposé au monde d’en haut - le comte, la comtesse et leur famille : mais ils sont aussi sordides l’un que l’autre, et se sont même mélangés, puisque autrefois le comte a été l’amant de la cuisinière. Celle-ci est assassinée. Par qui? Comme ce noir mélo ne pouvait convenir à Anouilh que transposé, il a l’air de ne prendre à son compte ni l’odieux du sujet, ni les ridicules du genre. Présent en personne sur la scène, après avoir démonté sous nos yeux tous les rouages de la création dramatique et essayé toutes les combinaisons possibles, il feint finalement de renoncer à son entreprise, accablé à la fois par ses difficultés techniques et par la noirceur de ses personnages. Il nous donnait aussi une merveilleuse leçon de théâtre, et un modèle d’explication de textes.

Enfin, l’année suivante, présentée en lever de rideau

lecture

« Les Anciens ont voulu, en effet, à travers l'histoire d'une famille -la (< saga » des Atrides et celle des Labdacides -ou d'un personnage, léguer à la postérité un certain nombre de grandes idées, par exemple sur les rapports de l'homme et du destin, de la justice et de l'ordre, de l'individu et de la cité.

C'est pour illustrer ces thèmes fondamentaux, pour nous limiter à trois cas, qu'ont été composés Œdipe roi, Électre et Antigone.

Sophocle a voulu ainsi montrer soit l'écrasement d'un mortel par une fatalité dont rien n'arrêtera le mécanisme impitoyable, soit le cycle du crime, de la vengeance et du châtiment, soit le conflit de la loi morale et de la loi sociale.

En même temps il a vqulu dénoncer le règne de la violence, qu'il appelle la démesure ( « ubris ll), Dès lors, quand, après un long intervalle, nos auteurs ont choisi de remettre à la scène des Œdipes, des Électres, et des Antigones, ils l'ont fait avec l'intention manifeste de nous dire quelque chose.

La narration n'est plus l'essentiel.

Allaient-ils pour autant reprendre les idées des Anciens ? Assurément non : tout avait été merveilleusement précisé sur ce point, et même si certains thèmes semblaient inépui­ .

sables, les perspectives avaient changé.

En renouant donc avec le tragique, les dramaturges contemporains ont voulu -à travers des fables millénaires -poser des problèmes ou expri­ mer des sentiments de leur temps.

Le mythe d'autrefois est devenu un prétexte pour énoncer des idées neuves -qu'elles soient propres à l'époque ou personnelles à l'auteur -sous une forme nouvelle.

• Un prétexte Voilà pourquoi on a vu reparaître Œdipe (Cocteau : La machine infernale, r934), Électre (Giraudoux : Électre, r937), Oreste (Sartre : Les mouches, r943) et Antigone (Anouilh : Antigone, 1944), pour ne citer que quelques pièces parmi toutes celles qui -en France et à l'étranger -ont repris un vieux mythe en en modifiant sensiblement l'éclairage et la signification.

Cocteau, dans un vaudeville tragique, fait d'Œdipe un lourdaud, et de sa rencontre avec le Sphinx w:ie histoire d'amour.

Giraudoux compose un brillant para­ doxe sur les dangers de la justice intégrale, et la nécessité de l'oubli dans la vie des nations.

Sartre fait d'Oreste un - 6. »

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