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Jean Jacques Rousseau est-il hostile à un enseignement de la vie aux enfants par les fables ?

Publié le 21/02/2011

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Dès la parution du premier recueil des Fables (1668) dédié au Dauphin alors âgé de sept ans, s'est posée la question de leur intérêt à la fois pour les enfants et pour les  adultes. Au siècle suivant, dans Émile ou de l'Éducation, Jean-Jacques Rousseau se  montre hostile à un enseignement de la vie aux enfants à partir des fables. En revanche,  il écrit que « les fables peuvent instruire les hommes «. Remarquons que l'enseignement de la vie est large : ce n'est pas seulement l'éducation morale ; d'ailleurs Rousseau  emploie le terme « instruire « qui correspond à l'acquisition de connaissances plutôt qu' « éduquer «.

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« guère La Fontaine, et les révolutionnaires non plus, eux qui ont affiché la fable « LesLoups et les Brebis ».

On y voit les loups faire la paix avec les brebis, puis, quand laméfiance de ces dernières est endormie, les loups emportent la moitié des agneaux etétranglent les chiens.

Et La Fontaine conclut :« La paix est fort bonne de soi ;J'en conviens ; mais de quoi sert-elleAvec des ennemis sans foi ? »Les révolutionnaires ont voulu inciter le peuple symbolisé par les brebis à se défier desnobles, les loups, qui ne peuvent que les trahir.

Mais, cette moralité peut correspondre àd'autres situations et reste ouverte.

En revanche, la leçon politique de La Fontaine estplus nette dans « Le Jardinier et son Seigneur » :« Petits princes, videz vos débats entre vous :De recourir aux rois vous seriez de grands fous.Il ne les faut jamais engager dans vos guerres,Ni les faire entrer sur vos terres.

»Il est évident toutefois que le choix du genre se justifie par le besoin de prudence pouréchapper à la censure.

Quand, dans « Les obsèques de la Lionne », La Fontaine écrit :« Amusez les rois par des songes,Flattez-les, payez-les d'agréables mensonges :Quelque indignation dont leur coeur soit rempli,Ils goberont l'appât ; vous serez leur ami »,Comme il s'agissait d'un lion et de rois en général, Louis XIV ne s'est pas senticoncerné, aussi la fable a-t-elle déjoué la censure. Effectivement, la comparaison avec les chiens ne manque pas de pertinence : chiens etouvriers sont affamés, chiens et ouvriers ne sont pas récompensés selon leurs mérites(le chien a sauvé de la noyade la petite fille du directeur et le lendemain il est jetédehors).

On s'imagine alors que les ouvriers et le chien pelé vont sympathiser : pas dutout.

Le chien mord un des hommes instinctivement : c'est un chien de garde ; lesouvriers alors le tuent, non parce qu'il a mordu mais parce qu'ils le prennent pour lechien du directeur, au mépris du bon sens.

En effet, il a une « dégaine triste », on voitque c'est un chien abandonné et non le chien d'une famille aisée.

L'animosité dessalariés contre la direction rejaillit sur le chien traité d'« affreux capitaliste », c\'est-à-direidentifié au directeur dont il devient le substitut ; sa mort est une vengeance doubléed'un défoulement collectif ; il est pour ainsi dire lynché.

Le fabuliste met en évidence laméchanceté des hommes à travers la lutte des classes. La fable devient donc profonde et même subtile, y compris avec les personnages etles situations les plus simples.

Ainsi, « Le loup et l'agneau » constitue une fableextraordinaire, un chef d'oeuvre.

Elle ne montre pas simplement que le plus fort atoujours « raison », elle montre que le plus fort prétend toujours avoir le droit pour lui.

Leloup dissimule ses véritables motivations :« Un loup survient à jeun, qui cherchait aventure,Et que la faim en ces lieux attirait.

»À deux reprises, son discours transforme l'agneau en agresseur potentiel :« Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? […]Et je sais que de moi tu médis l'an passé.

»Remarquons l'élargissement de l'agression supposée : la première a lieu ici etmaintenant, la seconde loin dans le temps.

Les réponses de l'agneau détruisantl'argumentation du loup, celui-ci effectue un glissement, de l'agneau à ses alliés :« -Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.- Je n'en ai point – C'est donc quelqu'un des tiens.

»Le loup se présente donc en victime et en justicier (« Il faut que je me venge »).

À qui leloup destine-t-il toute cette argumentation défectueuse ? À sa victime qu'il voudraitculpabiliser (cela lui faciliterait la tâche), mais surtout à lui-même : personne n'aime à sedire qu'il est le méchant ! La fable instruit donc le lecteur attentif des réalités de la vie ; elle a souvent un arrière-plansocial, politique et même philosophique.

Alors pourquoi lui conserver lasuperficialité que nous avons dès l'abord remarquée ?Transition En réalité, la futilité apparente de la fable est au service de l'argumentation.

Cegenre littéraire se caractérise par la légèreté et la puissance.

La légèreté des fablestrahit le désir de plaire du fabuliste.

Dans la préface des Fables de 1668, La Fontainereconnaît qu'il a cherché à « égayer l'ouvrage ».

Et il ajoute : « c'est ce qu'on demandeaujourd'hui : on veut de la nouveauté et de la gaieté.

Je n'appelle pas gaieté ce qui. »

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