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Jean Jacques Rousseau, Le vol du ruban, Les Confessions, Livre second

Publié le 07/10/2018

Extrait du document

rousseau

Il est bien difficile que la dissolution d’un ménage n’entraîne un peu de confusion dans la maison1, et qu’il ne s’égare bien des choses. Cependant, telle était la fidélité des domestiques et la vigilance de M. et Mme Lorenzy, que 5 rien ne se trouva de manque sur l’inventaire. La seule

 

Mlle PontaP perdit un petit ruban couleur de rose et argent, déjà vieux. Beaucoup d’autres meilleures choses étaient à ma portée ; ce ruban seul me tenta, je le volai, et comme je ne le cachais guère on me le trouva bientôt. On voulut 10 savoir où je l’avais pris. Je me trouble, je balbutie, et enfin je dis, en rougissant, que c’est Marion qui me l’a donné. Marion était une jeune Mauriennoise dont Mme de Vercellis avait fait sa cuisinière, quand, cessant de donner à manger, elle avait renvoyé la sienne, ayant plus de besoin de 15 bons bouillons que de ragoûts fins. Non seulement Marion

 

était jolie, mais elle avait une fraîcheur de coloris qu’on ne trouve que dans les montagnes, et surtout un air de modestie et de douceur qui faisait qu’on ne pouvait la voir sans

1. Mme de Vercellis, chez qui Rousseau est employé comme laquais vient de mourir.

2. M. et Mme Lorenzy : l’intendant de Mme de Vercellis et sa femme.

3. Mlle Pontal : femme de chambre.

4. Mauriennoise : de la région de Maurienne en Savoie.

l'aimer. D’ailleurs bonne fille, sage, et d’une fidélité à toute 20 épreuve. C’est ce qui surprit quand je la nommai. L'on
n’avait guère moins de confiance en moi qu’en elle, et l’on jugea qu’il importait de vérifier lequel était le fripon des deux. On la fit venir ; l’assemblée était nombreuse, le comte de La Roque y était. Elle arrive, on lui montre le ruban, je . la charge effrontément ; elle reste interdite, se tait, me jette
un regard qui aurait désarmé les démons et auquel mon barbare cœur résiste. Elle nie enfin avec assurance, mais sans emportement, m’apostrophe, m’exhorte à rentrer en moi-même, à ne pas déshonorer une fille innocente qui ne 30 m’a jamais fait de mal ; et moi, avec une impudence infer-
nale, je confirme ma déclaration, et lui soutiens en face qu’elle m’a donné le ruban. La pauvre fille se mit à pleurer, et ne me dit que ces mots : « Ah ! Rousseau, je vous croyais un bon caractère. Vous me rendez bien malheureuse, mais 35 je ne voudrais pas être à votre place. » Voilà tout. Elle conti-
nua de se défendre avec autant de simplicité que de fermeté, mais sans se permettre jamais contre moi la moindre invective. Cette modération, comparée à mon ton décidé, lui fit tort. Il ne semblait pas naturel de supposer d’un côté 40 une audace aussi diabolique, et de l’autre une aussi angéli-
que douceur. On ne parut pas se décider absolument, mais les préjugés étaient pour moi. Dans le tracas où l’on était, on ne se donna pas le temps d’approfondir la chose ; et le comte de La Roque, en nous renvoyant tous deux, se 45 contenta de dire que la conscience du coupable vengerait assez l'innocent. Sa prédiction n’a pas été vaine ; elle ne cesse pas un seul jour de s’accomplir.
Commentaire
Vous commenterez l'extrait des Confessions de Rousseau.

Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau ont été écrites de 1766 à 1770 : l’auteur narrateur y raconte sa vie en toute sincérité, et on considère ainsi cet ouvrage comme la première autobiographie au sens moderne du terme. Rousseau en se confessant au lecteur veut se défendre contre les attaques de ses ennemis. Pour cela, il raconte sa vie, et tente d’expliquer, entre autres, les mauvaises actions dont il se sent coupable, sans cacher quoi que ce soit.

1 L’incohérence de l’attitude du jeune homme Rousseau souligne son inconséquence et son irréflexion.

 

Son affection paradoxale pour Marion.

 

Rousseau avance aussi un début d’explication : il était impressionné par l’assemblée.

 

2 Une société qui juge sur des apparences trompeuses Rousseau dénonce une société où l’on juge sur l’apparence et où la modeste vertu est forcément maltraitée.

 

Il dénonce aussi une société où les puissants, assez indifférents à la justice, traitent de la même manière l’innocent et ie coupable.

 

3 Les remords de Rousseau

 

Rousseau est donc le seul à pouvoir faire justice, en se dénonçant auprès du lecteur.

 

Il fait référence aux tourments que lui a infligés sa conscience, punition suprême qui lui a permis de changer.

rousseau

« l'aimer .

D'ailleurs bonne fille, sage, et d'une fidélité à toute 20 épreuve.

C'est ce qui surprit quand je la nommai.

L'on n'avait guère moins de confiance en moi qu'en elle, et l'on ju gea qu'il importait de vérifier lequel était le fripon des deux.

On la fit venir ; l'asse mblée était nombreu se, le comte de La Roque' y était.

Elle arrive, on lui montre le rub an, je '> la charge' effronté ment ; elle reste interdite, se tait, me jette un regard qui aurait désarmé les démons et auquel mon barbare cœur résiste.

Elle nie enfin avec assurance, mais sans emportement, m'apostrophe, m'exhorte à rentrer en moi-même, à ne pas déshonor er une fille innocent e qui ne 30 m'a jamais fait de mal ; et moi, avec une impudence infer­ nale, je confirme ma décla ration, et lui soutiens en face qu'elle m'a donné le rub an.

La pauvre fille se mit à pleurer, et ne me dit que ces mots : «A h ! Rousseau, je vous croyais un bon caractère.

Vous me rendez bien malheureuse, mais 35 je ne voudrais pas être à votre place.

, Vo ilà tout.

Elle conti­ nua de se défendre avec autant de sim plicité que de fer­ meté, mais sans se permet tre jamais contre moi la moi ndre invective.

Cette mod ération, comp arée à mon ton décidé, lui fit tort.

Il ne sem blait pas naturel de supposer d'un côté 40 une audace aussi diabolique, et de l'autre une aussi angéli­ que douceur.

On ne parut pas se décider absolument, mais les préjugés étaient pour moi.

Dans le tracas où l'on était, on ne se donna pas le temps d'approfondir la chose ; et le comte de La Roque, en nous renvoyant tous deux, se 45 contenta de dire que la conscience du coupable vengerait assez l'innocent.

Sa prédiction n'a pas été vaine ; elle ne cesse pas un seul jour de s'acco mplir.

Com mentaire Vo us commen terez l'extrait des Conf essions de Rousseau.

1.

Le comte de La Roque : neveu de Mme de Ver cellis.

2.

Charge : l'a ccuse.

SUJ ETS TRAITËS PAR OBJET D'ËTUDE 171. »

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