Jean-Louis CURTIS, Les Jeunes Hommes

(André Cormarieu, étudiant en première année de droit, voudrait quitter la province où il s'ennuie pour rejoindre ses camarades d'enfance à Paris.) Mme Cormarieu, qui tricotait silencieusement au coin de la cheminée, leva la tête. «Tu veux donc partir à tout prix? « dit-elle. Sa voix était basse et triste. Elle avait pris son masque de douleurs. André connaissait bien cette expression. Il la retrouvait tout au long de son enfance timide et sage, chaque fois qu'il avait menacé de prendre un essor vers la liberté, chaque fois que son instinct avait protesté contre les liens oppressants de l'emprise familiale, chaque fois que sa vitalité s'était réveillée, chaque fois qu'il avait prétendu s'écarter de la voie étroite tracée par la sollicitude maternelle... Ce masque de crucifiée, ç'avait toujours été pour lui le déclenchement d'un remords gratuit, d'un remords sans faute, et, par conséquent, le signe de la soumission, du retrait, de l'effacement. Ç'avait été le mur où se brisaient ses désirs, ses aspirations profondes, son appétit de vivre.  

«Tu veux partir, poursuivait Mme Cormarieu, implacable. Tu as hâte de nous quitter, ta sœur et moi? Tu ne peux plus supporter ta famille? Comme tu voudras! Tu partiras, mon enfant. Puisque tu ne saurais vivre avec nous, tu partiras, je ne te retiendrai pas malgré moi. Ton ingratitude me déchire... Mais puisque tu es si malheureux ici... « Jean-Louis CURTIS, Les Jeunes Hommes. sujets au choix 1) Imaginez la scène où le jeune Cormarieu fait part à sa mère de son désir de s 'en aller. En rapportant ses paroles, vous proposerez avec lui les justifications qu 'il veut donner à sa famille. 2) Analysez, en les ordonnant, vos sentiments à l'égard des personnages à la lecture de cette scène. 3) Quelles sont les idées essentielles exprimées dans ce texte? Développez librement les réflexions qu'il vous inspire.