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Jean Racine: Bérénice (acte I, scène 5)

Publié le 17/01/2022

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Le temps n'est plus, Phénice, où je pouvais trembler. Titus m'aime, il peut tout, il n'a plus qu'à parler. Il verra Le sénat m'apporter ses hommages, Et Le peuple de fleurs couronner ses images. De cette nuit, Phénice, as-tu vu la splendeur ? Tes yeux ne sont-ils pas tout pleins de sa grandeur ? Ces flambeaux, ce bûcher, cette nuit enflammée, Ces aigles, ces faisceaux, ce peuple, cette armée, Cette foule de rois, ces consuls, ce sénat, Qui tous de mon amant empruntaient leur éclat ; Cette pourpre, cet or que rehaussait sa gloire, Et ces lauriers, encor témoins de sa victoire. Tous ces yeux, qu'on voyait venir de toutes parts Confondre sur lui seul leurs avides regards ; Ce port majestueux, cette douce présence. Ciel ! avec quel respect et quelle complaisance, Tous les coeurs en secret l'assuraient de leur foi ! Parle. Peut-on le voir sans penser comme moi, Qu'en quelque obscurité que le sort l'eût fait naître, Le monde, en le voyant eût reconnu son maître ? Mais, Phénice, où m'emporte un souvenir charmant ? Cependant Rome entière, en ce même moment, Fait des voeux pour Titus, et par des sacrifices De son règne naissant célèbre les prémices. Que tardons-nous ? Allons, pour son empire heureux Au ciel qui le protège offrir aussi nos voeux.
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« Au ciel qui le protège offrir aussi nos voeux. Titus est rentré à Rome après avoir mené plusieurs batailles à l'étranger.

Son père, Vespasien, empereur de Rome,vient de mourir.

Nous sommes le jour de ses funérailles, qu'on appelle « apothéose » : à sa mort, l'empereur devientun dieu, on le brûle sur un bûcher et, le même jour, on intronise son successeur.

Titus se doit de prendre la place deson père. A l'extérieur, Rome est en fête.

Le peuple prie pour célébrer la venue du nouvel empereur.

Bérénice prend la paroleet s'adresse à sa confi-dente Phénice.

Mais, rapidement, la jeune reine oublie la présence de cette confidente : satirade est en réalité un monologue dans lequel elle chante sa joie et son amour.

Elle est joyeuse car elle est certaineque Titus va parvenir à convaincre le pouvoir politique de modifier la loi qui empêche un empereur d'épouser uneétrangère.

Titus et Bérénice s'aiment, mais la jeune femme est reine de Palestine. Le verbe « trembler », au premier vers, nous indique que la reine a eu peur que Titus ne puisse pas l'épouser.

Elle avoue à sa confidente qu'elle est maintenant rassurée.

Elle ajoute, parlant de celui qu'elle aime : « il peut tout ». Cette expression prouve que Bérénice se fait une idée quelque peu exagérée du pouvoir de Titus.

On remarquequ'elle a en lui une confiance aveugle.

Elle se voit d'ores et déjà acceptée par la ville de Rome.

Cette entitéabstraite (Rome) est représentée aux vers 3 et 4 par « le sénat », qui désigne le pouvoir politique, et par « le peuple », c'est-à-dire l'opinion publique. Divers éléments nous font comprendre qu'au moment où Bérénice dialogue avec sa confidente se déroulent lesfestivités qui accompagnent l'apothéose de Vespasien.Au sein de cette fête, éclatent la puissance et la richesse deRome, exprimées par les mots « splendeur » et « grandeur » aux vers 5 et 6. Dans les six alexandrins suivants, nous pouvons constater la présence d'une accumulation de termes entre virgules,accumulation qui exprime l'éblouissement de Bérénice face à l'étalement de tant de richesses.

Le « bûcher » est l'endroit où l'on brûlera le corps de Vespasien ; l'« aigle » est le symbole de l'armée romaine tout comme les « faisceaux ». Dans le faste des cérémonies qui forment l'arrière-plan du texte, Bérénice voit l'image de son amant Titus.

Elle ditclairement au dixième vers que c'est lui qu'elle distingue au-delà des apparences ; son regard se perd dans lacontemplation de ces objets merveilleux : « Qui tous de mon amant empruntaient leur éclat ».

La jeune femme est littéralement obsédée par cette image grandiose. Dans le spectacle qui s'offre à elle, Bérénice continue de relever des éléments susceptibles de raviver l'image deTitus.

Il s'agit en quelque sorte de métonymies du futur empereur.

Ainsi, la « pourpre » est le tissu considéré comme étant le plus précieux, l'« or » est le métal le plus rare ; quant aux « lauriers », ce sont des plantes qui servent à confectionner la couronne des empereurs.

Notons aussi que les mots « gloire », « victoire » et « majestueux » font partie du champ lexical de la grandeur.

Dans les expressions « sa gloire » et « sa victoire » (vers 11 et 12), nous trouvons un adjectif possessif se rapportant à Titus.

De la même façon, « lui » est un pronom personnel désignant Titus dans le vers : « Confondre sur lui seul leurs avides regards ».

Tous ces éléments nous montrent que Bérénice idéalise l'homme qu'elle aime.

Aux vers 16 et 17, deux phrases exclamatives expriment l'enthousiasme de la jeunefemme et sa fierté à l'idée d'être un jour impératrice de Rome.

Petit à petit, elle est parvenue à un état voisin del'extase. Le vingtième vers nous permet de reconstituer l'expression « maître du monde » : « Le monde, en le voyant eut reconnu son maître ».

A l'époque, l'empereur de Rome est bien l'homme le plus puissant du monde.

Mais Bérénice va plus loin : elle affirme que, de toute éternité, Titus était prédestiné à avoir l'univers entre ses mains.

L'idée dedestin est rendue par le mot « sort » au vers 19 : « Peut-on le voir sans penser [...] Qu'en quelque obscurité que le sort l'eût fait naître, / Le monde, en le voyant eût reconnu son maître ? » Au vers 21, nous lisons : « Mais, Phénice, où m'emporte un souvenir charmant ? » Cette fausse question montre que Bérénice s'est aperçue de son emportement.

Eblouie par la pensée de son avenir heureux avec Titus, elle s'estlaissée entraîner dans un état second proche de l'ivresse.

Elle reprend soudain conscience du monde qui l'entoure etde la présence de sa confidente à ses côtés. Les termes « voeux » et « sacrifices » (vers 22 à 26) appartiennent au vocabulaire religieux: « voeu » est un synonyme de prière et « sacrifice » désigne le fait de tuer certains animaux pour rendre hommage à un dieu.

Après avoir beaucoup parlé de Titus, et maintenant qu'elle a retrouvé ses esprits, la jeune femme décide d'agir.

Elle vajoindre ses prières à celles du peuple: « Allons, pour son empire heureux / Au ciel qui le protège offrir aussi nos voeux ». Ce texte est l'expression de l'enthousiasme de Bérénice et de sa confiance en l'avenir.

L'apothéose de Vespasien enconstitue l'arrière-plan.

Derrière la magnificence de cette fête, Bérénice voit l'image de Titus : la contemplation decette image la remplit de bonheur.. »

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