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Jeu et littérature

Publié le 30/12/2018

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JEU. Le Moyen Âge ne connaît pas de mot équivalent à notre « théâtre ». Si, au xive et au xve siècle, la situation paraît assez claire (existence de « types » comme la « moralité », la « farce », la « sotie », le « mystère », le « monologue dramatique »), il n’en va pas de même au xiie et au xiiie siècle. La plupart des productions dramatiques de ce temps sont désignées comme « jeux » : Jeu de la feuillée, Jeu de Robin et Marion, Jeu du pèlerin, d’Adam de la Halle; Jeu de saint Nicolas, de Jean Bodel, voire « Jeu » d'Adam (bien que ce terme soit moderne). La notion de « jeu » pose le problème des origines du théâtre « religieux » et « profane ». Elle correspond à deux concepts latins : ludus, qui qualifie des représentations liturgiques (Ludus super iconia sancti Nicolai, 1150), et ordo, texte sacré découpé en tirades faisant intervenir des personnages de L'Ancien Testament. Y a-t-il eu transfert de ludus à jocus (joculator = jongleur)? Robert de Clari l’emploie pour décrire le théâtre de Constantinople : « les jus l’Empereur », où, dit-il, « les Grecs montaient pour regarder les jeux... » Le jeu comporte l’idée de la dramatisation, du passage en gestes, actions et paroles d’un texte préexistant, ou celle d’un montage à partir d’éléments traditionnels (Feuillée, Robin)\\ il implique la prédominance des facteurs extralinguistiques : le texte n’est pas clos, il n’est que le support ou le résidu d’une manifestation. Sous l’appellation de «jeu » on trouve deux catégories d’œuvres, que l’on peut distinguer comme sacrées et profanes; le procédé d’écriture est comparable (« farciture » et amplification).

 

L’office religieux comprend des éléments spectaculaires (rituel, gestes, chant), et les textes se prêtent à la distribution en rôles (antiennes et répons); très tôt se dégage une tendance à la dramatisation, surtout en ce qui concerne les sermons; dès les ve-vie siècles, un Contra Judaeos et Paganos et Arianos sermo de symbolo prévoit des « voix » séparées pour chacun des Prophètes. Les fêtes patronales, le culte des reliques, la faveur des processions, la présence de jongleurs lors de ces fêtes encouragent une évolution vers la représentation. Au niveau des textes, la pratique généralisée de la glose conduit à l’insertion de pauses, de commentaires, de développements qui seront bientôt en langue vernaculaire : le Sponsus (XIe siècle) « farcit » la parabole des Vierges avec de l’occitan. C’est ainsi qu’au XIIe siècle apparaissent les premières pièces liturgiques encore liées au lieu sacré : ordo prophetarum (suite de monologues de personnages, d’Adam à Nabuchodonosor), joué dans l’abbaye; ordo resurrectionis, joué à la fin de la messe du samedi saint. Le théâtre naît quand ces représentations s’affranchissent de leur lieu d'origine. Le Jeu d'Adam, encore appelé ordo par le manuscrit, semble en être le premier exemple : composé en répons selon la technique de la farciture, il garde encore la structure du texte liturgique, mais s’ouvre régulièrement en dialogues (Ève et le Serpent); des didascalia en latin décrivent les costumes et les accessoires, ainsi que les décors : le Paradis est une place surélevée, entourée de rideaux, où l’on voit les acteurs à partir de l’épaule. Le jeu hagiographique, lié à la fête patronale, illustre un épisode de la

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