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Jules Laforgue : « Désolations »

Publié le 17/01/2022

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laforgue
Dans ces jours de grand vent où rage tout l'automne, Loin des nefs aux vitraux plaintifs, loin des concerts, Je m'en vais par les bois solennels et déserts, Chantant des vers d'adieu d'une voix monotone. Des vers, des vers d'adieu qui disent en rêvant Les spleens chastes du Christ et des grandes victimes, Aux chênes incompris échevelant leurs cimes Dans la plainte éternelle et les grands deuils du vent. Oh ! qu'il est éternel le vent dans les grands chênes ! C'est comme un hosannah de désolations Qui passe, puis s'apaise en lamentations Sans fin, dans des rumeurs de cascades lointaines, Si lointaines! Et moi, je ne veux pas savoir Que ces sabbats rageurs sont mon apothéose, Et que tous ces sanglots cherchent le coeur des choses, Et, ne le trouvant pas, hurlent leur désespoir, Mais qui m'aime? Seul, seul. O psaumes de rafales, Prenez-le donc mon coeur! et, plus haut que l'écho, Brisez ce violon du terrestre sanglot Dans vos déchaînements de clameurs triomphales !

En 1820, Chateaubriand, peignant le « mal « de René, soulignait l'harmonie profonde qui unit la mélancolie du héros romantique et les paysages nostalgiques ou tourmentés de l'automne. Entré « avec ravissement dans le mois des tempêtes «, le héros lançait l'appel exalté dont devaient se souvenir bien des poètes romantiques : « Levez-vous vite, orages désirés qui devez emporter René dans les espaces d'une autre vie! «  Le mal de René, en effet, devait devenir le « mal du siècle «. Le vague des passions qui l'habite, son ennui, son inquiétude, son désespoir, se retrouvent transposés jusque dans le spleen baudelairien, ou dans le pessimisme existentiel de Jules Laforgue. Dans un poème qu'il écrivit en 1885, à l'âge de vingt-cinq ans, Laforgue, en proie à un malaise sentimental et métaphysique, cherche ainsi dans les tumultes de la nature un écho à sa propre douleur, et une délivrance.           

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