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Jules LAFORGUE. DÉSOLATIONS

Publié le 16/09/2011

Extrait du document

laforgue

 

Dans ces jours de grand vent où rage tout l'automne,

Loin des nefs aux vitraux plaintifs, loin des concerts,

Je m'en vais par les bois solennels et déserts,

Chantant des vers d'adieu d'une voix monotone.

Des vers, des vers d'adieu qui disent en rêvant

Les spleens chastes du Christ et des grandes victimes,

Aux chênes incompris échevelant leurs cimes

Dans la plainte éternelle et les grands deuils du vent.

Oh ! qu'il est éternel le vent dans les grands chênes 1

C'est comme un hosannah de désolations

Qui passe, puis s'apaise en lamentations

Sans fin, dans des rumeurs de cascades lointaines,

Si lointaines 1 Et moi, je ne veux pas savoir

Que ces sabbats rageurs sont mon apothéose,

Et que tous ces sanglots cherchent le coeur des choses,

Et, ne le trouvant pas, hurlent leur désespoir,

Mais qui m'aime? Seul, seul. 0 psaumes de rafales,

Prenez-le donc mon coeur 1 et, plus haut que l'écho,

Brisez ce violon du terrestre sanglot

Dans vos déchaînements de clameurs triomphales 1

Jules LAFORGUE.

Vous ferez un commentaire composé de ce poème, écrit en 1885 par

un auteur de 25 ans. Vous pouvez organiser votre devoir comme

vous l'entendez, à condition qu'il ait un plan bien défini. Par

exemple, vous pourrez montrer comment l'angoisse personnelle est

ressentie à travers une vision de la nature que traduit notamment le

vocabulaire religieux.

laforgue

« désespoir, se retrouvent transposés jusque dans le spleen baudelai­ rien, ou dans le pessimisme existentiel de Jules Laforgue .

Dans un poème qu'il écrivit en 1885, â l'âge de vingt-cinq ans, Laforgue , en proie â un malaise sentimental et métaphysique, cherche ainsi dans les tumultes de la nature un écho â sa propre douleur, et une délivrance .

Le titre du poème, Désolations, reflète tout d'abord l'affliction extrême, le désespoir du poète .

Celui-ci a beau essayer de se cacher la vérité, refuser de voir les choses en face («Et moi, je ne veux pas savoir ...

»), il est sans cesse ramené â la conscience douloureuse de sa solitude.

C'est ce que traduit le premier vers du dernier quatrain, enchainé sans la moindre transition, par une simple virgule, â ce qui précède:« Mais qui m'aime? Seul, seul.

" Ce cri d'angoisse trahit â la fois le vide sentimental dont souffre le poète et un profond malaise métaphysique.

Oberman, le double littéraire d'Étienne de Sénancour, était déjà atteint par ce mal de l'âme.

Assoiffé d'absolu, il affirmait : « L 'amour est immense, il n'est pas infini.

Je ne veux point jouir; je veux espérer, je voudrais savoir! ,.

De la même manière, Laforgue aspire en vain â la connaissance intime des choses, de l'univers .

Et dans sa commu­ nion avec la nature, il projette son angoisse personnelle dans sa vision du paysage tourmenté de l'automne : « .

.

.

tous ces sanglots cherchent le cœur des choses, 1 Et, ne le trouvant pas, hurlent leur désespoir ...

"· Le désespoir du poète est tel qu'il ne peut plus trouver de réconfort dans la religion ou dans la société des hommes .

Comparée â la sienne, la douleur « des nefs aux vitraux plaintifs ,.

est trop faible et trop douce.

Ayant perdu la foi, il fuit désormais les églises - comme il fuit les concerts , où la foule se rassemble pour communier dans un même sentiment.

Lui se sent seul, différent des autres hommes, accablé par le spleen : ce sont « des vers d'adieu ,.

qu'il chante â la société, â la vie, « d'une voix monotone "· Son malheur existentiel fait de lui une victime, et dans une formule paradoxale et anachronique, il assimile audacieu­ sement son propre cas aux « spleens chastes du Christ et des grandes victimes ».

• Sa mélancolie profonde, son dégoQt de l'existence, lui font alors rechercher la solitude au sein de la nature, dans un mouvement. »

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