KLOSSOWSKI Pierre : sa vie et son oeuvre
Publié le 09/01/2019
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KLOSSOWSKI Pierre (né en 1905). Pierre Klossowski est arrivé à la littérature tardivement et par d’étranges voies. Né à Paris, élevé dans une famille d’artistes (son père, peintre et historien d'art, est un ami de Gide et de Rilke; son frère sera le peintre Balthus), il se tourne d’abord vers des études de théologie, passe par le noviciat des dominicains avant de retourner, en 1945, à la vie laïque. Deux ans plus tard, il publie Sade, mon prochain... Ce revirement à parfum de scandale illustre et résume la personnalité ambiguë de Klossowski, catholique fasciné par l’hérésie, et pour qui, comme chez Bataille, les ardeurs érotiques se confondent avec la passion mystique.
Il a quarante-cinq ans lorsque paraît son premier roman, la Vocation suspendue : ce titre semblerait annoncer une autobiographie si l’auteur ne se masquait derrière l’illustration, souvent aride, de deux tendances qui se disputent le pouvoir au sein de l’Église.
Mais le plus important de son œuvre est contenu dans la trilogie des Lois de l'hospitalité, qui commence en 1954 avec Roberte ce soir, se poursuit par la Révocation de l'édit de Nantes (1959) et se clôt sur le Souffleur (1960). Elle a pour cadre la haute bourgeoisie parisienne, où Roberte pratique assidûment les « lois de l'hospitalité », c’est-à-dire se livre, avec complaisance et sous les yeux de son mari, aux hôtes de passage... Dans Roberte ce soir, la question est de savoir si elle débauchera son neveu, qui vit sous le même toit.
En contrepoint de cette trame, qui pourrait être bouffonne, se mêlent les discussions et remarques d’ordre théologique, que le profane ne saisira pas toujours. En fait, Roberte s’applique à briser consciemment tous les obstacles à ce qu’elle vit comme son « progrès ». Les débordements du corps ne lui arrachent aucun soupir, aucune faiblesse; elle parcourt le champ des perversions sexuelles sans émotion ni remords.
Avec la Révocation de l'édit de Nantes, les personnages s’étoffent : Roberte est député radical (et... membre de la commission de Censure), pendant qu’Octave, son mari, analyse les toiles d’un peintre pompier du nom de Tonnerre, qu'il imagine reconstituer sous forme de
«
«
tableaux vivants ».
Ce que dit Octave de ces tableaux
pourrait s'appliquer au livre : «Nous assistons à d'inter
minables expropriations du corps d'autrui, conune aussi
à une complicité naissante de la femme avec une image
de soi-même qu'elle a passé des années peut-être à
combattre».
L'expropriation du corps d'autrui est le principe
sadien par excellence.
Pour ce qui est de son corps à elle,
Roberte ne cherche rien qui soit de l'ordre de l'épanouis
sement: elle semble plutôt désirer qu'il s'anéantisse.
«Le sentiment de son corps, auquel la femme est plus
intimement inhérente que l'homme, fait aussi qu'elle
atteint plus sûrement à la mort des sens que l'ascète; plus
de corps, plus d'âme; la mort parfaite; néant avec lequel
nous avons cependant un rapport presque doux, et tendre;
notre néant est aussi chaud que notre corps».
Peu prolixe en publications, Klossowski devait donner
une nouvelle, le Bain de Diane ( 1956), puis, en 1965,
un autre roman, le Baphomer, scènes de magie dans le
cadre d'une commanderie de l'ordre des Templiers.
On
lui doit aussi la Monnaie vivanTe ( 1970), recueil abon
damment illustré par ses peintres de prédilection (notam
ment Bellmer), et diverses études sur Nietzsche, qu'il
n'a cessé de commenter (Nietzsche et le cercle vicieux,
1969) ou de traduire (le Gai Savoir, 1973).
La langue de Klossowski ne trahit aucune influence
contemporaine.
Ennemi de tout lyrisme, il possède,
comme Sade, 1' art d'enchâsser les représentations
sexuelles les plus audacieuses dans des phrases impecca
blement maîtrisées comme des exemples grammaticaux.
Il faudrait souligner aussi ce que doit la beauté de cette
langue à la pratique du latin; Klossowski a beaucoup
traduit Suétone, Virgile, Augustin, et ne se prive pas de
les citer.
Pourtant, le personnage n'est pas si anachronique
qu'il y paraît.
En témoigne la facilité de son adaptation
dans un domaine où personne ne l'attendait, le cinéma.
Deux films où il a pris une part directe s'inspirent avec
quelque réussite des Lois de l'hospitalité.
Le thème des
«tableaux vivants» apparaît dans l'HypoThèse du
tableau volé (film deR.
Ruiz, 1978), où l'on retrouve
le peintre pompier Tonnerre, tandis que le protagoniste
conduit comme une enquête la reconstitution des liens
qui unissent six toiles, en prenant pour hypothèse que la
septième aurait été volée; la quête érotique est mise en
images dans Roberte (film de P.
Zucca.
1978, tiré de la
Révocation de l'édit de Nantes), où Klossowski joue
lui-même, non sans humour, le rôle d'Octave, soulevant
de temps à autre une tenture pour surveiller les ébats
d'alcôve de son épouse ...
L'humour, on l'aura compris,
est aussi une composante de cette œuvre.
BIBUOGRAPHIE Alain Arnaud, Pierre Klossowski, coll.
>, Le Seuil.
1990; M.
Blanchot, >), Éd.
de Minuit.
1971: M.
Foucault.
« le Rire
des dieux».
N.R.F., juillet 1965: M.
Spada.
Fictions d'Éros,
Gand, 1970; D.
Wilhcm, Pierre Klossowski.
le corps impie,
Paris, U.G.E., 1979.
Voir aussi O.
Per ros .
Papiers collés /1,
Paris, Gallimard, 1973.
B.
VISAGE.
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