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La Bête humaine ( 1890 ) , Emile Zola Commentaire Littéraire : extrait du chapitre X ( la « mort » de la Lison )

Publié le 16/09/2011

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zola

« Elle, la Lison, il la reconnaissait bien, et elle lui rappelait tout, les deux pierres en travers de la voie, l'abominable secousse, ce broiement qu'il avait senti à la fois en elle et en lui, dont lui ressuscitait, tandis qu'elle, sûrement, allait en mourir. Elle n'était point coupable de s'être montrée rétive ; car, depuis sa maladie contractée dans la neige, il n'y avait pas de sa faute, si elle était moins alerte ; sans compter que l'âge arrive, qui alourdit les membres et durcit les jointures. Aussi lui pardonnait-il volontiers, débordé d'un gros chagrin, à la voir blessée à mort, en agonie. La pauvre Lison n'en avait plus que pour quelques minutes. Elle se refroidissait, les braises de son foyer tombaient en cendre, le souffle qui s'était échappé si violemment de ses flancs ouverts, s'achevait en une petite plainte d'enfant qui pleure.  Souillée de terre et de bave, elle toujours si luisante, vautrée sur le dos, dans une mare noire de charbon, elle avait la fin tragique d'une bête de luxe qu'un accident foudroie en pleine rue. Un instant, on avait pu voir, par ses entrailles crevées, fonctionner ses organes, les pistons battre comme deux cœurs jumeaux, la vapeur circuler dans les tiroirs comme le sang de ses veines ; mais, pareilles à des bras convulsifs, les bielles n'avaient plus que des tressaillements, les révoltes dernières de la vie ; et son âme s'en allait avec la force qui la faisait vivante, cette haleine immense dont elle ne parvenait pas à se vider toute. La géante éventrée s'apaisa encore, s'endormit peu à peu d'un sommeil très doux, finit par se taire. Elle était morte. Et le tas de fer, d'acier et de cuivre, qu'elle laissait là, ce colosse broyé, avec son tronc fendu, ses membres épars, ses organes meurtris, mis au plein jour, prenait l'affreuse tristesse d'un cadavre humain, énorme, de tout un monde qui avait vécu et d'où la vie venait d'être arrachée, dans la douleur. «

zola

« symbolisent le souffle de vie de la machine: 1 ) D'abord Zola évoque les derniers instants de la locomotive personnifiée : « la Lison n'en avait plus que pourquelques minutes », « Elle se refroidissait », « le souffle qui s'était échappé...

s'achevait ». 2 ) Puis il y a les ultimes sursauts ; « Un instant, on avait pu voir...

fonctionner ses organes, la vapeur circuler...

»,« les bielles n'avaient plus que les tressaillements convulsifs...

son âme s'en allait...

se vider toute ». 3 ) Ensuite, c'est la fin : « La géante éventrée s'apaisa encore, s'endormit peu à peu ...

finit par se taire »; laphrase au rythme décroissant mime ce mouvement, tandis que l'euphémisme « s'endormit d'un sommeil très doux »atténue le « choc » de cette agonie évoquée par une phrase courte et sèche « Elle était morte ». B) Les Souffrances 1 ) La déchéance : la machine a une fin dégradante ( « souillée », « vautrée »), qualifiée de «tragique » : « elleavait la fin tragique d'une bête de luxe qu'un accident foudroie dans la rue ».

La métaphore de la foudre, quiconnote la rapidité et la brutalité, convient bien au déraillement du train.

L'antithèse « Souillée de terre et de bave,elle toujours si luisante » et les métaphores animales soulignent le sort dégradant de la Lison exhibée à tous lesregards « ses organes meurtris, mis au plein jour », 2 ) Les champs lexicaux de la violence et de la mort sont très présents : des déraillements spéctaculaires à l'époqueont inspiré Zola.

Il emploie un registre très réaliste du corps déchiqueté : « ce broiement », « le souffle...

échappési violemment de ses flancs ouverts », « ses entrailles crevées », « la géante éventrée », « ce coloss broyé avec ...ses organes meurtris » ( dans cette phrase on notera l'accumulation des termes et allitérations en « R »), « la viearraché, dans la douleur ».

Cette mort violente est aussi évoquée par les termes « blessée à mort », en agonie » Cependant à cette vision à la fois réaliste et tragique va s'ajouter une grande émotion, car c'est à travers lepersonnage de Jacques que nous voyons « mourir sa locomotive bien-aimée. III ) Une scène pathétique. A ) Le discours intérieur de Jacques 1) Un point de vue interne : la plus grande partie de la scène est décrite selon le point de vue du mécanicien de laLison : « Elle, la Lison, il la reconnaissait bien », « à la voir blessée à mort » 2) Le discours au style indirect libre : il permet au lecteur de pénétrer les pensées de Jacques qui se souvient « ellelui rappelait tout » ; le style familier montre que c'est un homme issu d'un milieu populaire qui parle « il n'y avait pasde sa faute » , « sans compter que ». B) Les sentiments de Jacques pour la Lison : 1) la symbiose avec la machine : c'est elle qu'il voit et reconnaît en premier et non les deux femmes qui l'aiment : lastructure affective de la phrase « Elle, la Lison, il la reconnaissait...

» montre l'importance de la locomotive pourJacques.

L'union qui existait entre les deux personnages est traduite par le parallélisme et les rythmes binaires « cebroiement qu'il avait ressenti à la fois en elle et en lui », dont il ressuscitait, tandis qu'elle sûrement allait en mourir » 2) L'affection: on la voit dans le surnom qui revient deux fois dans le texte.

Le lexique moral attribué à la machine lapersonnifie : pour Jacques la locomotive était un être vivant, qu'il soignait et aimait, il dédouane l'engin de touteresponsabilité « Elle n'était point coupable...; il n'y avait pas de sa faute ».

Comme pour un animal ou un humain, ilparle « d'âge qui arrive » pour évoquer les vieillissement de la machine et surtout de « sa maladie contractée dans laneige » , qui rappelle la lutte qui va l'endommager, au chapitre VII. 3) La compassion : la personnification de « la pauvre Lison »renforde ainsi le pathétique et permet de comprendre ladouleur de Jacques « dérobé d'un gros chagrin » auquel semble correspondre d'ailleurs celle de la machine « lesouffle...s'achevait en une petite plainte d'enfant qui pleure ».

L'expression « l'affreuse tristesse de tout un mondequi avait vécu » intensifie l'aspect pathétique du passage. Conclusion Ce passage met parfaitement en évidende l'art de Zola et les limites de la théorie naturaliste : ce qui aurait pu êtreune scène très réaliste d'un accident ferroviaire devient l'agonie tragique et pathétique d'un personnage où semêlent des éléments d'une vision épique .

Cette évocation peut aussi nous inciter à une réfléxion : qui est le hérosdu roman ? Jacques Lantier, victime de la « tare originelle » des Macquart, « la fêlure » que va rouvir la « mort dela locomotive, ne semble guère en avoir les caractéristiques traditionnelles.

Cependant, cette hérédité à laquelle ilne peut échapper, qui va en faire un criminel, « une bête humaine », s'apparente à la fatalité et lui donnera alors unaspect tragique.

Mais ici le véritable personnage, c'est la Lison.

Dans tout le roman, par des métaphores et uneconstante personnification, Zola ne fait-il pas du train une « bête humaine », qui devient à la fois le symbole d'unprogrès source d'inquiétude et d'interrogation, mais aussi de l'instinct de mort tapi depuis l'origine en l'homme, cette. »

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