LA BRUYÈRE: Les Caractères, «De la mode», 2.
Publié le 04/10/2013
Extrait du document
Diphile commence par un oiseau et finit par mille : sa maison n'en est pas égayée, mais empestée. La cour, la salle, l'escalier, le vestibule, les chambres, le cabinet, tout est volière ; ce n'est plus un ramage, c'est un vacarme : les vents d'automne et les eaux dans leurs plus grandes crues ne font pas un bruit si perçant et si aigu ; on ne s'entend non plus parler les uns les autres que dans ces chambres où il faut attendre, pour faire le compliment d'entrée, que les petits chiens aient aboyé. Ce n'est plus pour Diphile un agréable amusement, c'est une affaire laborieuse, et à laquelle à peine il peut suffire. Il passe les jours, ces jours qui échappent et qui ne reviennent plus, à verser du grain et à nettoyer des ordures. Il donne pension à un homme qui n'a point d'autre ministère que de siffler des serins au flageolet et de faire couver des canaris. Il est vrai que ce qu'il dépense d'un côté, il l'épargne de l'autre, car ses enfants sont sans maîtres et sans éducation. Il se renferme le soir, fatigué de son propre plaisir, sans pouvoir jouir du moindre repos que ses oiseaux ne reposent, et que ce petit peuple, qu'il n'aime que parce qu'il chante, ne cesse de chanter. Il retrouve ses oiseaux dans son sommeil : lui-même il est oiseau, il est huppé, il gazouille, il perche ; il rêve la nuit qu'il mue ou qu'il couve.
Le libellé du sujet confirme d'ailleurs ces impressions de départ. Il vous indique clairement deux centres d'intérêt :
- le portrait d'un maniaque, ce mot renvoyant moins au sens habituel du terme (celui qui est attaché à des habitudes risibles) qu'au sens fort (celui
qui a un goût exagéré et obsessionnel pour quelque chose), voire pathologique (un fou);
- l'art avec lequel !'écrivain brosse ce portrait.
Mais l'emploi dans ce même libellé du mot «moraliste« (au xviie siècle, écrivain qui peint les moeurs; à notre époque, philosophe qui propose une morale) n'a rien de fortuit et peut vous inciter à considérer, outre l'intérêt esthétique du texte, son caractère moral.
«
ou oral, entre un sujet qui s'exprime et son interlocuteur.
L'intention qu'a
le premier d'influencer le second met en avant
l'acte d'énonciation* lui-même.
Aussi les textes discursifs*
sont-ils très divers dans la vie courante (publicité écrite, allo
cutions politiques, correspondance privée, etc.) mais aussi dans
la littérature, où l'on range sous
ce nom des discours (au sens
habituel cette
fois) tels que les Oraisons funèbres de Bossuet,
des lettres élaborées comme celles de Madame de
Sévigné, des
essais
(L'Homme révolté de Camus), des ouvrages critiques
(Sur Racine de Roland Barthes), etc.
• Le discours*
Si le genre discursif* peut utiliser des formes variées, il est
avant tout le lieu
de l'argumentation, appelée souvent raisonne
ment, qui comporte trois éléments : une thèse, les arguments
qui la justifient, et les preuves qui soutiennent ces arguments
(c'est la démarche du commentaire composé
...
).
Le choix de ces
derniers est déterminé par l'action que l'on veut exercer, sui
vant que l'on s'adresse à la raison ou au sentiment.
Ils sont de
plusieurs sortes : affirmations, raisonnement logique, recours à
des exemples empruntés au réel ou inventés, conseils et ordres.
De plus }'écrivain essaie de rendre vraisemblable
ce qui ne l'est
pas forcément et de créer une complicité avec
ses lecteurs en
recourant à des connotations* qu'il peut partager avec eux pour
des raisons sociales, culturelles, etc.
• L'analyse du discours*
Quand vous abordez un texte de
ce type (ou plus générale
ment un passage discursif* dans quelque genre que
ce soit),
soyez toujours attentifs :
- à la logique du discours* (l'enchaînement des idées), très
variable, même
si quelques grandes catégories peuvent se dis
tinguer
(«disposition» de la rhétorique classique, inventaire,
structure dialectique, etc.) ;
-
à
s~s moyens d'expression et notamment à la progression
grammaticale (adverbes, conjonctions de coordination, signes
de ponctuation); attention également aux figures
de rhétorique,
notamment de construction -qui s'inscrivent dans
le cadre de
la phrase : répétition, anacoluthe (rupture de construction), etc.
- et de pensée -qui dépassent souvent
ce cadre : ironie*,
sarcasme, prosopopée (figure qui consiste à faire parler un
mort, un animal, une chose personnifiée), etc.
;
- aux marques
(ou indices) de l'énonciation*, c'est-à-dire à
l'inscription dans son propre discours de celui qui s'exprime :
pronoms divers désignant l'auteur du propos et son lecteur
(par exemple les pronoms personnels de 1
re et de 2° personnes),.
»
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